A.6. Résumé et problématique

Dans cette introduction ont été envisagés les influences endogènes et exogènes sur la sélection attentionnelle, les différents modes d'interaction qui ont pu être démontrés entre elles, ainsi que les principaux modèles actuels tentant d'en rendre compte.

Tout d'abord, la saillance peut être présentée comme un déterminant essentiel des processus attentionnels impliqués dans la vision. Caractéristique éminemment contextuelle et exogène (déterminée par les données plus que par les objectifs), la saillance peut fortement favoriser la sélection d'un item au sein d'une scène visuelle. Sa computation émerge vraisemblablement au sein du système perceptif, dans sa voie ventrale, par le biais des interactions latérales entre populations neuronales au sein de chaque aire cérébrale. Un second déterminant majeur de la sélection attentionnelle est la pertinence d'un item, c'est-à-dire sa congruence avec les connaissances et intentions d'un sujet. Ce sujet peut en effet, dans une certaine mesure, favoriser le traitement de certains traits perceptifs, qu'ils soient spatiaux ou non. De nombreuses données indiquent que ce rehaussement implique une modulation du fonctionnement des aires perceptives de la voie ventrale, en provenance d'un réseau pariéto-frontal. La possibilité de diminuer le traitement de certains traits, localisations ou items, a également été envisagée. Les données disponibles à l'heure actuelle ne permettent pas de soutenir de façon certaine l'existence de processus chargés d'inhiber de façon sélective certains traitements. Néanmoins, il apparaît clairement possible de résister, dans une certaine mesure, à l'interférence, lorsque des informations sont disponibles sur les stimuli non-pertinents.

Les travaux expérimentaux présentés dans cette thèse portent sur les interactions entre les influences endogènes et exogènes, qu'elles s'opposent, donnant éventuellement lieu à une résistance endogène aux effets de saillance, ou bien qu'elles concordent et s'intègrent pour faciliter la sélection attentionnelle. Dans un premier chapitre (B.1) sera évaluée, de façon générale, l'interaction entre des facteurs endogènes et exogènes, selon que ceux-ci concordent ou s'opposent dans leurs effets. La saillance peut déterminer l'orientation attentionnelle, particulièrement dans les premiers instants d'une recherche visuelle. Des contradictions existent cependant quant à la persistance de ses effets dans le temps (p. ex. Donk & Van Zoest, 2008). Une analyse critique de ces études suggère cependant que c'est l'influence endogène qui module la persistance temporelle des effets de saillance. La série d'expériences présentée dans le premier chapitre manipule les interactions entre processus endogènes et exogènes, afin d'évaluer le décours des effets de saillance selon que cette saillance soit pertinente ou non pour la tâche en cours. Le paradigme expérimental construit permet d'évaluer l'influence de différents niveaux de saillance dans une tâche de recherche visuelle. La pertinence est manipulée séparément : elle peut être absente, laissant tous les items également pertinents. Elle peut également soutenir un des items, soit le plus saillant, soit le moins saillant. Ceci permet d'observer l'effet d'une combinaison entre signaux endogènes et exogènes, lorsque tous deux concernent l'item saillant, mais également l'effet d'une opposition, lorsque saillance et pertinence concernent chacun un item distinct. Ce paradigme autorise à évaluer l'interaction entre signaux de saillance et de pertinence, et notamment l'éventuelle modulation des effets de saillance par la pertinence. Afin d'évaluer l'influence d'effets d'amorçage perceptif, la pertinence est manipulée par blocs et par essais selon les expériences, et dans ce dernier cas, l'indice peut être symbolique ou perceptif. Ce premier chapitre a fait l'objet d'une soumission au Quarterly Journal of Experimental Psychology, en cours de révision. Ceci explique qu'il soit rédigé en anglais, avec les excuses de l'auteur.

Les données obtenues dans cette première série d'expériences soutiennent la possibilité de résister aux effets de saillance. Cette résistance pouvait être le fruit d'une simple compétition, ou bien d'une diminution des effets de la saillance reposant sur des processus spécifiques d'inhibition. Cette inhibition, postulée notamment dans le modèle MAM, paraît vraisemblablement dépendre de la génération et du maintien des objectifs d'une tâche, et par conséquent de ressources attentionnelles, ou de mémoire de travail. La deuxième série d'expériences, présentée dans le second chapitre (B.2), vise à mettre en évidence la capacité d'une résistance à l'interférence induite par un distracteur saillant. Ce chapitre cherche également à éclairer les processus impliqués dans les phénomènes auxquels fait référence le terme d'inhibition. Sur la base des travaux menés par Michael et collaborateurs (2001b, 2006), ces expériences visent également à démontrer que les capacités de résistance à l'interférence peuvent être perturbées par une augmentation de la charge cognitive, induite par une tâche concurrente de mémoire de travail de type exécutif.

Enfin, le troisième chapitre (B.3) de cette thèse porte sur le versant opposé de l'interaction entre processus endogènes et exogènes, puisque c'est leur aptitude à se combiner qui est cette fois évaluée. Trois expériences visent d'abord à démontrer que des signaux exogènes et endogènes portant sur des traits non-spatiaux peuvent voir leurs effets se combiner dans la détermination de la sélection attentionnelle. L'objectif essentiel est de démontrer la possibilité d'une telle intégration, lorsque saillance et pertinence concernent des dimensions perceptives distinctes, de manière à démontrer une intégration de signaux plutôt qu'une simple modulation endogène de la computation de la saillance. Différentes méthodologies complémentaires sont employées dans cet objectif. Enfin, une dernière expérience vise à examiner plus précisément les mécanismes de cette intégration. Dans la droite ligne de l'hypothèse de compétition biaisée, c'est l'idée d'un locus perceptif de l'intégration entre signaux ascendants et descendants qui est évaluée. La similarité perceptive entre les deux types de signaux est manipulée, pour déterminer si elle peut influencer leur intégration. L'hypothèse est que l'intégration pourrait être plus importante en cas de similarité perceptive, si les deux signaux agissent bien tous deux en biaisant les traitements perceptifs. Ce premier chapitre a fait l'objet, en collaboration avec Mathieu Lesourd, d'une soumission à la revue Brain Research qui en cours de révision.