A.4.2.3. Bases neurales

A.4.2.3.1. Opposition

Les données comportementales trouvent globalement leur pendant dans les études électrophysiologiques qui ont été menées. Hickey, McDonald et Theeuwes (2006) ont étudié la composante neurophysiologique N2pc, dans le cadre du paradigme de singleton non-pertinent. Cette composante N2pc correspond à une différence d'activité inter-hémisphérique et pourrait refléter la sélection attentionnelle d'un objet sur la base de sa localisation, dans le champ visuel controlatéral (Eimer, 1996 ; Luck & Hillyard, 1994). Hickey et al. (2006) mirent en évidence un décalage temporel entre les composantes N2pc des deux hémisphères quand cible et distracteur saillant apparaissaient chacun d'un côté du point de fixation. Ces données suggèrent que –du moins dans les conditions du singleton non-pertinent cher à Theeuwes– l'attention est orientée plus rapidement vers l'item le plus saillant. Dans la mesure où, d'une part, la saillance dudit distracteur est particulièrement importante et où, d'autre part, les participants avaient vraisemblablement une propension à sélectionner les singletons (Bacon & Egeth, 1994 ; Leber & Egeth, 2006), cette étude ne démontre pas qu'il soit impossible de résister à la capture attentionnelle induite par un distracteur saillant.

De même qu'en psychologie expérimentale, l'hypothèse de prééminence de la saillance a été contestée sur la base d'études utilisant le paradigme d'indiçage développé par Folk et ses collègues (Folk et al., 1992 ; 1994) dans le cadre de l'hypothèse de capture attentionnelle contingente. Ainsi, Eimer, Kiss, Press et Sauter (2009) réalisèrent une étude EEG en potentiels liés à l'événement (ERP), en utilisant cette méthodologie. Le singleton induisait une N2pc quand il était de la couleur attendue (correspondant à la cible), mais non quand il était d'une autre couleur. Dans ce dernier cas, il induisait une onde N2 antérieure suggérant une inhibition descendante (Folstein & Van Petten, 2008).

Arnott, Pratt, Shore et Alain (2001) réalisèrent une étude EEG similaire. Ils montrèrent que le set attentionnel dans lequel étaient engagés les participants était lié à une modulation, dans des sites occipitaux, de l'onde N1 induite par un "indice" saillant non-pertinent : celle-ci était plus importante lorsque l'indice était saillant dans la dimension pertinente (p. ex. la couleur quand la cible était un singleton de couleur) que lorsqu'il l'était dans la dimension non-pertinente. Ces données semblent confirmer que le set attentionnel endogène induit une modulation de la réponse précoce à un stimulus saillant, et notamment celle impliquée dans la capture attentionnelle. Néanmoins, certaines critiques interdisent ici aussi de conclure de façon assurée. L'influence endogène, par exemple, était manipulée par blocs (ainsi que chez Eimer et al., 2009). Or cela conduit à confondre la pertinence (ou le set attentionnel) avec la variation de la proportion d'occurrences d'un type de saillance par rapport à l'autre. Cela peut avoir induit un effet d'amorçage perceptif, éventuellement d'amorçage de pop-out (Maljkovic & Nakayama, 1994), dont on sait qu'il peut avoir des effets particulièrement importants (voir Müller et al., 2003, pour un raisonnement similaire, et section B.1.5). Ces résultats demeurent intéressants, dans la mesure où cette onde N1 peut être modulée par l'attention spatiale (Mangun, 1995). De plus, cette onde est plus précoce que l'onde N2pc que Hickey et collaborateurs (2006) utilisent comme indice de la capture attentionnelle. Cette modulation de l'onde N1 semble incompatible avec l'hypothèse de Theeuwes (1993, 2010a) selon laquelle la première étape de traitement du système d'orientation de l'attention calculerait la saillance et serait imperméable à toute influence cognitive descendante.