2.2.1. Le compte de surplus SNCF-TER de Rhône-Alpes cumulé de 2002 à 2006 : révélateur de spécificités régionales

L'observation des comptes de surplus SNCF-TER sur l'ensemble de la période de conventionnement 2002-2006 livre plusieurs enseignements (tableau 6.13).

Tableau 6.13 - Comptes de surplus SNCF-TER pour la région Rhône-Alpes.
Tableau 6.13 - Comptes de surplus SNCF-TER pour la région Rhône-Alpes.

1) Ce qui distingue le plus le compte de surplus TER de Rhône-Alpes est l'importance des gains de productivité globale des facteurs, de très loin, les plus élevés des régions expérimentatrices. Le taux de productivité globale (SPG) est de 1,5% en moyenne de 2002 à 2005, contre 0,2%-0,3% en général ailleurs (tableau 6.14). L'explication de cette performance réside très clairement dans le dynamisme exceptionnel de la fréquentation dans cette région associée à une évolution très mesurée de l'offre kilométrique : l'augmentation du trafic TER en Rhône-Alpes est une des plus rapides, en particulier à partir de 2005, avec 38,6% de hausse cumulée entre fin 2001 et fin 2007 (contre 27,8% en moyenne des régions expérimentatrices). Sur la même période, l'offre de Tkm fut bien maîtrisée : elle augmente de 12,9% en Rhône-Alpes contre 16,2% en moyenne sur l'échantillon731. La conséquence de ces gains de productivité est primordiale, elle autorise un fort niveau de surplus distribuable, sans nécessairement avoir à obtenir du surplus aux dépens d'autres agents. Le surplus distribuable né des gains de productivité en Rhône-Alpes correspond à 25,4 millions d'euros, soit 28% du STD cumulé 2002-2006. Cela est considérable, sachant qu'en moyenne sur la période 2002-2005, le SPG ne représente que 5% du STD sur les 7 régions étudiées732.

Tableau 6.14 - Taux de surplus global de productivité (SPG) en % (1).
Régions expérimentatrices 2003 2004 2005 2006 2007 Moyenne régionale 2002-2005 Moyenne régionale 2002-2006 ou 2007
Alsace 1,54 - 1,03 0,28 ND ND 0,27
Centre 0,81 0,43 - 0,66 ND ND 0,19
Limousin - 0,55 0,15 1,16 0,33 ND 0,25 0,27
NPC 0,61 - 2,29 - 0,45 3,21 0,02 - 0,71 0,22
PDL 0,60 - 0,79 0,82 ND ND 0,21
PACA - 0,07 0,47 ND ND ND 0,20
Rhône-Alpes 0,97 0,83 2,75 1,98 ND 1,52 1,63
Moyenne annuelle non pondérée 0,56 - 0,32 0,65 ND ND 0,28 ND
Ecart-type 0,6 1,0 1,1 - - - -

(1) : SPG / Production t0. Le niveau de production t0 correspond au total des produits du compte de facturation SNCF-TER de l'année initiale.

2) La deuxième particularité du compte de surplus TER de Rhône-Alpes tient à l'importance des avantages obtenus par la SNCF au titre des charges d'exploitation, 19,2 millions d'euros. Alors que dans presque toutes les régions, le coût moyen des charges d'exploitation forfaitisées s'est réduit en valeur réelle, ce n'est pas le cas en Rhône-Alpes (et en PACA). Le prix unitaire par Tkm réalisé a augmenté de 8% sur l'ensemble de la Convention de 2002 (tableau 6.4 supra). Cela semble traduire un coût très élevé de l'offre marginale qui explique probablement sa faible progression en volume.733 Nous relèverons également que la SNCF obtient un montant d'héritages non négligeable au titre de la rémunération de l'exploitant avec 2,3 millions d'euros. Nous avions souligné combien, en la matière, la Convention 2002 de cette Région était écrite de façon très favorable à l'opérateur historique (Desmaris C., 2003)734. Le système d'incitation financière à la performance vient significativement minorer ce gain de la SNCF avec un désavantage de 7,8 millions d'euros.735 Au total, cet important héritage au bénéfice de l'exploitant ferroviaire, 13,7 millions d'euros d'avantages sur la durée de la convention, est très probablement toléré par la Région Rhône-Alpes dans la mesure où les gains de productivité obtenus (par la hausse du trafic) en neutralisent l'effet sur la subvention régionale d'équilibre.

