3.3.2. La régionalisation ferroviaire en Suisse : préalable à la réforme ferroviaire

La Suisse a par ailleurs connu une réforme du cadre organisationnel du trafic régional, en 1996. Il n'est pas anodin de constater qu'en Suisse, la régionalisation ferroviaire, a précédé la réforme des chemins de fer. Sont venues ensuite s'ajouter deux réformes ferroviaires, plus globales, en 1998 et en 2005.

La restructuration de l'organisation et du financement du transport régional de voyageurs repose sur la révision de la loi fédérale sur les chemins de fer (LCdF) 503 du 13 novembre 1996. Cette révision comporte trois dimensions : l'introduction du principe de la commande qui renouvelle les relations entre AO et opérateur, une plus grande responsabilité des cantons dans la définition et la mise en œuvre de la politique ferroviaire, et enfin, la liberté de choix de l'entreprise ferroviaire par l'AO.

Le principal apport de cette réforme est d'introduire le principe de la commande, qui implique que les déficits d'exploitation non planifiés ne sont plus couverts a posteriori. Les commanditaires de l'offre de transport ne sont tenus à verser au prestataire que le prix convenu à l'avance et établi à partir d'un compte prévisionnel. Il en résulte un renforcement de la responsabilité de l'entreprise qui ne sera pas indemnisée pour les coûts non planifiés.504

Le second apport de cette réforme est d'associer obligatoirement les Cantons à la Confédération pour la définition des services régionaux. Une convention de quatre ans stipule leur accord. La Loi (article 53) prévoit les règles de partage des charges financières entre les deux collectivités. Initialement comprise entre 36% et 94%, la part fédérale est fixée à 50% à compter du 01/01/2008. Les Cantons peuvent financer sur leur budget propre des services supplémentaires.

Enfin, depuis la réforme de 1996, les Chemins de fer fédéraux (CFF) n'ont plus le monopole de l'offre ferroviaire sur les services régionaux. Bien que libre du choix du fournisseur de service de transport, le Canton doit obtenir l'aval de la Confédération, qui par l'intermédiaire de l'Office Fédéral des Transports (OFT) valide la convention (article 6). Ce dernier, responsable de la coordination des trafics au niveau national, verse directement aux opérateurs la compensation financière prévue par le contrat. Au total, bien qu'AO, il semblerait que le Canton suisse reste sous une surveillance plus étroite du national que les Régions françaises. Par contre, les opérateurs ferroviaires doivent accepter une coordination, qui n'est pas du ressort du monopole historique, mais dépend de l'OFT, véritable "assembleur des services de transports".

La réforme des chemins de fer Suisse s'est ensuite poursuivie à un niveau plus global par une seconde étape, exprimée par la loi fédérale sur les Chemins de fer fédéraux (LCFF) du 20 mars 1998, effective à compter du 01/01/1999. Cette réforme comportait quatre mesures, à savoir le principe de libre-accès au réseau505 ; la séparation comptable et organisationnelle de l'activité infrastructure au sein des CFF ; la libéralisation du trafic de marchandises, et l'extension du principe de commande à toutes les activités supposant une compensation publique.

Cette réforme allait impliquer une profonde réorganisation des statuts des CFF afin de les rendre plus autonomes de l'administration étatique et de mieux distinguer entre les attributions de la Confédération et celles de l'entreprise ferroviaire. A cette fin, la loi fédérale organise exige la transformation des CFF en société anonyme (CFF SA), organise son désendettement, recommande une nouvelle présentation des comptes et une profonde réorganisation par activité. Par cette réforme, la Suisse a rejoint les prescriptions de l'Union européenne, et en particulier celles de la directive 91/440/CEE qui visait l'introduction de la concurrence sur le réseau ferroviaire et l'autonomie des entreprises ferroviaires considérés comme des entreprises commerciales comme les autres.

Depuis 2005, sont engagées les discussions sur une troisième réforme, appelée "Réformes des chemins de fer 2"506. Elle visera principalement à organiser un nouvel aménagement du financement de l'infrastructure ferroviaire à même de limiter l'engagement financier du budget fédéral en le partageant avec d'autres et à assurer l'égalité de traitement des entreprises de transport (entre les entreprises privées et les CFF).

Quel bilan et quels enseignements tirer de la réforme et de la régionalisation ferroviaires en Suisse ?

Notes
503.

Les chemins de fer Suisse sont régis par la loi fédérale sur les chemins de fer (LCdF) du 20 décembre 1957, RS 742-101, plusieurs fois modifiée. Consultable sur http://www.admin.ch/ch/f/rs/c742_101.html – Consulté le 15/03/2008

504.

Une Ordonnance du 18 décembre 1995, sur les indemnités, les prêts et les aides financières selon la loi sur les chemins de fer (OIPAF, RS 742.101.1) précise la manière dont sont indemnisés les coûts non couverts des offres commandées par les pouvoirs publics, ainsi que les conditions dans lesquelles des aides financières sont accordées. Consultable sur http://www.admin.ch/ch/f/rs/c742_101_1.html – Consulté le 16/03/2008

505.

Depuis l'Ordonnance sur l'accès au réseau ferroviaire du 25 novembre 1998 (OARF), toute entreprise ferroviaire domiciliée en Suisse ou dans l'Union européenne est autorisée à y circuler sous réserve de disposer d'une licence et sous réserve d'accords internationaux pour les entreprises étrangères. Ce phénomène reste cependant encore très marginal.

506.

Réforme des chemins de fer 2 : http://www.uvek.admin.ch/themen/verkehr/00653/00696/index.html?lang=fr – Consulté le 16/03/2008.