Deuxième partie
La régionalisation ferroviaire en France : d'une mutation de l'environnement institutionnel aux arrangements institutionnels Régions / SNCF

Introduction

Notre première partie visait à planter le décor général sur un plan institutionnel. Elle a abouti à poser un doute sur la capacité des collectivités publiques régionales, nouvellement AO de transport de voyageurs en France, à écrire et à gouverner des conventions favorables à leurs intérêts et à la réalisation de leurs objectifs, face à un exploitant ferroviaire historique, maintenu en France en situation de monopole en dépit de la régionalisation.

Cette seconde partie porte sur la régionalisation ferroviaire elle-même. Elle vise à décrypter la nature du choix français de réforme du transport régional de voyageurs et se focalise sur les mécanismes économiques et contractuels particuliers inscrits dans la loi SRU et transcrits dans les conventions d'exploitation signées entre la SNCF et chaque Région. Notre questionnement sur la nature de la régionalisation ferroviaire mise en œuvre en France depuis 2002 s'articulera en deux étapes.

La première étape cherchera, à travers une démarche comparative, à expliciter le "modèle économique SNCF-TER" souhaité par le Législateur à travers l'environnement institutionnel368 proposé par la loi SRU (chapitre 3). Dans ce but, nous nous proposerons de comparer le cadre légal retenu par la loi SRU avec celui qui prévaut dans la contractualisation des transports publics urbains (TPU). Nous mettrons également en perspective la régionalisation ferroviaire française en comparaison avec celle opérée dans d'autres pays européens, notamment la Suisse et l'Allemagne.

Dans une perspective d'économie des contrats, et en proximité avec la théorie néo-institutionnaliste369, nous nous intéresserons ensuite aux caractéristiques spécifiques des conventions passées entre les Régions et la SNCF pour l'exploitation du TER (chapitre 4). Nous chercherons ainsi à savoir si les Régions, en tant qu'AO de transport, ont su mettre à profit la large autonomie contractuelle voulue par le Législateur pour écrire les conventions TER dans le sens de leurs priorités et conformément à leur intérêt. Nous viserons à révéler les formes et arrangements institutionnels inscrits dans la disparité de ces conventions bilatérales.

Notes
368.

Cette notion d’arrangement institutionnel, est un concept central de l’approche néo-institutionnelle qui distingue "environnement institutionnel " et "arrangement institutionnel". Cette distinction trouve son origine chez Lance Davis et Douglass North (1971, pp. 6-7) et développée finement par North (1990). La notion d'arrangement institutionnel est très proche de celle de mode de gouvernance employée par Oliver Williamson (1996).

"L’environnement renvoie aux règles du jeu, règles politiques, sociales, légales, qui délimitent et soutiennent l’activité transactionnelle des acteurs, alors que les arrangements revoient aux modes d’utilisation de ces règles par les acteurs, ou plus exactement, aux modes d’organisation des transactions dans le cadre de ces règles." C. Ménard, (2003).

L’environnement institutionnel est ici constitué pour l’essentiel par l’ensemble des lois et règlements encadrant le transfert aux Régions du service public régional de voyageurs et par un certain nombre de dispositions du droit administratif, notamment celles concernant les contrats administratifs et le service public. Les arrangements institutionnels se traduisent par les conventions d’exploitation et de financement, objet de la présente étude.

369.

Pour une présentation du programme de recherche, des concepts, de la méthode et des résultats de l'approche néo-institutionnaliste, voir Ménard C., (2003).