3.2.3.2. Typologie des formes de résistance

Étant donné le volume considérable du corpus étudié, nous sommes contrainte de recourir à une logique de classement des phénomènes. Si cette méthode a le mérite de satisfaire une volonté d’exhaustivité analytique, elle exige en contrepartie que l’on aborde les textes de manière ciblée, donc partielle, ce qui peut paraître frustrant. Néanmoins, ce travail de recensement et de classement des formes de résistance à l’œuvre dans le traitement des mythes n’ayant pas encore été effectué sur l’œuvre poétique kunertienne, il nous semble intéressant de procéder ainsi. Certains des éléments que nous proposons dans le cadre d’une typologie de la résistance ont déjà été évoqués précédemment et ne feront l’objet, par conséquent, que d’un bref rappel. Nous analyserons le travail sur le matériau mythologique en séparant les éléments formels des éléments culturels.

1. les éléments formels de la résistance

  • la citation-installation et la citation-absorption :

Nous avons eu l’occasion au début de ce chapitre, dans la partie 3.1.4.2., d’observer le fonctionnement dans le texte poétique de ces trois types de citation définies par Tiphaine Samoyault. À travers ces trois procédés, le jeu intertextuel peut se développer à l’infini. Reprise pure et simple, variation, pastiche, inversion : les possibilités de décliner l’intertexte sont immenses.

Les citations-installations et absorptions restent rares dans l’œuvre kunertienne : seuls 10 textes sur les 110 textes retenus en présentent. Il est d’autant plus facile d’analyser la provenance des intertextes. Il s’agit pour la plupart de citations extraites de la Bible (Genèse, Josué, et Évangiles de Matthieu et de Luc), mais on trouve aussi des citations non mythologiques issues du Manifeste du parti communiste ou du langage idéologique est-allemand, ainsi que des citations des auteurs Goethe (« Goethe – stark verbessert »), Brecht (« Geschichte ») et Schiller (« Orpheus IV »). Pour des raisons pratiques, il nous est impossible de détailler les dix textes concernés, aussi nous proposons de nous limiter à quelques remarques synthétiques.

Les citations-installations et absorptions peuvent prendre un caractère laudatif et instaurer un rapport d’admiration avec le texte source. C’est le cas généralement des citations issues de la Bible. Le texte poétique s’inscrit alors dans une relation de filiation avec l’intertexte, filiation revendiquée, affichée puisque les citations sont facilement reconnaissables. Ce cas est observable dans les textes « Die Verwandlung », « Schofar », « Vorortabend ». Pour autant, le texte kunertien présente des indices de distanciation avec le texte sacré, en le modifiant, en l’inversant. Deux textes présentent ainsi une inversion de la Genèse (« Die Verwandlung » et « Vorortabend ») débouchant sur la création du chaos. On remarque que, dans chacun de ces textes, est rappelée la suprématie de l’acte de création poétique sur la religion et la foi : l’intertextualité ne se limite jamais à un simple rapport épigonal. Au contraire, si les variations font preuve de respect envers le texte biblique, elles n’en constatent pas moins l’aporie définitive des mythes bibliques dans une société qualifiée de rationaliste, pragmatique et consumériste. Il ne s’agit pas pour Kunert de dénoncer par ce biais l’athéisme, le manque de foi de l’homme moderne, mais plutôt de critiquer la pauvreté d’imagination de la créature humaine qui se coupe peu à peu de ses racines spirituelles originelles pour devenir une espèce de mort-vivant désespéré aux automatismes navrants, comme on le voit dans la première strophe de « Kennzeichen des Todes » que suit une allusion à la résurrection de Lazare (Évangile de Jean) :

‘Als sei der Mund nur
zum Schweigen da
Augen die nichts erkennen
Ohren die kein Signal mehr vernehmen
Steh’ auf und wandle
umsonst vorgesagt

Bewegungslosigkeit
und leichter Gestank [...] 418

La distanciation prise avec l’intertexte se mue à l’occasion en pastiche, voire en charge satirique à l’encontre du texte-source ou de son auteur. C’est le cas de la plupart des citations-absorptions de type politique et littéraire, marquées du sceau de l’ironie et dépourvues du ton admiratif que nous avons pu constater pour d’autres textes. Le texte « Orpheus IV » nous en livre deux exemples aux vers 5 et 12.

‘1 Ein Sänger, und beliebt bei allen Ohren.
Kein Vogel, der nicht einstimmt in den Sang.
Kein Krokodil, das Tränen nicht verloren
bei seiner Stimme und Gitarre Klang.

5 Sogar der Hades spürt ein menschlich Rühren 419
und zahlt ein schattenhaftes Honorar.
Doch Künste, die zu solcher Rührung führen,
bedeuten eine ernstliche Gefahr.

