2.4. En toile de fond, la gentrification ?

À partir de cette étude de cas, on peut resituer la question de la gaytrification résidentielle dans les pratiques résidentielles des gays et dans les transformations générales de l’espace urbain, dans le cas de Paris. La gentrification apparaît comme un processus qui a partie liée avec les pratiques résidentielles des gays, mais la nature de ce lien reste multiforme.

Un premier lien apparaît sous la forme de l’environnement socio-spatial valorisé par les gays pour leur lieu de résidence. La gentrification est l’un des leviers de la présence des gays à travers l’attrait résidentiel qu’exerce, pour eux, un quartier gentrifié. Les quartiers gentrifiés ne sont, certes, qu’un type d’espace valorisé parmi d’autres : les deux premiers arrondissements de Paris sont les plus attractifs et n’ont pas connu de gentrification. Ils sont depuis longtemps des quartiers socialement très favorisés, ne possédant pas en tant que tel de passé populaire. L’effet gentrification peut en revanche être mobilisé dans le cas du Marais et dans le cas du Nord-Est parisien. Dans le Marais, on peut parler d’une gentrification ancienne et, sur le long terme, classer le quartier parmi les espaces de la gentrification parisienne, à partir du milieu des années 1970. L’attrait résidentiel pour les gays y apparaît particulièrement fort dès 1997 et témoigne sans doute d’effets plus précoces de la gentrification, ainsi que de l’influence de l’émergence d’un quartier gay dans ce secteur. Plus encore, on constate qu’entre 1997 et 2007, les évolutions de la géographie résidentielle gay parisienne accompagnent subtilement le déploiement de la gentrification dans Paris en opérant un virage vers le Nord et l’Est de Paris qui voit l’attractivité des 10ème et 11ème arrondissements nettement augmenter, celles des 18ème, 19ème et 20ème arrondissements également croître (figure 2). Or, ces secteurs anciennement populaires connaissent depuis la fin des années 1980, à des rythmes différents et selon des formes variées, une gentrification parfaitement mesurée et illustrée par les travaux français portant sur Paris. Les recherches d’Anne Clerval et de Catherine Bidou-Zachariasen montrent chacune comment la gentrification parisienne se concentre et se diffuse dans ces secteurs. D’une part, elle est portée quantitativement principalement par ces secteurs et voit s’affirmer ici de nouvelles couches sociales de gentrifieurs tant dans les espaces privés du logement que dans l’animation de la vie de ces quartiers et dans leur animation. D’autre part, l’arrivée des gentrifieurs inaugure localement et quotidiennement un « travail de gentrification » de la part de ces habitants, relativement jeunes, souvent diplômés et exerçant un métier dans les secteurs de l’éducation, de la culture, de la communication, de l’information ou de la santé (Bidou-Zachariasen, 2008). Par des canaux multiples (logement, association, sociabilité et voisinage), ces ménages investissent et s’approprient ces quartiers qu’ils habitent en y construisant des ressources sociales à l’assise spatiale, des images et des modes de vie bouleversant profondément le caractère populaire de quartiers comme Belleville, Sainte-Marthe, Ménilmontant ou Château-Rouge. Le détournement, le remodelage et le réinvestissement d’éléments de la culture populaire (qui peut être ouvrière ou spécifiquement immigrée dans certains cas) et locale par ces nouveaux venus produisent ici des ambiances urbaines singulières et caractéristiques de quartiers gentrifiés. Une bonne partie de ces ambiances favorise la cohabitation entre hétérosexuels et homosexuels parce que des proximités plus fortes que cette frontière socio-sexuelle se manifestent à travers des valeurs comme la culture, la contestation, l’avant-garde, la découverte ou l’alternative. Le fait d’être homosexuel engage une forme de remise en cause des normes dominantes, une sexualité alternative accompagnée parfois d’une culture plus ou moins contestataire et avant-gardiste qui sont autant d’éléments que les gentrifieurs valorisent. Des valeurs telles que la solidarité ou la convivialité peuvent aussi intervenir dans ces proximités entre gays et gentrifieurs. Elles sont d’autant plus structurantes ici que certains secteurs de gentrification du Nord-Est sont plutôt investis par des gentrifieurs culturels et marginaux dont la précarité professionnelle et les revenus souvent modestes accompagnent d’importants capitaux culturels et relationnels. On reviendra « qualitativement » par la suite sur ces proximités qui peuvent largement expliquer pourquoi les environnements parisiens de type gentrifié exercent une telle influence. L’évolution sociologique du Nord-Est de Paris contribue à rendre alors ces secteurs de plus en plus favorables à l’installation des ménages gays sous le double effet d’une vie de quartier animée et d’un voisinage ouvert à ce type de voisinage. Le lien entre gentrification et pratiques résidentielles des gays apparaît ainsi sous sa première forme, celle du décor et du cadre urbain favorable à la présence des gays dans un quartier. Le schéma ci-dessous représente ces dynamiques socio-spatiales depuis le milieu des années 1990 à l’échelle de Paris : la gentrification y apparaît comme un processus favorisant l’installation résidentielle des gays dans un quartier.

