B.3.2.5. Discussion 1

Tout d'abord, les effets de saillance et de pertinence apparaissent chacun clairement dans cette expérience (voir Figure 6). De plus, ces résultats démontrent qu'un indice concernant la couleur de la cible peut accélérer le traitement de cette dernière, même lorsque celle-ci bénéficie déjà d'une facilitation du fait de sa saillance, induite par une caractéristique d'une autre dimension perceptive. Ces résultats confirment et complètent ceux de Müller et al. (2003), tout en remettant en cause leur hypothèse de pondération des dimensions comme seule influence possible de la pertinence. Tout d'abord, leurs données démontraient une influence de l'indiçage d'un trait saillant définissant la cible. Les présents résultats démontrent que l'indiçage d'un trait non-saillant de la cible permet également de faciliter la sélection de celle-ci. Ces auteurs interprétaient leurs résultats comme un soutien à l'hypothèse de pondération des dimensions (Müller et al., 1995). Les présents résultats semblent la remettre en question. En effet, même lorsque la couleur de la cible est indicée, la saillance induite par la taille produit bien un effet significatif. Si l'indiçage avait modulé les pondérations des différentes cartes perceptives, on se serait attendu à une diminution de l'effet de la saillance induite par la taille. En effet, dans la mesure où, dans ce type de modèles (Found et al., 1996 ; Müller et al., 1995 ; 2003 ; Navalpakkam & Itti, 2005 ; Wolfe & Gancarz, 1996 ; Wolfe, 2007), la somme des poids est présumée limitée et doit être répartie entre les différentes dimensions, augmenter la pondération de la carte de couleurs devrait diminuer la pondération de celle de tailles. Or aucun effet d'interaction n'est observé entre saillance et pertinence, et l'indiçage de la couleur ne semble pas du tout diminuer l'effet de la saillance induite par la taille (numériquement, l'effet semblerait même plutôt inverse). Il semble donc que l'indiçage n'agisse pas, ou pas uniquement, en modifiant la répartition des pondérations entre les cartes de traits pour la computation de la saillance.

Dans cette première expérience, l'indice ne concernait pas la dimension utilisée pour évaluer l'effet de la saillance. Cependant, il existait tout de même un contraste de traits entre la cible et les distracteurs dans la dimension indicée, contraste qui aura vraisemblablement pu induire une certaine saillance de la cible. En effet, la très faible saturation de la couleur indicée pouvait peut-être donner lieu à une saillance suffisante pour être modulée. Ainsi, l'hypothèse d'une modulation des pondérations des saillances conserve une certaine plausibilité, même si la présence d'un effet de saillance induit par la taille semblerait incompatible avec le critère de nullité de la somme des poids, dans les conditions présentes. Afin d'apporter plus d'arguments à l'encontre de cette hypothèse de pondération des dimensions, la saillance du trait indicé a été plus strictement contrôlée dans les deux expériences suivantes. Dans l'expérience 2, afin de réduire la saillance de ce trait, les couleurs des distracteurs ont été rendues hétérogènes. En effet, Duncan et Humphreys (1989) ont mis en évidence que la saillance d'un item diminuait non seulement quand la similarité entre cible et distracteurs augmentait, mais également quand la similarité entre distracteurs diminuait. Les données d'imagerie de Beck et Kastner (2007) soutiennent également cette idée que l'hétérogénéité des distracteurs diminue les effets de saillance.

De plus, afin d'évaluer plus directement l'hypothèse de pondération des dimensions (Müller et al., 1995), le rapport entre la dimension induisant la saillance et la dimension indicée a été manipulé. Selon cette hypothèse, l'effet induit par la saillance devrait être majoré lorsque la dimension induisant cette saillance serait rendue pertinente et minoré lorsqu'une autre dimension se verrait indicée. Dans l'expérience suivante, la cible pouvait donc être rendue saillante par la taille ou par la couleur, modifiant ainsi la similarité de la dimension indicée (la couleur) avec celle induisant la saillance.

Selon l'hypothèse "pondératrice", l'effet de l'indiçage devrait être bien plus marqué lorsqu'il concerne un trait induisant de la saillance (qu'un trait n'induisant pas de saillance). A contrario, selon l'hypothèse de "signaux indépendants", et dans la ligne des résultats de l'Expérience 1, l'indiçage devrait améliorer les performances quelle que soit la similarité perceptive entre signaux de pertinence et de saillance. Certains points de la théorie de la compétition biaisée (Desimone et Duncan, 1995 ; Duncan, 2006) suggèrent même que l'interaction devrait être plus importante en cas de similarité perceptive (voir section , Exp. 4).

Les hypothèses de base de cette expérience sont similaires à celles de l'expérience précédente. On attendra en premier lieu une réplication de l'effet de pertinence lorsque la cible est saillante, en opposition à l'hypothèse d'impénétrabilité cognitive. À nouveau, l'indiçage devrait améliorer le traitement de la cible, même lorsque la non-saillance de la cible est plus rigoureusement contrôlée (par l'hétérogénéité des distracteurs), en opposition aux interprétation "pondératrices" de la pertinence. En plus de mieux contrôler l'absence de saillance dudit trait, le protocole expérimental de l'Expérience 2 permet une comparaison entre l'indiçage d'un trait induisant, ou n'induisant pas, de saillance. On s'attendra à une absence d'interaction entre saillance, pertinence et similarité perceptive, ou éventuellement à une augmentation de l'interaction saillance X pertinence avec la similarité perceptive.