3.2.3. La MCS dans une optique d'évaluation de la redistribution opérée par la politique de transport régional de voyageurs

Les thèses développées par les économistes des transports, E. Bloy, A. Bonnafous et alii. (1977), concernant l'évaluation des politiques de transport, nous amènent à envisager l'usage de la MCS comme méthode d'évaluation des effets de redistribution spatiale et sociale du transport régional de voyageurs.

Pour ces auteurs intéressés par l'appréciation des effets redistributifs des stratégies de transports703, il importe d'intégrer la dimension spatiale et sociale dans toute démarche d'évaluation. La MCS est, à leur sens, particulièrement appropriée à cet objectif.

‘"L'appréciation d'une stratégie de transport exige non seulement une ventilation des avantages et désavantages entre les différentes catégories et agents économiques, mais également une ventilation de ces avantages et désavantages entre zones géographiques concernées, dans la mesure où ces stratégies ne peuvent être élaborées en faisant abstraction d'objectifs régionaux.", Bloy et alii., (1977), p. 70.’

Ces auteurs supposent que la MCS est plus appropriée que les méthodes d'évaluation plus habituelles, et notamment que l'analyse coût-avantage, pour fournir des éléments utiles à l'appréciation d'une politique des transports dans une optique multicritère.

‘"Bien qu'empruntant au calcul économique traditionnel certains de ses concepts, cet ouvrage présente une problématique radicalement différente. L'identification des "gagnants" et des "perdants", sur la base d'un double critère, spatial et social, implique le renoncement à l'utilité collective et à la définition d'un optimum propre au schéma rationnel classique.", Bloy et alii., (1977), p. 102.’

Une transposition de la méthodologie de ces auteurs à la politique de transports régional de voyageurs nous semble intéressante et possible, au prix de quelques adaptations qui restent encore à affiner. Intéressante car cohérente avec la vocation des Régions qui, dans le paysage administratif en France, est largement polarisée sur les problématiques d'aménagement du territoire et de développement durable704. Intéressante aussi au regard de la place prise par la politique TER dans le budget et dans l'ensemble des politiques régionales, importance appelée à se renforcer comme le souligne le rapport Haenel (2008) qui voit dans les Régions le futur pivot et chef de file de l'intermodalité.

Cette méthode présenterait l'avantage de permettre une appréciation fine des effets de l'action des collectivités publiques en matière de TER à un niveau infra-régional. Pour rendre possible ce diagnostic, il suffira de disposer de compte de surplus par ligne. Le début de mise en œuvre de management et de comptabilité par ligne par la SNCF rend crédible, dans un horizon proche, cette proposition.

Il sera alors possible de répondre aux questions : Quelle est l'évolution du surplus élargi des voyageurs pour une ligne ? Pour une zone (ou une ligne) donnée, qui sont les bénéficiaires ou les apporteurs de surplus en raison de la politique de transport régional de voyageurs ? Les actions menées par l'AO régionale en termes tant de tarification, que de modifications de l'offre et des dessertes ou de modernisation des matériels roulants sur cette ligne sont-elles lisibles dans les comptes de surplus ainsi désagrégés ? Si tel était le cas, ce nouvel instrument aurait avantage à être intégré au tableau de bord et à la communication TER des Régions.

Si ces prolongements sont intéressants, ils restent encore largement conditionnés par les difficultés de mise en œuvre de la MCS à ce niveau. Il faudra en particulier pouvoir réunir les informations nécessaires, ce qui suppose l'existence de statistiques régionales adaptées aux lignes à étudier, c'est-à-dire d'une part des comptes d'exploitation ferroviaire par ligne et d'autre part des données extra-comptables utiles aux décompositions "volume / prix".

Notes
703.

Par stratégie de transport, les auteurs entendent "un ensemble coordonné de mesures d'investissement, de tarification, de réglementation et d'organisation d'un système de transport.", (Bloy et alii., p 2).

704.

Cette vocation de la Région est exprimée par la loi 95-115 du 4 février 1995 (LOADT), modifiée par la loi 99-533 du 25 juin 1999 (LOADDT), qui stipule que chaque Région doit définir un schéma régional d'aménagement et de développement du territoire (SRADT) qui exprime les orientations fondamentales à moyen terme en matière de développement durable et d'environnement. Le SRADT intègre notamment le schéma régional de transport.