A. Partie théorique

A.1. Saillance

En premier lieu, l'attention visuelle sélective peut être "orientée1" vers une localisation, un stimulus, un objet, etc., indépendamment des intentions du sujet : c'est ce à quoi fait référence l'expression d'orientation exogène de l'attention. Celle-ci a été étudiée notamment par Posner et ses collaborateurs (Posner, 1980 ; Posner, Cohen, & Rafal, 1982 ; Posner, Snyder, Davidson, 1980), à l'aide du paradigme d'indiçage spatial. Il démontrait qu'un item apparaissant brusquement (onset) induisait une amélioration temporaire du traitement des stimuli apparaissant subséquemment à la même localisation. Cette facilitation survenait même lorsque la cible avait la même probabilité d'apparaître à la position indicée qu'à la position non-indicée. Ces données soutenaient le caractère automatique et exogène de ce mode d'orientation de l'attention. Peu après, Yantis et Jonides (1984) démontrèrent qu'un item apparaissant soudainement était lui-même plus facilement traité qu'un item d'apparition non-abrupte. De nombreuses études suivirent, qui visèrent à déterminer quelles caractéristiques perceptives étaient à même d'induire une telle orientation exogène de l'attention. Theeuwes (1992) démontra qu'une discontinuité de couleur ou de forme pouvait de façon similaire capturer l'attention, en fonction de la saillance qu'elle induisait. Plus récemment, Wolfe et Horowitz (2004) se sont proposé d'inventorier les attributs perceptifs capables de guider l'orientation de l'attention. Il distinguèrent les attributs indubitables, probables, possibles, douteux et improbables, sans dégager vraiment de principe d'ordonnancement susceptible d'améliorer notre compréhension du problème. Ces auteurs considèraient notamment comme attributs guidant de façon certaine l'orientation de l'attention : la couleur, le mouvement, l'orientation et la taille. La caractéristique, ou le principe, permettant de discriminer entre les attributs perceptifs capables et incapables de guider l'attention n'est pas élucidée. Cette démarche reste très empirique, et même les critères utilisés par ces auteurs sont critiquables (ainsi p. ex. le critère de recherche efficiente ; voir section suivante). En opposition à cette tradition remontant vraisemblablement à Treisman et Gelade (1980), qui s'attache à découvrir les traits perceptifs fondamentaux impliqués dans le guidage de l'attention visuelle, il semble que l'élément essentiel responsable de l'orientation exogène de l'attention soit plutôt la saillance d'un item, soit une caractéristique éminemment contextuelle (Nothdurft, 2006).

Notes
1.

Le terme d'"orientation" de l'attention implique déjà une certaine perspective théorique, qui est celle de la métaphore du projecteur (spotlight, voir Fernandez-Duque & Johnson, 2002). L'utilisation ici de ce terme, ou de celui de "sélection attentionnelle", qui lui-même n'est évidemment pas non plus neutre, ne répondra qu'à une facilité d'expression, sans impliquer aucune adhésion théorique.