Conclusion

Les manières restrictives de penser les homosexualités ont produit des manières d’envisager les relations entre espaces et construction des identités homosexuelles également restrictives. Le parallèle entre ces deux processus apparaît clairement dans ce chapitre. Il résulte de positionnements disciplinaires, méthodologiques et théoriques mais aussi de l’influence des représentations et des questions sociales sur les problématiques sociologiques. Les cadrages médiatiques centrés sur les images du ghetto homosexuel, de la communauté gay exclusive et propriétaire d’un quartier ont clairement influencé le regard scientifique sur les dimensions spatiales des parcours sociaux homosexuels. Mais il semble fort éloigné de ce que les acteurs font, disent et vivent concrètement. Un autre regard sera proposé dans cette recherche à partir de trois hypothèses fondamentales : l’espace n’est pas un donné mais le produit d’une construction sociale et historique qu’il s’agit de comprendre ; les dimensions spatiales des identités et des modes de vie homosexuels renvoient à un ensemble de lieux, de pratiques et d’espaces différenciés qu’il s’agit de restituer ; les relations entre espaces et identités homosexuelles doivent être saisies à partir des pratiques concrètes des acteurs, des configurations sociales dans lesquelles ils évoluent et qui déterminent leurs rapports à l’espace. Ces trois hypothèses générales permettent de passer d’une géographie des homosexualités à une sociologie des dimensions spatiales des processus de socialisation chez les homosexuels, en interrogeant non plus de simples formes spatiales mais des rapports socialement construits et socialement différenciés à différents espaces. Cela suppose d’envisager l’espace non plus comme un simple cadre matériel donné mais comme un construit social ayant également des effets socialisateurs propres, mais non nécessairement autonomes selon la perspective définie par Jean Remy (Remy, 1999). L’espace contribue à la construction des identités sociales. En retour, il est le produit des représentations et des pratiques des individus. Située dans une sociologie urbaine de la gentrification, la question de la gaytrification s’inscrit donc également dans une approche sociologique des homosexualités. Il s’agit à présent de présenter les axes et les moyens empiriques mobilisés au service de cette « sociologie de la gaytrification ».