Kunst schafft Genuß und schärft Gewissen,
10 Gewissen aber zeugt nur Leid:
Was Wunder, daß Mänaden ihn zerrissen,
aus Einsicht in des Glücks Notwendigkeit. 420

Humour et caricature s’allient dans ce poème qui met en scène un Orphée est-allemand (sans doute le poète-compositeur Wolf Biermann) doté d’un tel talent qu’il parvient à faire pleurer les crocodiles et à émouvoir les Enfers, autrement dit les élites politiques chargées de la culture. Les larmes de crocodile évoquées au vers 3 servent non seulement à moquer gentiment la popularité d’un confrère de Kunert, mais également à indiquer que le poème, à double sens, doit être lu à deux niveaux : sous la réinterprétation ludique du mythe d’Orphée se cache la dénonciation vigoureuse d’un système autoritaire.

En ce qui concerne la première citation reprise de Schiller, nous avons affaire à une expression figée de style soutenu qui est appliquée, comme c’est souvent le cas chez Kunert, à une situation triviale, de manière à créer, par dérision, un écart entre la forme et le fond. En introduisant un élément de la littérature classique dans le contexte satirique de son poème, l’auteur vise à démasquer les mensonges du système culturel de la RDA. En effet, si l’expression renvoyait à une émotion sincère, noble et pure dans la ballade de Schiller, Kunert la transforme en une formule creuse et galvaudée, abaissant la politique culturelle est-allemande à une mascarade grotesque. Cet exemple de citation-absorption satirique, dont on peut voir une variation dans la charge dirigée contre Goethe dans « Goethe stark verbessert », installe clairement la résistance sur le terrain de la politique culturelle. L’anti-citation, comme nous appelons une citation se retournant contre l’auteur de l’hypotexte, devient alors un moyen d’attaquer, au travers de la désacralisation d’écrivains célébrés de toutes parts, une conception hiérarchisée de la littérature.

À la fin du texte « Orpheus IV », tout comme dans le poème « Geschichte » et « Atlas, plebejisch », les citations issues de textes ou de formulations ayant trait au communisme servent cette fois un objectif de résistance politique à l’idéologie communiste. La tournure « Was Wunder », signalant une question rhétorique, pastiche le mode de fonctionnement faussement logique de cette dernière, qui tente d’introduire dans l’esprit des citoyens est-allemands l’idée qu’il est normal de punir celui qui se sert de sa conscience.

  • la citation-suggestion :

C’est, on l’a vu, la forme d’intégration de motifs mythologiques la plus fréquente dans les poèmes de Kunert. Elle procède par la référence simple à un nom d’auteur, de mythe, de personnage ou par la mention d’un titre ou encore par allusion. Ce choix du poète n’est pas étonnant, dans la mesure où le matériau mythologique, avec ses variantes multiples, se prête aisément à ce genre de manipulation, à l’éclatement en indices textuels vagues. L’intertexte apparaît donc dans la plupart des cas comme dilué, ce qui nous montre que Kunert ne cherche pas en premier lieu à se positionner par rapport aux versions précédentes d’un mythe dans une perspective de filiation intellectuelle, même si cela peut être exceptionnellement le cas. Le recours à la citation-suggestion est le procédé qui lui confère la plus grande marge de manœuvre dans l’acte de création poétique. Par ce biais, il lui est possible de jouer avec le matériau mythologique, de le renverser, de le tordre pour se l’approprier totalement. Nous voyons dans ce choix une forme de résistance littéraire plurielle. D’une part, il signale le refus de se plier au discours idéologique en vogue en RDA demandant de respecter la logique originelle d’un mythe, sa cohérence, sa signification traditionnelle, alors que, comme on l’a vu, cette exigence est dépourvue de sens vu l’essence protéiforme du mythe ; d’autre part, il s’oppose à une conception hiérarchisée et compartimentée de la littérature encore en vigueur dans ce pays, où certains auteurs et penseurs sont posés comme des modèles inattaquables (Goethe, Schiller, Marx…) et où des pans entiers de l’histoire de la littérature se trouvent tout simplement occultés pour leur soi-disant non-conformité avec la doctrine socialiste. Le recours récurrent à l’intertextualité place le texte kunertien au cœur d’un vaste réseau littéraire homogène, démultiplié encore grâce au volume textuel que représente le matériau mythologique. Kunert substitue donc à la vision ancienne d’une littérature segmentée celle, résolument moderne, d’une littérature-bibliothèque421 dans laquelle tous les ouvrages se valent et peuvent potentiellement entrer en résonance. Parallèlement à cette ouverture moderne de l’œuvre, les citations-suggestions et absorptions peuvent introduire paradoxalement une discontinuité dans le texte et fonctionner comme des îlots hétérogènes. C’est ce que nous proposons d’appeler la technique du patchwork, qui colle côte à côte des références intertextuelles disparates. Si la dilution des références mythologiques intertextuelles suggère une volonté d’ouvrir l’œuvre, l’hétérogénéité la marque comme utopique et reflète avant tout la parcellisation d’un réel déroutant qui, en rejetant les mythes, s’est condamné à l’incohérence. Nous avons analysé ce procédé à partir du texte « Totenbeschwörung », mais on le trouve dès « Geschichte » et « Aufbruch eines bedeutenden Tieres » (VdW, 1966). Soulignons dès à présent que cet aspect est absent de la poésie de Sarah Kirsch.

