3.1.4. La question de la propriété du matériel roulant

Dans l’optique néo-institutionnaliste, qui valorise la question de la présence éventuelle d’actifs spécifiques, la propriété du matériel roulant est une question importante.

L’étude aborde cette dimension, mais seulement la moitié des compagnies ont répondu à cet item. Au regard des données disponibles, les opérateurs sont propriétaires de presque 90% du parc de matériel roulant (dans 47% du total, en pleine propriété et dans 41% avec une contribution financière des AO). Les AO sont très rarement propriétaires du matériel roulant, dans 7% des cas seulement et les sociétés de location, les "Rolling Stock Operating Companies" (ROSCO) ne détiennent que 5% de la flotte. La flotte est parfois en copropriété entre l'autorité et une société de leasing de matériel roulant (ROSCO). Les plus grandes compagnies associent souvent une large variété de modèles de propriété, mais elles n'ont pas fournie le détail de cette information. La propriété du matériel roulant évolue rapidement en faveur de la pratique du leasing dont les avantages sont nombreux450. Le leasing, facilitant le financement, est reconnu être un facteur de renouvellement rapide de la flotte. Il est aussi favorable à l'émergence de nouveaux entrants, grâce à la séparation entre la propriété et l'exploitation. Il facilite également la gestion pour l'exploitant, épargné par les procédures d'homologation. Il peut enfin être source d'économie d'échelle dans l'acquisition et la maintenance, donc être un facteur de compétitivité.

Au total, cette enquête est capitale par la mesure des changements du paysage institutionnel ferroviaire qu'elle révèle. Elle atteste que le transport régional et local de voyageurs en Europe est dans son ensemble entré dans une logique nouvelle, caractérisé par plus de concurrence et de transparence. Une claire tendance en faveur d'une organisation du service de chemin de fer sur des bases contractuelles (et non plus administrées) se généralise partout en Europe de plus en plus souvent sous forme de contrats incitatifs. Le résultat le plus significatif est la popularité croissante des appels d'offres au regard des procédures d'attribution directe, interprétée comme la mise en pratique de la politique ferroviaire de la Commission européenne. Elle met également en lumière l'émergence d'un climat entrepreneurial positif dans le secteur ferroviaire régional en Europe. Ce développement s'observe non seulement du coté des exploitants, mais aussi des AO régionales, quand elles disposent de compétences ferroviaires depuis peu, ou quand elles veulent innover afin de dynamiser le trafic sur les lignes régionales.451

Ces résultats appliqués à l'analyse du cas français ne doivent-ils pas nous amener à comprendre que la forte couverture des risques, tant industriels que commerciaux par les AO régionales, prévue par les Conventions de 2002, en traduction de la loi SRU, constitue une situation provisoire, première étape d'un cheminement qui ailleurs amène progressivement l'(les) opérateur(s) à assumer la totalité des risques ? Il est donc probable que l'ouverture à la concurrence permise par le règlement OSP amène certaines Régions à tenter des appels d'offres plutôt que des attributions directes, et à privilégier des contrats donnant plus de responsabilité, mais aussi faisant supporter plus de risque à l'opérateur (contrat de type "Net cost").

Pour discuter et préciser notre analyse du devenir de la régionalisation française, nous analyserons les trajectoires de deux pays européens voisins, l'Allemagne et la Suisse, qui ont tous deux, très précocement, introduit une régionalisation ferroviaire, mais sous des modalités bien différentes.

Notes
450.

La prise de conscience de l'intérêt du leasing commence à se développer en France. D. Guéranger (2007) relevait que la Région PACA a signé en 2003 avec la banque Dexia un montage qui permet à cette dernière d'acheter des rames qui seront louées à la Région, puis sous-louées à la SNCF et pouvant in fine être racheté par la Région pour un euro symbolique. Ce montage financier devrait permettre à la collectivité régionale d'économiser 7 à 12% des 220 millions d'euros investis dans 35 nouvelles armes TER. Nous avons observé que plusieurs autres Régions ont depuis adopté la formule du crédit bail, le Centre en 2006, Poitou-Charentes en 2007, Champagne-Ardenne, le Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes en 2008. Ces exemples illustrent aussi l'intérêt croissant des collectivités locales pour les formules de partenariat public-privé, les PPP. Voir "Champagne-Ardenne signe un crédit bail pour financer ses TER", Les Echos, 22/04/2008.

451.

Core Brief, op. cit., p. 4.