Conclusion

Rappelons, au moment de conclure, les principaux résultats de ce chapitre. Dans le Village comme dans le Marais les commerces gays ont eu un poids et un rôle singulier dans la gentrification locale et notamment dans sa composante commerçante. Dans le Marais, leur implantation se réalise dans un quartier déjà en cours de transformation : ils sont moins des pionniers que des suiveurs et sont moins pionniers que les nouveaux commerces gays du Village au début des années 1980. Pourtant, les années 1990 justifient de leur attribuer un poids et un rôle particulier dans les deux quartiers et surtout dans le Marais où la gentrification s’accélère alors : leur développement quantitatif, leur diversification et les ambiances spécifiques développées dans certains lieux catalysent et accentuent certains effets de la gentrification de consommation et de fréquentation dans ce quartier du centre de Paris en plein renouvellement. La gentrification du Village reste limitée à des processus de gentrification marginale et à la réanimation commerçante de la rue Sainte-Catherine. Les gays en sont les fers de lance, par les commerces qu’ils y développent, mais cette réhabilitation de Centre-Sud n’est pas une gentrification aussi radicale que dans le centre de Paris. Dans le Marais, les effets de la gentrification et les acquis des revendications homosexuelles en termes de droits et de visibilité depuis les années 1990 semblent avoir modifié la donne. Alors que l’espace urbain constituait une ressource à investir pour en tirer des bénéfices sociaux, économiques, symboliques et identitaires, cette ressource une fois conquise et acquise aurait perdu de son attractivité et de son potentiel. En ce sens, la gaytrification est bien un processus dynamique ne se limitant pas aux quartiers où elle prend forme mais amenant à la mobilité et au renouvellement. Dans le Village, ces dimensions apparaissent moins fortes car le contexte local et la place de l’homosexualité dans l’espace urbain diffèrent. Le commerce gay semble y avoir, au contraire, consolidé sa place et tirer encore aujourd’hui bénéfice d’une ressource spatiale moins convoitée mais mise en valeur de manière plus durable. Ces processus de valorisation, revalorisation et dévalorisation de l’espace renvoient également à la construction d’images de quartier singulières qu’il s’agit d’analyser dans le chapitre suivant.