  • l’inversion :

Cet élément a d’ores et déjà fait l’objet d’un long développement dans la partie 3.1.5.1du présent chapitre. Nous rappellerons donc seulement qu’il s’agit d’un acte fort de bouleversement de la structure narrative d’un mythe. Ce procédé est par exemple utilisé dans les poèmes « Orpheus III » et « Atlas ». Au-delà du simple plaisir de se réapproprier un mythe, l’inversion montre qu’une structure narrative séculaire peut être bouleversée, qu’un schéma mental, aussi fortement ancré soit-il dans l’inconscient collectif, peut être perturbé. Il s’agit d’une des manifestations majeures d’une forme de résistance au thétique telle que la conçoit Julia Kristeva, dans la mesure où, par sa seule force, le langage poétique est capable d’ébranler des systèmes de pensée établis qui font figure de lois dans la société occidentale.

‘Ce que la théorie de l’inconscient cherche, le langage poétique le pratique à l’intérieur et à l’encontre de l’ordre social : moyen ultime de sa mutation ou de sa subversion, condition de sa survie et de sa révolution.422

Pour Kristeva, la manipulation du symbolique par le langage n’a pas que des répercussions intellectuelles dans une société : il s’agit de s’attaquer à l’ordre, autrement dit à l’État ; les répercussions sont donc également de nature politique.

‘En effet, avec la bourgeoisie, la poésie s’affronte à l’ordre dans ce qu’il a de plus fondamental : la logique de la langue et le principe de l’État.423

Il nous semble qu’en manipulant ainsi le langage mythologique, en remettant en cause une structure mythologique forte, Kunert s’attaque en effet à « l’ordre symbolique », au « thétique », à la « doxa » pour reprendre les mots de Julia Kristeva. Certes, l’impact réel du poème particulier reste mince, mais il s’agit d’une première brèche dans un système de pensée, une résistance intellectuelle qui contient déjà la potentialité révolutionnaire. Il est intéressant de constater que Kunert utilise finalement l’ordre symbolique contre lui-même en détournant le langage mythologique de sa fonction première, qui est de proposer des structures intellectuelles, voire pratiques lorsqu’on pense au système cultuel, aux rites religieux etc. Mais ce n’est pas là une originalité de l’écrivain est-allemand, en ce sens que, par son éminente polysémie et capacité à varier, le mythe contient déjà en lui-même les moyens de sa subversion et donc de la subversion sociale. Kunert ne fait qu’exploiter cette capacité intrinsèque du mythe à détruire toute forme de contrainte, mais comme il est un pionnier en la matière en RDA, du moins en poésie, on peut considérer qu’il fait preuve en cela de modernité. Si cette résistance dans le langage n’a pas de conséquence concrète directe dans le domaine social, elle permet néanmoins d’éduquer l’esprit humain à l’idée que toute norme est évolutive. La pulsion de résistance est ainsi fortement à l’œuvre dans le procédé d’inversion de structures mythiques.

  • l’invention linguistique :

De la même manière, le renouvellement linguistique de motifs mythologiques s’inscrit dans une logique de résistance à une langue normée et normative. Cette remise en question ne concerne pas seulement la RDA, il s’agit d’une réflexion beaucoup plus large sur les rapports entre langue, langage idéologique et autorité. Lorsque Julia Kristeva parle de la logique de la langue comme une émanation et un reflet de l’ordre thétique, elle prend en considération l’ensemble de la civilisation occidentale et non les systèmes autoritaires, non démocratiques. Il nous faut reconnaître que la réflexion de Kunert sur la langue comme médium de la loi concerne avant tout le champ du discours officiel des élites, qu’il nomme « langage des marâtres ». Cependant, nous pensons que, peut-être de manière inconsciente, l’invention linguistique à l’œuvre dans son travail sur les mythes marque une manière de renouveler la langue, de la réactualiser, et donc d’en souligner l’évolution incessante, au contraire de la conception rigide et pragmatique défendue par l’art réaliste socialiste qui voit dans la langue avant tout le moyen de délivrer un message idéologique. C’est en quelque sorte l’autonomie de l’art poétique que défend Kunert en jouant avec le langage, par exemple en insufflant une nouvelle vie à des expressions métaphoriques lexicalisées, comme c’est le cas dans le poème « Ideogramm » :

‘Und das unzerreißbare Kabel Marke Ariadne,
an dem wir uns vorantasten
in den Rachen, der prompt uns verschlingt :
[…]
Mächtig ist das Nichtige, […] 424

Le fil d’Ariane remplacé par un câble : au-delà de l’aspect humoristique de l’invention linguistique, c’est l’idée que la langue appartient à celui qui l’utilise qui transparaît, qu’elle ne se réduit en aucun cas à cette matière servile et univoque, sans vie et sans âme, qu’est le langage du pouvoir. Si la désacralisation du modèle mythologique rappelle ici les pratiques d’un humour potache à la Alfred Jarry, l’impertinence, qui serait insignifiante et purement ludique autrement, est corrigée par l’allusion à un contexte apocalyptique.

2. les éléments culturels de la résistance

Nous avons pris le parti de séparer les éléments formels des éléments intellectuels dans la mesure où notre démarche se veut une analyse microstructurale des éléments transformant les mythèmes en actes de résistance. Il va de soi que, dans le texte, les deux niveaux se rejoignent souvent, l’un venant soutenir l’autre.

