3.1.1. Le SPG : de sérieuses critiques ou l'inévitable orientation de la MCS vers l'analyse de la répartition

La méthode du CERC souffre d'une ambiguïté fondamentale sur le rôle du SPG et sur sa nature même. Plusieurs économistes, notamment R. Courbis (1968) et E. Froment (1973), ont précisé cette ambiguïté et ses conséquences sur la portée même de la MCS. Leurs analyses peuvent se résumer en trois arguments.

Tout d'abord, contrairement aux présentations les plus classiques de la MCS (CERC, 1969 et 1980 ; Bernard et Massé, 1969), l'enjeu de la répartition n'est pas, à l'analyse, fixé par le montant du SPG. Le montant du surplus à répartir ne résulte pas du seul SPG, mais également des "héritages" conséquences des désavantages subis par certains agents.

A l'extrême, comme le souligne non sans malice E. Froment (1973), une configuration où le SPG serait nul ou, plus encore négatif, pourrait pourtant donner lieu à une distribution de surplus.

‘"[…] si le surplus est nul, ou négatif, aucun avantage ne doit figurer au second membre, à l'issue du jeu entre les agents. En effet, compte tenu de l'interprétation donnée, il n'y a pas d'enjeu, donc pas de jeu. Pourtant chaque étude du CERC offre des exemples de l'existence de phénomènes de répartition entre les agents, aboutissant à la distribution d'avantages, en dépit d'un surplus négatif." E. Froment, (1973), p. 90. ’

Le surplus de productivité doit être considéré comme une des sources de surplus distribuable parmi d'autres.

La deuxième critique porte sur les faiblesses du mode de calcul du SPG qui en affaiblissent la portée en tant qu'instrument de mesure de la performance microéconomique des organisations. R. Courbis (1968) fait observer que son calcul n'intègre pas tous les facteurs de production, tels les "biens gratuits" (comme l'eau et l'air), ou ne les intègre pas à leur coût effectif pour la collectivité (formation professionnelle ; usage de certaines infrastructures de transport par exemple)689. Mais le SPG pèche également par l'excès inverse. R. Courbis (1968) souligne que le calcul du SPG fait intervenir comme facteurs de production certains termes dont la présence semble contestable, en particulier le profit.

‘"Il semble bien hardi, en effet, de faire figurer le profit net de l'entrepreneur comme facteur de production. Ce terme doit, en effet, être considéré comme un résultat, d'une part de la productivité de l'entrepreneur, d'autre part, des conditions dont il bénéficie (tant par ses prix de vente que pour les prix de ses facteurs)." R. Courbis, (1968), p. 572-573. En italiques dans le texte.’

Le SPG risque de confondre dans une même expression, ce qui est économie de facteurs, avec ce qui est le résultat de la pression de l'entreprise sur son environnement.

La troisième critique, moins essentielle pour notre propos, porte sur le rôle du SPG comme mesure de la productivité au niveau macro-économique et sur ses conséquences comme indicateur de la politique de répartition des revenus. R. Courbis (1968) démontre que le surplus (SPG) ne saurait correspondre à un gain de productivité dans le cas de fonction de production à facteurs substituables. Par contre, le SPG correspond bien à un gain de productivité si on considère une fonction de production à facteurs complémentaires690. Le SPG n'est alors qu'une mesure imparfaite de la productivité au niveau macroéconomique.

En dépit de ces diverses critiques, tant R. Courbis qu'E. Froment, concluent sur l'intérêt du concept de productivité globale pour apprécier l'évolution de la situation des différents groupes d'agents au regard de la répartition des revenus.

Au-delà de ces limites du SPG de nature générale et théorique, des facteurs spécifiques au cadre de notre étude vont nous conduire à une interprétation économique particulière du SPG.

Notes
689.

Ces observations de R. Courbis rejoignent la problématique plus générale de la fiabilité du système de prix et celle de l'internalisation dans le calcul économique des externalités, problèmes qui dépassent de très loin la seule méthode des surplus.

690.

R. Courbis indique très précisément à ce sujet : "Si on se place dans une perspective de développement, le terme D' de M. Vincent présente alors un intérêt (du moins à un niveau suffisamment macroéconomique) ; il peut alors, être considéré comme une mesure – mais une mesure imparfaite – des gains dus à une amélioration de la productivité moyenne (progrès technique + économie d'échelle), à condition de négliger l'incidence des substitutions.", (Courbis, 1968, p. 572).