A.4.1.3. Bases neurales

Concernant les bases neurophysiologiques de l'interaction entre processus endogènes et exogènes de l'attention spatiale, Burrows et Moore (2009) ont mis en évidence une modulation par la saillance (pop-out) de l'activité de neurones de l'aire visuelle V4. Ils montrent également que cette influence est supprimée lorsque l'attention spatiale est orientée en un autre point de l'affichage (le point de fixation). Cette étude montre bien que l'attention spatiale endogène peut s'opposer aux effets exogènes de saillance, même au sein d'une aire visuelle précocement impliquée dans la computation de la saillance.

Peelen, Heslenfeld et Theeuwes (2004) ont étudié les structures impliquées dans l'orientation spatiale endogène et exogène, en IRMf. Ils ont observé une activation classique du réseau fronto-pariétal impliquent les aires IFG, SMA, ACC, FEF, TPJ et pré-cuneus bilatéral (cf. Corbetta, Miezin, Shulman, & Petersen, 1993; Kim, Gitelman, Nobre, Parrish, Labar, Kevin Mesulam, 1999; Nobre, Sebestyen, Gitelman, Mesulam, Frackowiak, Frith, 1997; Rosen, Rao, Caffarra, Scaglioni, Bobholz, Woodley et al., 1999). Ils n'ont pas observé de différence statistique d'activation entre les conditions endogène et exogène, ce qui leur suggérait qu'un seul réseau sous-tendrait l'orientation attentionnelle, qu'elle soit induite de façon endogène ou exogène.

Les données de Hopfinger et West (2006) s'opposent cependant à cette conclusion. Ces auteurs ont observé une influence de l'attention exogène sur des composantes électrophysiologiques précoces (une onde P1 générée dans le cortex extra-strié), et une influence plus tardive de l'attention endogène (onde P300). Ils ont également observé une modulation de l'onde N1 (occipito-pariétale) par l'attention endogène, concomitante de l'influence exogène sur P1. Ils déduisent de ces résultats que les effets endogènes et exogènes doivent dépendre de processus distincts, plutôt que de l'orientation d'un seul faisceau attentionnel, puisqu'ils sont capable d'induire des effets distincts au sein d'une même fenêtre temporelle. Contrairement à de nombreuses études portant sur les effets endogènes et exogènes de façon séparée, ils n'observent pas d'effet attentionnel sur les composantes électrophysiologiques précoces. Ils mettent cela au compte de caractéristiques de leur paradigme expérimental, qui ne serait pas optimal pour objectiver ces effets. Pour surmonter la contradiction entre cette étude et les autres études d'imagerie citées plus haut, au sujet de la distinction entre les réseaux endogènes et exogènes, il faut tenir compte de la sensibilité temporelle des différentes méthodes. L'IRMf, par exemple, montre des activations cérébrales sans distinction en fonction de leur temporalité (du moins par rapport à l'échelle temporelle pertinente pour l'orientation attentionnelle). En revanche, l'EEG permet de discriminer des latences d'activation relativement proches, au prix d'une précision spatiale amoindrie cependant. Dans la perspective de la compétition intégrée (Duncan et al., 1997 ; Duncan, 2006) entre autres, l'activation dans un "sous-système" tend à se diffuser dans les autres. Il apparaît vraisemblable que l'activation de l'un ou l'autre (endogène ou exogène) des sous-systèmes de l'orientation de l'attention donne lieu, relativement rapidement, à l'activation de l'autre sous-système. Ceci expliquerait qu'en EGG, grâce à la bonne sensibilité temporelle, il ait été possible de discriminer un ensemble de régions plus impliqué dans les influences exogènes et un autre reflétant plus les influences endogènes, mais que cette discrimination ait été masquée, en IRMf, par l'activation générale du réseau attentionnel dans son ensemble.