Pour définir les éléments culturels de la résistance kunertienne, nous nous sommes appuyée sur les déclarations faites lors du onzième rassemblement du comité central du SED en décembre 1965, qui se livra à une véritable chasse aux sorcières contre les poètes est-allemands jugés indisciplinés. Ces propos nous permettent de comprendre quelles étaient les attentes des élites politiques en matière de politique culturelle et, par conséquent, de mesurer à quel point des prises de position qui auraient pu paraître timides sont en réalité de véritables actes de résistance. Les poètes est-allemands nommément cités lors de cette mascarade de procès furent Wolf Biermann, Sarah Kirsch, Manfred Bieler, Werner Bräunig, Peter Hacks, Günter Kunert, Heiner Müller, Volker Braun et Stefan Heym. Les tendances « modernistes », « sceptiques », « anarchistes », « nihilistes », « libérales » et « pornographiques » à l’œuvre dans les courants artistiques furent pointées du doigt par Erich Honecker, qui trouva utile de rappeler que « notre RDA est un État propre. Elle possède des valeurs éthiques, morales, de bienséance et de bonnes mœurs sur lesquelles on ne saurait transiger425 ». Plus loin furent vilipendés un « scepticisme petit-bourgeois sans fond », la « glorification des paradoxes, du mépris de la dialectique du progrès, la mise en place de situations conflictuelles, que l’on contraint dans un cadre imaginaire »426. Emmerich ajoute que :

‘la revendication de « propreté » et « de bonnes mœurs », l’aversion vis-à-vis d’un érotisme avec un peu moins de tabous (« pornographie ») et de la spontanéité (« anarchie ») est particulièrement frappante : c’est le signe d’une morale encore largement corsetée, victorienne, qui préfère se référer aux traditions surannées, à l’héritage culturel plutôt que de prendre en compte les manifestations contemporaines.427
  • l’encodage :

Nous avons déjà évoqué précédemment l’aspect de l’encodage des textes qui consiste dans l’art de manier le double sens afin d’échapper à la censure en vigueur dans le domaine de l’édition est-allemande. S’il est peu vraisemblable que les correcteurs se soient vraiment laissé berner par le « langage des esclaves », il est probable qu’ils voyaient plusieurs avantages à la perpétuation de ce système. Ainsi les publications pouvaient-elles être retardées de plusieurs années sous prétexte d’ambiguïtés idéologiques, le délai permettant d’en désamorcer le potentiel polémique, tout en préservant le rôle de soupape de sécurité qu’endossait la littérature dans un système aussi répressif. Et la menace de la censure poussait également les auteurs vers l’autocensure, une forme de mutilation intellectuelle particulièrement perverse. Enfin, l’efficacité de l’encodage dépendait entièrement de la capacité du lectorat à lire le texte entre les lignes et supposait donc un public averti, ce qui restreignait les risques encourus.

C’est sans doute pour cette raison que Günter Kunert, un grand utilisateur de la Sklavensprache, recourt autant aux mythes, en ce qu’ils font partie d’un héritage culturel partagé par le plus grand nombre : il s’assurait ainsi de la lisibilité de ses textes. Un des exemples les plus fréquemment cités de texte encodé est l’épigramme « Als unnötigen Luxus » (DuG) :

‘Als unnötigen Luxus
Herzustellen verbot, was die Leute
Lampen nennen,
König Tharsos von Xantos, der
Von Geburt
Blinde. 428

Sous le nom de König Tharsos von Xantos il faut lire bien sûr celui du Secrétaire général du Parti de l’époque, Walter Ulbricht, partisan d’une mise sous tutelle des arts au profit de la sphère politique et économique. La métaphore des lampes est particulièrement bien choisie en ce qu’elle renvoie à la lumière de l’intelligence qui faisait défaut à la classe dirigeante selon Kunert. Il est vrai que les mythes et leur réinterprétation offrent au poète des possibilités infinies en matière d’encodage. Il est à signaler qu’après la chute du socialisme est-allemand, il fait part de sa déception face à la disparition d’un lectorat actif, habitué à s’investir dans le processus de lecture pour reconstruire le sens d’un texte jamais donné immédiatement429. Ainsi, de même que la satire vit de ce qu’elle cherche à détruire, de même, cette poésie encodée suppose le système qu’elle conteste et meurt avec lui.

Cela dit, l’encodage n’est qu’un aspect de l’appropriation du matériau mythologique par Kunert, car, dans le cas contraire, ces motifs auraient disparu de son œuvre avec son départ de RDA en 1979 ou tout le moins après la disparition du bloc communiste. Son engagement dans une résistance intellectuelle ne se limite donc pas à la sphère politique, ce qui explique qu’il n’ait pas connu les mêmes difficultés de création que des auteurs comme Volker Braun et Heiner Müller à la chute du Mur.

