A.5.2.2. Modélisations en neurosciences computationnelles

A.5.2.2.1. Modèle de Deco et Rolls (2005)

Deco et Rolls (2005) ont réalisé une modélisation informatique du fonctionnement de l'attention visuelle sélective explicitement basée sur les idées de compétition biaisée. Ce modèle revendique également un plausibilité biologique. Il repose sur l'architecture du système visuel, distinguant une voie dorsale et une voie ventrale (Mishkin, Ungerleider & Macko, 1983 ; Goodale & Milner, 1992), et se compose essentiellement de six "modules" : V1 (aire visuelle primaire), V2-V4, IT (cortex inféro-temporal), PP (cortex pariétal postérieur), cortex préfrontal ventral v46 et dorsal, d46. Les informations perceptives pénètrent par le module V1, correspondant à l'aire visuelle primaire, puis suivent la voie ventrale à travers les modules V2-V4 et IT (cortex temporal). En parallèle, une seconde voie (dorsale) relie V1 au module PP. Les deux voies sont activées de façon ascendante par les stimulations perceptives, mais autorisent également des rétro-activations (descendantes) permettant le rehaussement des traits perceptifs pertinents. Ces rétro-activations peuvent également supporter les influences endogènes de l'attention préparatoire, qu'elles soient spatiales –par le biais du module PP– ou non-spatiales ‑par le biais des modules de la voie ventrale. Conformément aux principes de la compétition intégrée Duncan(1996, 2006), l'activation liée à un objet dans un module se diffuse et favorise l'activation liée à cet objet dans les autres modules. On remarquera que les notions de traitements "ascendants" et "descendants" (Lamme & Roefselma, 2000) peuvent tout à fait (du moins dans leur acception faible) se fonder sur le principe simple de diffusion d'activation, souligné par Duncan(1996, 2006).

Ce modèle permet de mimer de façon relativement réaliste les performances humaines dans des tâches de détection ou de localisation d'items sur la base de leur description (figurale, non-spatiale) ainsi que dans des tâches de discrimination d'items sur la base de leur localisation. C'est la dynamique d'activation du système qui distingue les deux types de tâches. Dans le premier cas, l'activation endogène des traits, dans la voie ventrale (IT), permet l'activation des localisations pertinentes en V1 puis en PP, donnant lieu à la localisation spatiale. Dans le second cas, l'activation des localisations pertinentes, dans la voie dorsale (PP), permet l'activation des localisations pertinentes dans le module V1, rehaussant ensuite, dans la voie ventrale, les traits présents à cette localisation, permettant enfin la discrimination de l'item sélectionné.

Ce modèle s'est montré efficace pour rendre compte de multiples données de psychologie expérimentale, de neurophysiologie, de neuropsychologie (voir Rolls, 2008, chapitre 8). Ce modèle est par exemple capable de rendre compte du caractère efficient ou non d'une recherche visuelle selon que les distracteurs ressemblent ou non (i.e. partagent des traits avec) à la cible. Le modèle développé par ces auteurs ne propose cependant pas de façon explicite de modélisation de la saillance, bien que celle-ci soit considérée dans les propositions de Desimone et Duncan (1995).