L'étude s'intéresse aussi à la nature des contrats passés entre les autorités et les compagnies, mais les résultats restent précaires en raison du caractère particulièrement fragmentaire des données transmises par les compagnies. Deux questions sont abordées, le mode d'attribution du contrat d'une part et le schéma de rémunération ou de partage des risques d'autre part.
L'attribution du contrat peut revêtir deux modalités principales, l'attribution directe par négociation entre l'AO et les opérateurs ("direct award") et la procédure d'appel d'offre ("call for tenders"). La sous-traitance représente une troisième possibilité.
Dans l'UE-15, une grosse moitié du nombre de contrats est confiée par attribution directe, une petite moitié l'est par appel d'offre. Résiduellement quelques contrats sont gérés en sous-traitance.448 L'on remarquera que le modèle Suisse se distingue de la configuration de l'UE-15, puisqu'en Suisse la pratique quasi exclusive est l'attribution directe par négociation entre l'AO et les opérateurs. Cette configuration est aussi la plus répandue dans les pays nouvellement membres de l'UE (entrés en 2004). Concernant les appels d'offre, les auteurs estiment le volume d'activité minimale de production nécessaire pour justifier le coût de cette procédure à 2,5 millions de train-km par an.449
Quant au schéma de rémunération ou de partage des risques, l'étude distingue deux possibilités, les contrats "Net cost" (NC) et "Gross cost" (GC). Les contrats en Coût net (NC) font supporter à l'opérateur les deux risques, le risque industriel (coût) et le risque commercial (recettes). Ils correspondent aux contrats à compensation financière évoqués en transport urbain (CFF). Les contrats en Coût brut (GC), qui font porter le risque industriel par l'opérateur et le risque commercial par les autorités, correspondent aux contrats à prix forfaitaires (GF) mentionnés dans le transport urbain. Dans l'UE-15, la majorité des contrats sont du type "Net Cost" (NC, contrats à compensation financière) et font porter le double risque à l'opérateur en contrepartie d'une plus grande responsabilité et liberté entrepreneuriales. Seulement 43% des contrats sont de type "Gross cost" et proposent un partage des risques entre l'exploitant et l'AO. Dans les autres pays européens, les contrats sont également majoritairement "Net Cost". Cela est tout particulièrement vrai en Suisse où tous les contrats sont de ce type.
L'étude, croisant les deux questions précédentes (modalités d'attribution du contrat et schéma de rémunération) parvient au résultat suivant : en situation d'attribution directe, la très grande majorité des contrats est proposé dans une logique "Net cost", faisant supporter le double risque à l'opérateur. Les données disponibles pour les contrats attribués par appel d'offre n'ont pas été suffisamment nombreuses pour conclure, mais il semblerait pourtant que la fréquence des contrats "Net Cost" y soit également croissante.
Les auteurs expliquent l'augmentation de la part et la prédominance actuelle des contrats incitatifs par deux raisons, un processus d'apprentissage positif et l'intérêt de ces contrats pour les deux parties. La généralisation des contrats de type "Net cost" peut certainement s'interpréter par un bon retour d'expérience. Elle résulte également des avantages que ces contrats procurent aux deux parties. Pour l'exploitant, le contrat en coût net permet une pleine maîtrise de tous les leviers de l'activité (industriels et commerciaux) ; pour l'AO, il signifie un moindre risque financier. L'étude révèle aussi une tendance à la transformation du contrat en cours de route, environ à mi-parcours, de Coût brut en Coût net. Cette tendance pourrait s'expliquer par la volonté des AO de laisser au soumissionnaire le temps d'améliorer sa connaissance du marché, avant de lui donner toute liberté de gestion.
La plupart des contrats contiennent également des dispositions d'encouragement et de pénalité. L'étude relève que ces dispositions se basent toujours sur la qualité produite, parfois sur l'évolution du nombre de passagers et rarement sur les baromètres de satisfaction des clients. Quant à la durée des contrats, dans 70% des cas, elle varie entre 4 et 12 ans. Les chiffres concernant les bonus/malus traduisent une volonté des autorités organisatrices de davantage pénaliser les contre-performances que d'encourager l'excellence. Les bonus varient entre 0.3 et 1% du montant du chiffre d'affaires, alors que les pénalités varient entre 1 et 3%.
De nombreux avenants sont signés au cours des contrats, permettant une certaine flexibilité du contrat sans faire supporter à l'exploitant des risques non prévisibles qui fausseraient la concurrence. Les auteurs soulignent combien ces avenants traduisent un esprit de dialogue permanent et constructif entre les deux parties contractantes. Dans les deux tiers des cas de ces contrats de service public, les exploitants ont la possibilité de fournir des services supplémentaires (à leur propre risque et sans subvention) si l'infrastructure permet de dégager des capacités excédentaires.
L'étude insiste sur le fait que cette présentation par unité de contrat ne permet aucune déduction sur la distribution des contrats en fonction de leur valeur monétaire. Cette approche reste à réaliser.
Partant du principe que les coûts de production varient entre 6 et 10 euros par train-km, la valeur du contrat "de base" se situe entre 15 et 25 millions d'euros.