  • la revendication du plaisir :

Les déclarations du onzième rassemblement du comité central du SED nous permettent de saisir l’impact d’un texte tel que « Nausikaa I » (WvS), que nous avons étudié sous l’angle de l’invention narrative dans la partie 3.1.5.2., et de « Nausikaa II » (WvS), véritables hymnes à la sensualité et à la sexualité. D’autres textes témoignent de cet épanouissement sensuel qu’inspirent les motifs mythologiques grecs : « Landschaft » (VdW), « Wiener Hinterlassenschaft » (WvS), « März am Tauentzien » (Bb), « Mystifikation » (Bb)430.

La revendication du plaisir sexuel relève pratiquement d’un acte politique dans une société où le discours dominant rejette la libération sexuelle. Que l’on ne s’y trompe pas : les études menées dans le domaine montrent de manière incontestable que les habitants de RDA perdaient plus tôt leur virginité qu’à l’Ouest, qu’ils se mariaient plus jeunes, avaient plus d’enfants, mais aussi qu’ils étaient plus souvent infidèles et recouraient plus facilement au divorce431.

‘[Les statistiques ; C. F.] semblent confirmer que l’ordre social avait des répercussions considérables sur le comportement au sein des relations de couple dans leurs manifestations concrètes. […] Dans les niches de tendresse à l’intérieur de la dictature s’exprimait une cohésion sociale très intense. […] En fin de compte, les représentations morales petites-bourgeoises du SED semblent ne plus avoir influencé les comportements au plus tard à partir des années soixante-dix et dans les années quatre-vingt.432

Si les textes kunertiens reflètent une réalité de la société est-allemande plutôt qu’ils n’y introduisent l’idée de liberté sexuelle, les citoyens de RDA étant particulièrement libérés en la matière, sans doute parce qu’il s’agissait là d’un des seuls espaces privés difficilement contrôlables par le régime, les poèmes ont le mérite de porter sur la place publique un sujet que les autorités préfèrent ignorer, révélant ainsi le décalage entre les citoyens de RDA et leurs dirigeants, attachés à des valeurs d’un autre âge. En s’attaquant à l’hypocrisie généralisée entraînée par le puritanisme exigé par la classe dirigeante, le recours aux mythes grecs se dévoile dans sa dimension autant revendicatrice que réaliste, dans la mesure où les motifs permettent de dépeindre un état de fait et possèdent dès lors la même fonction testimoniale que des documents historiques.

  • l’ironie :

Nous avons eu l’occasion dans les pages précédentes de traiter d’exemples d’ironie dans « Orpheus IV ». Dans les deux cas, il s’agissait de réutiliser des citations pour tourner en dérision la politique culturelle pro-classique et la politique tout court qui justifie des actes injustifiables sous le prétexte d’agir pour le bien du plus grand nombre. L’ironie au service de la résistance, ce n’est pas une nouveauté en littérature, qu’il nous suffise de penser aux exemples de Voltaire et de Montesquieu. L’intérêt de la démarche kunertienne consiste dans le fait de lutter contre l’idéologie avec ses propres armes en manipulant un discours manipulateur, en singeant un langage idéologiquement marqué pour en dévoiler l’inanité. Par ailleurs, en associant mythe et ironie, Kunert augmente encore l’efficacité de son discours antidoxique en dévoyant un univers structurant, avec ses codes et ses clichés – celui de la mythologie pour notre civilisation occidentale – afin de l’utiliser comme arme contre l’ordre établi. En même temps, l’ironie permet d’instaurer un rapport de distance avec le matériau mythologique qui n’est plus objet de croyance à une époque post-mythologique. Ainsi, puiser dans le réservoir des mythes grecs et bibliques ne signifie pas de la part du poète une fuite régressive dans un monde pré-moderne, celui-ci étant dépeint comme définitivement perdu. Seul le texte poétique en garde encore la trace, mais l’ironie lui donne un statut utopique qui empêche le propos de Kunert de tomber dans la simple célébration, qui serait quelque peu naïve et déconnectée du réel, de l’appréhension animiste du monde.

  • l’humour :

L’étude partielle du poème « Orpheus IV » nous a également amenée à parler de l’humour dont sont empreints certains textes. « Salvator mundi » sous-titré « Florenz, Palazzo Pitti » nous montre que la résistance kunertienne dépasse largement le cadre de la critique politique du système hyper-répressif est-allemand. Le discours sur le mythe est en effet souvent dirigé contre une autre manifestation du thétique, la religion. Il ne s’agit pas pour nous d’émettre un quelconque jugement de valeur à l’encontre du discours religieux. Nous pensons cependant, et nous partageons en cela l’avis de Julia Kristeva, que la religion est une des manifestations de la loi dans une société donnée en ce qu’elle a de structurant, ne serait-ce que par les rituels qu’elle impose à la communauté de ses fidèles. Kunert prend le parti de résister au discours religieux en tant que représentation d’une autorité.

