Introduction du chapitre 2

Quel est l'environnement institutionnel qui s'impose à la régulation de la SNCF et à la régionalisation du transport de voyageurs en France215 ? Pour apporter des éléments de réponse à cette question, ce chapitre 2 visera à présenter l'état du droit qui encadre et conditionne l'activité de transport ferroviaire en général, et du transport régional de voyageurs en particulier. Face au constat d'une profonde réécriture, encore en cours, de la législation européenne, et in fine de la régulation de cette activité, dans le sens d'une plus grande libéralisation, nous nous interrogerons sur la nature et sur les modalités des réformes ferroviaires menées en France dans ce contexte. Nous procéderons en deux temps.

Dans un premier temps, nous chercherons à présenter les caractéristiques de ce mouvement de libéralisation du transport par chemin de fer, impulsée par le droit communautaire sous l'égide de la Commission et du Parlement européen (1.). Pour ce faire, nous préciserons d'abord les contours, les étapes, mais aussi les finalités visées par ce nouvel environnement réglementaire (1.1.), pour ensuite en décrypter les fondements économiques, que nous mettrons en perspective au regard de l'éclairage apporté par la théorie néo-institutionnaliste (1.2.). Il apparaîtra que la situation du transport ferroviaire régional de voyageurs, ne résulte pas d'un mouvement induit par les directives libérales des "paquets ferroviaires", mais quasi-exclusivement du règlement relatif aux obligations de services publics (OSP) et repose sur un choix économique particulier, de "concurrence régulée", dit également de "concurrence pour le marché". Il apparaîtra aussi combien le processus de réforme reste encore inabouti et que la diversité caractérise les chemins institutionnels empruntés par les différents pays européens pour traduire ces réformes. La théorie néo-institutionnaliste nous amènera enfin à nuancer les bienfaits attendus par certains, du mécanisme concurrentiel de "franchise bidding", c'est-à-dire d'attribution par appel d'offre des droits exclusifs attachés au contrat de service public. Ce dernier ne permet notamment pas de supprimer toute tutelle ex post par les autorités publiques de réglementation, et ne garantit a priori, ni une concurrence véritable lors de l'attribution des contrats (et, moins encore, lors de leur réattribution), ni au demeurant, une exécution sincère et loyale de ceux-ci.

Dans un deuxième temps, nous présenterons les caractéristiques de la transposition de ce nouveau cadre règlementaire européen dans le droit français (2.). Nous rechercherons d'abord les contours de la régulation ferroviaire en France (2.1.), avant de nous questionner sur la démarche de réforme de la régulation ferroviaire voulue par le Législateur, et plus particulièrement, sur le choix français de régionalisation ferroviaire qui maintenait initialement le monopole d'exploitation de l'opérateur historique (2.2.). Cette analyse nous amènera à montrer combien, en France, le Législateur s'est avéré original, rétif à une introduction massive de la concurrence dans le système ferroviaire, préférant une démarche de réforme "pas à pas", par "mise sous pression" progressive de l'opérateur historique, opposée au choix britannique et bien plus timide que le choix allemand. Le choix du Législateur, en matière de régionalisation ferroviaire, s'inscrit en pleine cohérence avec ce schéma général : le transfert aux Régions de la décision et du financement du service public de transport régional de voyageurs s'est effectué sans accorder aux Régions la liberté de choix de leur opérateur, puisque les conventions initiales maintiennent le monopole légal de l'opérateur historique sur le trafic TER.

Notes
215.

Pour une présentation du transport ferroviaire de voyageurs en France, accordant une large place aux données institutionnelles, voir la note de synthèse du Sétra (2009).