Titre 1.
Les attributions économiques à l’épreuve des exigences communautaires

205. Dès le début des années soixante-dix, le droit de l’Union européenne, créateur d’un ordre juridique communautaire qui s’impose aux Etats membres, s’est saisi du sujet du droit à la participation des travailleurs. L’ensemble des normes communautaires traite de ce droit que consacrent les traités et conventions818. Les directives, d’abord ponctuellement819, puis d’une façon générale820, oeuvrent au rapprochement des législations des Etats membres en la matière en leur assignant des objectifs821. Qu’elles aient été adoptées suivant les procédures législatives générales ou suite à la conclusion d’un accord collectif au niveau communautaire822, elles laissent aux Etats membres le choix des moyens juridiques pour assurer leur mise en œuvre. La CJUE, dont l’apport jurisprudentiel est majeur, contribue à éclaircir l’interprétation des textes de ce droit.

Au cœur des préoccupations communautaires, la participation des travailleurs à la gestion de l’entreprise a conduit l’Union européenne à développer et préciser les droits de leurs représentants face aux décisions d’ordre social et économique de l’employeur (I). A l’évidence, on constate une certaine réticence du droit français à transposer les prescriptions communautaires en la matière, préférant adopter à la place des mesures qui, si elles évoquent les dispositifs consacrés par les instruments juridiques européens, n’en constituent pas pour autant une mise en conformité pleine et entière (II).

Notes
818.

Article 153 du traité FUE, point 17 de la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux du 9 décembre 1989, article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7 décembre 2000.

819.

Directive 75/129/CEE du 17 février 1975 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs (JO L 48 du 22 février 1975), directive 77/187/CEE du 14 février 1977 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements (JO L 61 du 5 mars 1977).

820.

Directive 94/45/CE du 22 septembre 1994 concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen ou d’une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d’entreprises de dimension communautaire en vue d’informer et de consulter les travailleurs (JOCE L 10 du 30 septembre 1994), directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne (JOCE L 80 du 23 mars 2002).

821.

C.C., 10 juin 2004, n° 2004-496 DC ; C.C., 29 juillet 2004, n° 2004-498 DC : « La transposition en droit interne d’une directive communautaire résulte d’une exigence constitutionnelle à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu’en raison d’une disposition expresse contraire à la Constitution ».

822.

Les partenaires sociaux jouent un rôle clé dans l’élaboration de la politique sociale de l’Union européenne. En application de l’article 154 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ils sont étroitement associés à l’élaboration des directives puisqu’ils peuvent décider de négocier et de conclure un accord, entraînant alors un dessaisissement des acteurs institutionnels et notamment du Parlement européen. En matière de politique sociale, le dialogue social est donc privilégié, comme l’énonce l’article 152 du traité FUE - issu du traité de Lisbonne du 13 décembre 2007 - qui dispose que : « L’Union reconnaît et promeut le rôle des partenaires sociaux, en prenant en compte la diversité des systèmes nationaux. Elle facilite le dialogue entre eux, dans le respect de leur autonomie ». On relève que le droit français connaît un dispositif similaire, celui-ci prévoyant que les projets de loi portant sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle, et qui relèvent du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle, sont préalablement soumis aux organisations syndicales afin que celles-ci puissent éventuellement s’emparer du sujet (article L. 1 du Code du travail). Un processus comparable a été mis en place pour les propositions de loi (Protocole relatif à la consultation des partenaires sociaux sur les propositions de loi du 16 février 2010, Semaine sociale Lamy, 2010, n° 1437). V. La place des partenaires sociaux dans l’élaboration des réformes, Droit social, 2010, p. 489 à 532.