B.3.1.2.2. Pondérations des traits, des dimensions ou combinaison entre saillance et pertinence

Les expériences présentées dans ce chapitre visaient également à confronter deux perspectives théoriques sur l'influence endogène, à savoir d'une part les perspectives construites autour d'une carte de saillance, considérant l'influence endogène comme une pondération des traits (Navalpakkam & Itti, 2005 ; Wolfe & Gancarz, 1996 ; Wolfe, 2007) ou des dimensions (Found et al., 1996 ; Müller et al., 1995 ; 2003). Un postulat important de l'ensemble de ces modèles est que la somme des pondérations est limitée : augmenter le poids d'un trait (ou d'une dimension) implique de diminuer les poids des autres traits (ou dimensions). Par conséquent, l'indiçage d'un trait dans une dimension devrait, selon ces modèles, induire une diminution de la saillance induite par d'autres traits ou dimensions.

À l'opposé, d'autres modèles envisagent l'attention endogène vers les traits non-spatiaux comme un signal relativement indépendant des processus exogènes, et qui viendrait combiner ses effets avec ceux de la saillance pour déterminer soit la "sélection attentionnelle", soit la "compétition" au sein du système perceptif. Dans ce second groupe se situent des modèles très différents, certains fondés sur l'hypothèse d'une carte de saillance (p. ex. Michael et al., 2006), d'autres rompant radicalement avec cette perspective théorique (p. ex. Desimone & Duncan, 1995 ; Duncan, 1996, 2006). Selon ces modèles, l'influence endogène pourrait favoriser un trait perceptif, que celui-ci soit ou non à l'origine de saillance dans sa dimension. De plus, cette influence endogène ne devrait a priori pas diminuer l'influence de la saillance induite dans une autre dimension perceptive.

L'hypothèse de pondération peut donc être évaluée si l'on discrimine strictement les dimensions perceptives que concernent les facteurs endogènes et exogènes. En opposition à cette hypothèse, l'indiçage d'une couleur non-saillante devrait, dans une tâche de recherche visuelle, permettre d'améliorer les performances de discrimination de la cible. Ces résultats s'opposeraient à la perspective de pondération, en suggérant qu'un trait non-saillant peut faire l'objet d'une influence endogène. Un élément supplémentaire serait l'absence de diminution de l'effet de saillance induit par la dimension non-pertinente, qui suggérerait une indépendance entre l'influence endogène et la computation de la saillance -en opposition encore avec l'hypothèse de pondération.

Enfin, l'influence combinée d'un indiçage d'une couleur non-saillante et d'une saillance induite par la taille devrait induire des TR de choix inférieurs à ceux induits par la saillance seule ou par l'indiçage seul. Un tel pattern de résultats indiquerait que les influences ‑‑indépendantes‑‑ de saillances et de pertinence peuvent se combiner. C'est dans la quatrième expérience que cette combinaison sera évaluée de façon plus stricte, à l'aide du Race Model (Miller, 1982), dans le but de rejeter l'hypothèse d'une "course" entre deux processus indépendants.