Conclusion du chapitre 2

Ce chapitre visait à définir l'environnement institutionnel qui s'impose à la régulation de la SNCF et au transport régional de voyageurs en France. Pour apporter des éléments de réponse à cette question, nous avons présenté l'état du droit qui encadre et conditionne l'activité de transport ferroviaire en général, et du transport régional de voyageurs en particulier. Face au constat d'une profonde réécriture, encore en cours, de la législation européenne, et in fine de la régulation de cette activité, dans le sens d'une plus grande libéralisation, nous nous sommes interrogés sur la nature et sur les modalités des réformes ferroviaires menées en France dans ce contexte.

Au terme de ce chapitre, plusieurs observations sont possibles.

1) Le transport par chemin de fer, en situation commerciale et financière périlleuses en Europe, est engagé depuis presque vingt ans, dans un profond mouvement de réforme de ses pratiques et de ses structures, animé par les autorités européennes (Commission et Parlement).

2) S'il est prématuré de faire un bilan définitif de ce vaste mouvement de libéralisation, la régulation de ce secteur a été sensiblement modifiée tant par la recherche d'une plus grande efficience dans une optique tant économique qu'environnementale, que par la promotion d'un modèle de concurrence à la fois pour le marché et sur le marché, par une clarification du rôle des pouvoirs publics et la recherche de la stabilité financière du GI, au-delà des fortes contraintes budgétaires pesant sur les finances publiques, et enfin par le renforcement de la dimension entrepreneuriale des acteurs ferroviaires du marché des transports366.

3) Il est apparu aussi combien le processus de réforme reste encore inabouti et que la diversité caractérise les chemins institutionnels empruntés par les différents pays européens pour traduire ces réformes.

4) Les propositions réglementaires effectuées par la Commission européenne répondent à un schéma théorique lisible, mais discutable, empruntés aux théories économiques des réseaux, reposant principalement sur la théorie des marchés contestables (concurrence sur le marché), et, dans le cas du transport régional et local de voyageurs, sur la théorie de la concurrence pour le marché. La théorie néo-institutionnaliste nous a amené à nuancer les bienfaits attendus par certains du mécanisme concurrentiel de "franchise bidding", c'est-à-dire d'attribution par appel d'offre des droits exclusifs attachés au contrat de service public.

5) Au regard du schéma réglementaire européen de libéralisation ferroviaire, mais également des adaptations de l'industrie ferroviaire mise en œuvre par nombre de pays européens, la réforme ferroviaire française, apparaît bien particulière, voire singulièrement "en retard". Son principe repose à la fois sur la nécessaire transposition de directives européennes, et sur un vaste mouvement de régionalisation du transport régional de voyageurs. Les études comparatives montrent effectivement que la réforme ferroviaire française est allée moins loin et moins vite que beaucoup d'autres pays européens. Cette appréciation de "retard" n'est pas propre à la libéralisation du secteur ferroviaire. Elle pourrait également être proposée à la libéralisation des autres industries de réseaux (Du Marais, 2003).

6) A l'analyse, le modèle français de régulation ferroviaire est effectivement différent de celui proposé par les autorités communautaires. Son pari de modernisation du secteur, opposé de la démarche britannique, se veut progressif et pragmatique, sans rompre ni l'unicité d'exploitation, ni la situation de monopole de l'opérateur historique. De ce fait, il est également clair que les autorités françaises ont globalement choisi de retarder le mouvement de libéralisation impulsée par les autorités européennes. Cela est particulièrement vrai pour le règlement OSP qui vise à introduire une concurrence pour le marché dans les services intérieurs de voyageurs. Mais la France n'est pas pour autant isolée. Certains voient dans cette attitude de résistance au changement l'expression d'une logique économique bien comprise.

‘"La résistance au changement procède aussi de la prise de conscience (tout à fait réaliste) du fait que la concurrence a ses gagnants et ses perdants et que les chemins de fer, enserrés dans le carcan de leurs coûts (élevés) et de leur gestion rigide d'origine politique, sont mal armés pour concurrencer un secteur privé plus souple et plus libre. L'opacité a de nombreuses raisons d'être."367

Comment s'assurer alors que le maintien du monopole de "l’opérateur historique" ne lui permet pas de profiter de l'asymétrie d'information et d'un certain pouvoir de marché, tant au regard des pouvoirs publics que des AO régionales, devenues les responsables du développement du transport régional de voyageurs. C'est cette question qu'il nous importe d'aborder maintenant.

Notes
366.

Pour plus de précisions, voir CEMT, (2007), ibidem.

367.

CMET, (2007), ibidem, p. 9.