3) Troisième spécificité du compte de surplus TER rhône-alpin, l'ampleur des gains directs obtenus par les voyageurs, 10,3 millions d'euros d'avantages sur la durée de la Convention TER. Ce gain des voyageurs se révèle surtout à compter de 2004, année où ils obtiennent 36% de l'ensemble du surplus distribué. Cet avantage transféré aux voyageurs, qui se traduit par une baisse du prix unitaire des recettes commerciales par Vok d'environ 8% sur la période, s'explique par la montée en puissance de la gamme de réductions tarifaires voulue par la Région. Ce volontarisme en matière de tarif constitue indiscutablement une volonté forte et distinctive de cette Région.736

4) Nous ne manquerons pas de souligner quatre particularités du compte de surplus SNCF-TER de Rhône-Alpes. Si les collectivités publiques sont, comme généralement ailleurs, les plus gros apporteurs de surplus (figure 6.4), le montant des avantages cédés sur la période au titre de la subvention d'exploitation (28,4 millions d'euros) est inférieur à l'impact de la capture d'avantages par RFF (31 millions d'euros). Ce résultat traduit la bonne maîtrise de la frontière de prix de la subvention d'équilibre par l'AO régionale. L'augmentation du prix unitaire de la subvention d'exploitation est maîtrisée, avec une hausse de 2.7% en rythme annuel moyen sur la Convention, et une baisse sur les trois dernières années (tableau 6.5 supra). Cet objectif de maîtrise de l'impact du coût d'exploitation sur les finances régionales est compréhensible, le coût moyen du TER en termes de subvention d'exploitation est comparativement élevé en Rhône-Alpes (le plus élevé après celui de PACA et du Limousin) alors que la part du TER dans le budget régional est, en Rhône-Alpes, un des plus élevé de France (Laval, 2008, p. 45).

5) Pour le reste, les caractéristiques du compte de surplus SNCF-TER de Rhône-Alpes sont similaires à celles du NPC. RFF est de très loin le premier bénéficiaire des modifications des frontières de prix avec 31 millions d'euros d'avantages entre fin 2002 et fin 2006. La politique volontariste de rénovation et de modernisation du parc de matériel roulant, menée par la Région737, se traduit par un transfert d'avantages du poste "Collectivités - Subvention de modernisation" vers le poste "SNCF-Amortissement du matériel roulant". Il peut s'analyser comme un avantage au bénéfice des voyageurs du TER qui profitent d'un rajeunissement du matériel roulant. L'ensemble de ces observations se retrouve aisément à la lecture de la figure 6.4 qui retrace le compte de surplus SNCF-TER Rhône-Alpes cumulé de 2002 à 2006.

Figure 6.4 - Comptes de surplus SNCF-TER Rhône-Alpes cumulés 2002-2006.
Figure 6.4 - Comptes de surplus SNCF-TER Rhône-Alpes cumulés 2002-2006.

Précisons maintenant le montant de surplus obtenu par les voyageurs en reprenant notre convention dite du "surplus élargi" des voyageurs.

Notes
731.

Voir Annexe – Indicateurs généraux de performance TER.

732.

Voir Annexe – Indicateurs transversaux.

733.

C'est certainement cet élément qui a amené la Région Rhône-Alpes à introduire dans la Convention TER de 2002 une clause imposant à la SNCF de proposer la création de 700 000 trains-kilomètres à un coût inférieur d'au moins 20% au coût moyen constaté en 2002, soit à moins de 8,9 euros par Tkm. Cette clause a été effectivement appliquée, puisque sur les 2,4 millions de Tkm créés sur la Convention, 1,6 millions l'ont été dans ce cadre (Rapport d'activité SNCF TER Rhône-Alpes 2006, p. 95).

734.

Nous avions remarqué que la Convention de Rhône-Alpes est une des rares conventions TER, avec celle de PACA, à prévoir une rémunération de la SNCF (en raison du risque d'exploitation) qui augmente avec le temps : 3% de C1 pour 2002 et 3,5% ensuite (art. 35.3, Convention TER Rhône-Alpes / SNCF).

735.

Nous avions remarqué que la Région Rhône-Alpes avait écrit sa convention TER 2002 en créditant les systèmes de pénalités ou bonus-malus de montants comparativement élevés (Desmaris, 2003, p. 126).

736.

Progressivement à partir de septembre 2003, Rhône-Alpes a mis en place plusieurs abonnements et cartes de réduction (Coup de Cœur et Coup Double) visant à conquérir et fidéliser une clientèle de proximité et de loisirs, mais aussi les jeunes de moins de 26 ans (Coup de Foudre), sans compter les demandeurs d'emploi (Coup de Pouce).

737.

Sur les cinq années de la Convention TER de 2002, Rhône-Alpes a investi environ 420 millions d'euros en rénovation et acquisition de matériel roulant (Rapport d'activité SNCF TER Rhône-Alpes 2006, p. 8).