A.5.1.3.4. Modèle à "carte d'activation intégrée" (Michael et al., 2006)

Michael et ses collaborateurs (2006) ont proposé de représenter de façon explicite la pertinence. Ils font l'hypothèse d'une carte cognitive indépendante, représentant la pertinence de façon distincte de la saillance. Les activations issues de ces deux cartes ne s'intégreraient ensemble que dans un second temps, pour constituer les activités d'une "carte d'activation intégrée" (master activation map, MAM), qui déterminerait seule l'orientation de l'attention. Contrairement au modèle de Navalpakkam et Itti (2005) par exemple, l'influence endogène sur les traitements perceptifs de bas niveau n'est pas envisagée explicitement. La pertinence est seulement considérée de façon abstraite comme un ensemble d'activations qui permettrait de favoriser certains traits, certaines localisations, etc. La carte MAM représenterait donc un ensemble d'activations plus ou moins intenses en fonction de la pertinence et de la saillance des items présents dans la scène visuelle. Ce sont ces activités qui sont supposées déterminer l'orientation de l'attention. Ce modèle postule également une seconde influence possible des connaissances et intentions endogènes, à travers l'inhibition des items non-pertinents. Cette inhibition, considérée indépendante des processus d'orientation attentionnelle, est présumée influer sur les activations au sein de la carte MAM, et ainsi permettre d'éviter, ou de réduire, l'influence distractrice d'items saillants non-pertinents.

Dans l'ensemble des modèles présentés jusqu'ici, basés essentiellement sur la saillance, il est frappant de noter que la pertinence ne permet jamais l'amélioration du traitement perceptif que de façon indirecte, par le biais d'une modulation de l'orientation de l'attention. Le modèle de Navalpakkam et Itti (2005) constitue une exception relative, puisque les traits perceptifs de bas niveau peuvent être directement modulés par les connaissances liées à la tâche. En ce qui concerne le modèle MAM, il semble que l'auteur considère que la pertinence puisse influencer les aspects spatiaux et les traits perceptifs non-spatiaux impliqués dans la computation de la saillance aussi bien que les activités intégrées de la carte MAM, bien que cela ne soit pas explicite dans les versions publiées du modèle (Michael et al., 2006, 2007). Néanmoins, les influences endogènes directes des connaissances et intentions du sujet sur les traitements perceptifs ne sont abordées dans aucun de ces deux modèles. C'est essentiellement l'orientation de l'attention qui se trouve influencée par ce biaisement des activations des traits perceptifs. Le traitement perceptif lui-même paraît peu dépendant de cette modulation initiale.

Il est au fond assez étonnant que les modèles s'accordent en général à ne pas considérer les influences endogènes directes sur les traitements perceptifs, mais uniquement par le détour de l'orientation de l'attention. L'attention portée sur les traits permet de rehausser le traitement de ces traits même lorsque ceux-ci ne font pas l'objet d'une sélection attentionnelle, et ne sont pas sur le point d'être sélectionnés (Bichot et al., 2005). De même, l'attention spatiale, qu'elle soit manifeste ou masquée, induit une modification de l'apparence phénoménologique des percepts (Carrasco, Ling & Read, 2004 ; Carrasco, 2006). Sur la base de ces données, Treue (2004) affirme que la carte de saillance n'est pas seulement impliquée dans l'orientation de l'attention, mais également dans les jugements perceptifs eux-mêmes. Cette remarque est particulièrement importante. Néanmoins, c'est peut-être étendre exagérément l'acception du terme "saillance" (et du concept de carte de saillance), que de l'impliquer dans le traitement perceptif. Il paraît plus parcimonieux de remettre en question le concept même de carte de saillance, considéré comme module cognitif indépendant du système perceptif, que de modéliser une intégration de son fonctionnement avec celui du système perceptif.