‘1 Ja ich weiß wie man emporsteigt
Ist ja auch die Haltung unbequem
und ohne Nägel auf Dauer
unmöglich dieser Kopfschmuck
5 verursacht Blessuren
später Gemälde Nur die Übersicht
ist besser und so
sehe ich jetzt mein Publikum
wie erlöst aufspringen
10 und durch die Türen hinaus und
sich in die Ärmel unterschiedlicher
Bemäntelungen stürzen und frage
Die verschwindenden Väter vergeblich
warum sie mich jetzt schon
15 verlassen


ehe noch Zeitwende und Zweifel
beginnen 433

Ce texte d’un humour grinçant adopte le point de vue du Christ bénissant le monde du tableau Salvator mundi de Fra Bartolomeo exposé à Florence au palais Pitti, comme nous l’indique le titre. Dans un mouvement iconoclaste qui ne manque pas de violence malgré l’humour qui est à l’œuvre, la religion se voit dépouillée de toute sacralité et réduite à un spectacle inspirant le plus grand ennui à un public qui se détourne de ses anciennes croyances. Si le vers liminaire du poème laisse encore planer le doute sur la puissance de la religion à travers l’idée de l’omniscience du Sauveur, notamment en ce qui concerne l’aspect métaphysique de l’Ascension, le vers 2 vient détruire brutalement cette apparente glorification en soulignant le ridicule de la posture affectée du Christ, le pied sur un repose-pied, le bras droit relevé bénissant le monde, la tête penchée vers le bas dans la direction opposée au mouvement de son corps. Le vers 4 poursuit le démantèlement du sacré en jouant avec le sens de l’adjectif « impossible », qui renvoie au caractère improbable de la posture divine et, dans un sens plus trivial et péjoratif, à l’auréole encombrante qui nimbe la tête du Christ. Le sujet du tableau n’est bien évidemment pas choisi par hasard : le genre pictural du Salvator mundi représente la portée eschatologique de la domination terrestre du Christ et souligne les aspects temporel et spirituel du pouvoir du christianisme. Ainsi, le poème ne vise pas la parodie d’une peinture précise ou d’un genre pictural mais tourne en dérision les enseignements fondamentaux de l’Église chrétienne que sont les étapes de la Passion avec la crucifixion (v. 3 à 5), l’Ascension (v. 1), la trahison des hommes et de Dieu abandonnant le Christ à son sort (v. 13) ainsi que le dogme de l’omniscience divine (v. 1 et v. 6 à 9).

Si ce poème particulier semble attaquer de front le contenu des enseignements de la foi chrétienne, la plupart des autres poèmes kunertiens sur la religion se lisent avant tout comme autant de constats de la disparition de la religion dans notre société, notamment à travers la métaphore récurrente de l’abandon de Dieu, de son absence. Ce fait, ainsi que les nombreuses prises de position du poète indiquant qu’il regrette la disparition de la religion en tant que manifestation de la richesse de l’imaginaire humain, nous montre que la résistance ne se résume pas à un rejet pur et simple du discours religieux. En tant que spiritualité essentielle au bon équilibre de l’être humain, autrement dit dans la dimension mythologique du discours religieux, dimension pulsionnelle selon Julia Kristeva, la disparition de la religion est désignée comme une perte immense pour le genre humain. Kunert ne s’attaque à la religion qu’en tant que manifestation du thétique, c’est-à-dire lorsqu’elle tente d’imposer une vision particulière du monde comme une vérité globale, valable pour tous et intouchable. Le poème cité souligne ainsi à la fois le ridicule de la revendication d’omniscience du christianisme et, à travers l’image de la fuite lâche des visiteurs désintéressés, l’incapacité de l’homme moderne à faire travailler son imaginaire, à relever le défi de la Culture.

  • le grotesque :

Cet élément est moins présent dans la poésie kunertienne, mais il prend tout de même une place importante. Le grotesque, qui correspond souvent chez le poète au moment où l’humour devient arme de résistance, se teinte parfois de vulgarité, sans toutefois atteindre la trivialité des textes de Karl Mickel. Dans « Salvator mundi », le grotesque reste encore atténué, alors qu’il irradie un texte comme « Mystifikation434 ». Si les cibles divergent, les textes se rejoignent dans la volonté de fouler aux pieds les valeurs structurantes de la société occidentale, comme le rationalisme (« Athene fortzeugend Verhängnis » (Bb)), l’homme en tant qu’être civilisé (« Todesferne Elegie » (Av), « Götterdämmerung » (S), « Mystifikation » (Bb), « Totenbeschwörung » (Bb)), enfin l’artiste, le je poétique lui-même (« Spiegelblick » (IwF)), « Orpheus II » (WvS)). C’est pourquoi l’homme apparaît maintes fois sous les traits grotesques d’un personnage mythologique avili (comme dans « Totenbeschwörung », « Mystifikation » et « Spiegelblick ») voire d’un animal mythologique monstrueux. Le bestiaire kunertien est des plus variés : le minotaure y côtoie le basilic, les Ménades, les Érinyes, une harpie de la censure est-allemande, des Méduse et gorgones à profusion sans oublier le serpent biblique de la surconsommation moderne435. La désacralisation n’épargne aucun sujet, encore moins tout sujet surmédiatisé dans un but de récupération idéologique, comme c’est le cas avec l’héroïsation des acteurs de la conquête spatiale, auquel s’attaque par exemple le texte « Zum Start der ‘Columbia’ » (S).

