B.3.5.2. Pertinence

Un deuxième aspect de la présente recherche portait sur la pertinence. L'indiçage s'est montré efficace pour améliorer la sélection attentionnelle de la cible, que l'indice concerne une caractéristique perceptive induisant (Exp. 2) ou non (Exp. 1, 2, 3) de la saillance, et que cet indice permette la localisation univoque de la cible (Exp. 1, 2) ou n'offre au contraire pas d'information spatiale (Exp. 3).

Le premier point suggère que la pertinence n'agit pas uniquement par modulation des pondérations des cartes de traits impliquées dans le calcul de la saillance, mais peut également agir de façon distincte, en rehaussant directement le traitement perceptifde certains objets présentant le trait pertinent en question. En effet, si la pertinence n'agissait qu'en modulant les pondérations des différents traits dans la computation de la saillance, l'indiçage de traits n'induisant pas de saillance ne permettrait pas d'améliorer le traitement d'une cible, surtout lorsqu'elle serait déjà saillante par ailleurs. Or un tel effet a été mis en évidence dans trois expériences de recherche visuelle relativement différentes. C'est notamment la façon de neutraliser la saillance qui variait d'une expérience à l'autre. Dans la première, cette saillance était simplement fortement limitée en utilisant pour trait indicé une couleur de très faible saturation. Dans la seconde expérience, c'est l'hétérogénéité des distracteurs qui a permis d'annuler la saillance. Enfin, dans la troisième expérience, c'est l'arrangement en alternance des deux couleurs qui avait pour fonction d'empêcher toute saillance. Dans chacune des trois expériences, la combinaison des effets de saillance et de pertinence apparaissait significative. Ces résultats permettent d'affirmer que l'attention non-spatiale n'agit pas exclusivement en modulant les pondération des traits dans la computation de la saillance.

Le second point, concernant les informations spatiales, suggère que ce rehaussement du traitement perceptif d'un objet n'implique pas nécessairement de déplacement d'un focus attentionnel vers la localisation de cet objet. Ce rehaussement pourrait intervenir en parallèle sur l'ensemble du champ visuel. C'est ce que propose la théorie de la compétition biaisée (Desimone & Duncan, 1995) ou de la compétition intégrée (Duncan et al., 1997 ; Duncan, 2006), qui postule que l'attention endogène agit en biaisant le traitement perceptif en faveur des objets présentant les traits pertinents. C'est une hypothèse qui paraît également valide au niveau neurophysiologique. Ainsi, rendre la caractéristique "rouge" pertinente consisterait à rehausser la réponse (neuronale et cognitive) à ce trait perceptif (Bichot et al., 2005), ce qui favoriserait les objets présentant cette caractéristique dans la compétition pour la représentation, par le biais de la propagation des activations entre sous-systèmes cognitifs (Duncan, 1996).

Les résultats des trois expériences reportées dans cet article confirment tous que la pertinence peut influencer la sélection attentionnelle. Les expériences 2 et 3 démontrent de surcroît que cette influence ne se limite pas à une modulation du calcul de la saillance, mais pourrait également représenter un signal distinct biaisant le système perceptif. Cette influence précoce de la pertinence paraît en contradiction avec certains modèles de la littérature.