Deuxième partie : formes et dynamiques de la gaytrification.

Les différents matériaux produits au sujet des transformations du Village et du Marais depuis la fin des années 1970 permettent d’analyser, d’expliquer et de comprendre les formes et les dynamiques socio-spatiales de la gaytrification telle qu’elle se déploie dans ces deux quartiers. On prend ici le parti d’une approche historique et thématique des processus de gaytrification à l’échelle du quartier, tout en resituant ce dernier dans son histoire et dans son environnement urbain plus large, celui de la ville. Cette approche peut laisser apparaître en filigrane le rôle de certains acteurs mais c’est surtout la troisième partie qui « plongera » à l’échelle micro-sociologique. Nous avons retenu trois registres de la vie urbaine qui permettent d’appréhender les logiques de la gaytrification : le registre des commerces et des activités commerçantes, le registre des images du quartier et le registre plus spécifiquement résidentiel. Dans cette seconde partie, ces trois registres sont quelque peu dissociés par la construction en chapitres, mais cet effet d’écriture ne doit pas masquer les liens qu’ils entretiennent les uns aux autres. Nous ne manquerons pas de le souligner par moment.

Les chapitres 4, 5 et 6 interrogent le processus de gaytrification à partir d’une analyse du rôle des gays dans différentes composantes de la gentrification de deux quartiers concernés. On a délimité des sous-scènes de la vie de quartier sur lesquelles on évalue à la fois la place quantitative des gays durant la période, leur rôle plus qualitatif et les spécificités de leur présence, notamment en termes d’effets sur les destinées du quartier. Trois entrées principales sont mobilisées. La première concerne le « commerce gay » comme composante de la vie commerçante du quartier et comme composante de la vie homosexuelle parisienne et montréalaise : le chapitre 4 utilise cette entrée pour discuter des raisons, des significations et des effets de l’émergence d’une vie commerçante gay dans des quartiers porteurs d’une attractivité nouvelle en termes de fréquentation et de consommation. La seconde entrée concerne « la fabrique médiatique et symbolique des images du quartier » dans laquelle les gays sont envisagés comme des producteurs et des fabricants d’images mais aussi comme des supports d’images eux-mêmes : le chapitre 5 retrace alors l’évolution des images suscitées par la rencontre entre homosexualités, quartier et gentrification. La dernière entrée choisie est focalisée sur « la présence résidentielle des gays » comme élément spécifique de la vie de quartier : le chapitre 6 insiste sur les effets de cette présence quotidienne mais aussi sur sa signification dans l’ensemble des choix résidentiels des gays à l’échelle de la ville. Cette dernière question est explorée uniquement dans le cas de Paris car nous n’avons pas pu réunir un matériau suffisamment robuste au sujet de Montréal.

Á partir de ces trois entrées, que peut-on dire des formes et des dynamiques de la gaytrification à Paris et Montréal depuis la fin des années 1970 ? Que nous révèlent-elles sur les changements urbains au centre-ville et sur les transformations des expériences homosexuelles depuis une trentaine d’années ?