Le but encore une fois n’est pas de révolutionner un monde atteint de démence, mais de constater l’avilissement d’une civilisation qui se rengorge de progrès technique et se dit la plus éclairée de toute l’Histoire de l’humanité, de secouer les fondations d’une société perçue comme défaillante. Dans cette perspective, la représentation des hommes en monstres n’est autre qu’une façon de matérialiser l’erreur des idéologies politiques et sociales actuelles, que ce soit dans les anciens blocs de l’Ouest ou de l’Est, que l’homme moderne érige en valeurs absolues, signant lui-même sa condamnation. C’est exactement le sens du poème « Entdeckung » (S) dont nous retranscrivons les strophes 1 à 3 :

‘Das Gesicht der Macht
Gleicht der etruskischen Gorgo
es lacht und bleckt die Zunge
während wir sterben.

Vorher jedoch
schien es anders: Besorgt
über unsere Gebrechlichkeit
und unsere Ängste.
Es beugte sich über uns
mit den Zügen des Heiligen
das Schwert gezogen
um den Mantel zu teilen
(unseren eigenen wie wir merkten)

und stieß uns die Klinge
für alle Zeiten
ins Gedärm 436
  • le rejet de la société de consommation :

Si la résistance à l’égard de l’idéologie du « socialisme réellement existant » concerne nombre de textes poétiques, elle se généralise par endroits en rejet de la vie moderne en tant que culture de masse. Cette critique s’intensifie au cours des recueils pour supplanter la première à partir du recueil Stilleben, fait qui n’est guère surprenant si l’on prend en compte le départ de Kunert à l’Ouest en 1979. Des textes comme « Totenbeschwörung » et « Vom Land » publiés dans Berlin beizeiten sont emblématiques de son aversion pour les phénomènes de massification et d’uniformisation de l’individu, qu’il considère comme des corollaires de la société moderne. On reconnaît en cela l’influence du philosophe Herbert Marcuse, qui, dans son Homme unidimensionnel (1965), mettait en garde contre l’organisation de tous les domaines de la société selon le principe de la productivité matérielle. Selon Marcuse, l’individu se tourne alors vers des modes de vie uniformes et non contestataires. En précurseur du mouvement de mai 68, il défend l’éclosion des désirs dans une société qu’il dit aliénée par le travail et par l’avènement de technologies nouvelles. Tandis que Freud considère la réalité comme le principe nécessaire permettant la sublimation de désirs primitifs, problématiques car asociaux, Marcuse dénonce l'inhumanité du principe de réalité répressif qui n'est que le principe de réalité de la société en place, c’est-à-dire idéologique et relatif. La démocratie n’apporte donc selon lui que l’illusion de la liberté individuelle et, en émoussant les différences, se montre tout aussi aliénante que les systèmes autoritaires. Kunert rejoint la pensée marcusienne au niveau de la défense du principe de plaisir et de la critique de la réification des relations sociales et de leur massification, mais il considère ce dernier point comme une manifestation de l’époque moderne en général, non comme le seul effet de la démocratie occidentale.

  • la pensée prélogique :

Nous avons détaillé précédemment la conception d’une conscience prélogique, que Kunert oppose à la pensée rationnelle et dont il fait l’objet de la quête du texte poétique. Ce mode global d’appréhension du monde, qui admet l’intuition et la naïveté, est selon lui caractéristique des peuples premiers ainsi que des enfants. Le réalisme réactif qui découle de cette approche du réel, que nous avons exposé plus haut, nous paraît entrer dans le cadre de ce que Julia Kristeva décrit comme l’introduction du flot sémiotique, pulsionnel, dans l’ordre symbolique, social, dont fait partie le langage. L’art du réalisme socialiste serait à placer du côté du thétique, du symbolique, encore désigné comme doxique par Kristeva, en ce qu’il est idéologiquement marqué et qu’il ne laisse pas place à l’intuition, au refoulé, à l’inconscient : tout y prend un sens démonstratif par rapport à l’idéologie qui le sous-tend. L’art socialiste ignore en quelque sorte la source pulsionnelle pour s’hypostasier comme vérité, comme dogme. En s’appuyant dans sa poétique sur la polysémie du mythe, en introduisant dans ses textes une pensée prélogique et en redéfinissant un réalisme intuitif, Kunert se détache totalement du réalisme socialiste au service de la doxa et, à notre sens, développe un langage poétique moderne qui met en péril l’ordre symbolique, avec les réserves que nous avons pu émettre au sujet de la concrétisation de cette mise en péril. Mais il s’agit là d’une autre question, celle des limites de l’art engagé. En effet, si la poétique kunertienne s’était voulue révolutionnaire, avec des objectifs politiques concrets, n’aurait-elle pas fait partie de cet ordre symbolique qu’elle souhaite combattre ?

Notes
418.

Id., « Kennzeichen des Todes », in : Unterwegs nach Utopia, op. cit., p. 84.

419.

Cette expression renvoie originellement à la ballade « Die Bürgschaft » de Schiller dont le thème central est la fidélité absolue en amitié.

420.

Günter Kunert, « Orpheus IV », in : Warnung vor Spiegeln, op. cit., p. 34. Le dernier vers du texte reprend une tournure du marxisme vulgaire de RDA (« Vulgär-Marxismus ») qui apparaît dans l’Anti-Dühring d’Engels (partie 1, chapitre XI sur la morale et le droit) que ce dernier aurait lui-même repris de Hegel, selon qui la liberté serait « l’intellection de la nécessité » (« die Einsicht in die Notwendigkeit »). Cf. Friedrich Engels, Anti-Dühring (M. E. Dühring bouleverse la science), trad. Émile Bottigelli, Paris, Éditions sociales, 1956, p. 146.

421.

Cette métaphore est développée par Sophie Rabau dans son ouvrage l’Intertextualité, op. cit., p. 44.

422.

Julia Kristeva, La révolution du langage poétique. L’avant-garde à la fin du XIX e siècle : Lautréamont et Mallarmé, Paris, Éditions du Seuil,1985, p. 79.

423.

Id., p. 78. Le champ d’étude de Kristeva est celui de la société occidentale, c’est pourquoi elle emploie la notion de « bourgeoisie » pour illustrer l’ordre social. Cela dit, nous pensons que ses théories ont également leur place dans une étude sur la société est-allemande, dans la mesure où, premièrement, ses origines bulgares influencent sa réflexion et la rapprochent des interrogations propres au bloc soviétique, et deuxièmement que l’on peut considérer que l’élite politique est-allemande n’est autre qu’une nouvelle forme de bourgeoisie, c’est-à-dire une classe dominante ayant accès aux privilèges liés à l’exercice du pouvoir.

424.

Günter Kunert, « Ideogramm », in : Im weiteren Fortgang, op. cit., p. 22, vers 8-10 et 14.

425.

Erich Honecker cité par Wolfgang Emmerich, Kleine Literaturgeschichte der DDR : Erweiterte Neuausgabe, Berlin, Aufbau Taschenbuch Verlag, 2000,p. 182. « Unsere DDR ist ein sauberer Staat. In ihr gibt es unverrückbare Maßstäbe der Ethik und Moral, für Anstand und gute Sitte. »

426.

Ibid. : « spießbürgerlicher Skeptizismus ohne Ufer », « Verabsolutierung der Widersprüche, der Mißachtung der Dialektik der Entwicklung, konstruierte Konfliktsituationen, die in einen ausgedachten Rahmen gepreßt sind ».

427.

Ibid. « Das Pochen auf ‘Sauberkeit’ und ‘gute Sitte’, der Horror vor Erotik mit etwas weniger Tabus (‘Pornographie’) und Spontaneität (‘Anarchie’) ist besonders auffällig – Zeichen einer durchaus noch unbefreiten, viktorianischen Moral, die sich lieber am Althergebrachten, dem Kulturerbe, als an zeitgenössischen Erscheinungen orientierte. »

428.

Günter Kunert, « Als unnötigen Luxus », in : Der ungebetene Gast, op. cit., p. 75.

429.

Günter Kunert, « Von der Antike eingeholt », in : Mythen in nachmythischer Zeit, op. cit., p. 228.

430.

En ce qui concerne les deux derniers textes, les poèmes ayant été publiés après le passage de Kunert à l’Ouest, leur dimension érotique ne participe plus d’un mouvement de résistance à l’ordre, à la loi, mais prend un autre sens dans le processus de métamorphose de Berlin en ville agonisante. La sexualité dans Berlin beizeiten est teintée de violence et de vulgarité, et vient renforcer l’image d’un Berlin dégradé, avili, repoussant.

431.

Stefan Wolle, Die heile Welt der Diktatur: Alltag und Herrschaft in der DDR 1971-1989, Bonn, Bundeszentrale für politische Bildung, 1999, p. 172-173. Wolle se fonde sur l’étude de Konrad Weller Das Sexuelle in der deutsch-deutschen Vereinigung: Resümee und Ausblick, Leipzig, Forum Verlag, 1991.

432.

Id. « [Die Statistiken ; C. F.] scheinen zu bestätigen, daß die Gesellschaftsordnung sich gravierend auf das Verhalten in konkreten Partnerschaftsbeziehungen auswirkte. […] In den Kuschelecken der Diktatur gab es ein sehr intensives menschliches Miteinander. […] Schließlich scheinen auch die kleinbürgerlichen Moralvorstellungen der SED wenigstens in den siebziger und achtziger Jahren das Verhalten nicht mehr beeinflußt zu haben. »

433.

Günter Kunert, « Salvator mundi: Florenz, Palazzo Pitti », in : Berlin beizeiten, op. cit., 1987, p. 92.

434.

Günter Kunert, « Mystifikation », in : Berlin beizeiten, op. cit., p. 21.

435.

Respectivement dans les textes « Klassisches Experiment » (S), « Der Basilisk » (VdW), « Orpheus IV » (WvS), « Père Lachaise » (S), « Bitte » (Av), « Medusa » (IwF), « Entdeckung » (S) et « Aufbruch eines bedeutenden Tieres » (VdW).

436.

Id., « Entdeckung », in : Stilleben, op. cit., p. 74.