Figure 7 : Les espaces résidentiels gays à Paris depuis les années 1990, schéma de synthèse.
Figure 7 : Les espaces résidentiels gays à Paris depuis les années 1990, schéma de synthèse.

Le deuxième lien visible entre gentrification et pratiques résidentielles des gays prend la forme d’un processus réciproque. À l’image du débat sur le cas des artistes entre un rôle de suiveur et un rôle de pionnier, deux logiques apparaissent dans nos résultats. D’une part, les ménages gays suivent et accompagnent le déploiement de la gentrification dans le Nord-Est de Paris depuis une quinzaine d’années. Mais d’autre part, étant données leur profil sociologique dominant, on peut s’interroger sur la manière dont les gays participent au processus de gentrification à Paris. Les ménages gays particulièrement représentés et attirés dans les espaces attractifs ont des profils particuliers : ils sont majoritairement âgés de 30 à 50 ans, et sont souvent des cadres supérieurs ou des professions intellectuelles. En tant qu’homosexuels, ils vivent aussi plus souvent que les autres en ménages de petite taille, ayant moins souvent que les autres des enfants et des charges familiales. De fait, ils sont probablement souvent eux mêmes des gentrifieurs potentiels : leur installation dans des quartiers centraux et dans d’anciens quartiers populaires ne relève pas simplement de comportements passifs de suivisme ou d’accompagnement des changements urbains. Il faut prendre au sérieux l’hypothèse de leur implication propre dans les transformations de ces quartiers parisiens en se rappelant qu’elle a déjà été illustrée empiriquement à l’échelle d’une métropole (Castells, 1983) ou à travers des monographies (Bouthillette, 1994).

Le déplacement vers l’Est et le Nord-Est peut être interprété ainsi : certains ménages gays fuiraient les quartiers les plus centraux, les plus chers et les plus attractifs pour investir des quartiers plus périphériques, moins onéreux et traditionnellement populaires. Si les gays ont pu participer à la gentrification du Marais en venant y habiter, une partie d’entre eux le quitterait pour d’autres espaces à gentrifier ou en voie de gentrification selon un processus cyclique souvent évoqué dans les travaux sur la gentrification de type « classique ». Parmi les ménages de gentrifieurs interrogés au cours de leurs enquêtes, plusieurs chercheurs mentionnent la présence de ces couples ou individus gays sur leurs terrains (Chicoine, Rose, 1998 ; Clerval, 2008b). Si cette implication reste difficile à quantifier précisément, elle transparaît statistiquement dans la comparaison de nos données sur la période 1997-2007 et plus qualitativement dans plusieurs cas d’enquêtés interrogés en entretien. Dans l’encadré 8, le cas de Philippe montre comment des gays ont pu accompagner la gentrification du Marais, puis la diffuser, la prolonger ou l’exporter ailleurs, dans le 20ème arrondissement par exemple.

Encadré 8 - Philippe, le départ du Marais, un signal pour les bobos  ?
Au moment de l’entretien, Philippe a 50 ans. Né à New York en 1955, il est fils d'un haut-fonctionnaire de la diplomatie sorti de Sciences Po et d'une mère également fonctionnaire, au ministère des finances, puis à l'OCDE. Après une scolarité brillante (bachelier à 16 ans, HEC), il devient rapidement conseiller stratégique et financier dans la banque. Il emménage en 1983 dans le Marais, rue des Francs-Bourgeois, dans un appartement qu'il loue après avoir loué plusieurs appartements dans Paris. Il reste dans cet appartement jusqu'en 1992 où il déménage dans le 10ème arrondissement. Puis, en 1999, il achète un grand volume dans un ancien bâtiment industriel situé dans le 20ème arrondissement, cours de la Métairie et consacre 2 ans à aménager ce loft immense où il habite à présent. Gaytrifieur de haut-rang, Philippe dispose de ressources économiques importantes et d'un important capital culturel qui s'objectivent à la fois matériellement (appartement, livres, oeuvres d'art contemporain, etc.) et dans sa manière de parler. Après une vingtaine d'années passée comme salarié dans la banque, il se lance en free lance comme conseiller stratégique indépendant dans la finance. Ce changement professionnel a des conséquences importantes: beaucoup plus de temps libre, sorties et pratiques culturelles, voyages, distance vis à vis du travail. Il a un compagnon depuis 22 ans mais chacun a toujours habité dans son propre appartement. Le magnifique loft prend place dans un secteur en pleine gentrification depuis une dizaine d’années dans le 20ème arrondissement que Philippe désigne au cours de l’entretien comme un « ancien village de titis parisiens ». Le récit de l’installation dans l’appartement illustre la participation de Philippe à une gentrification résidentielle locale accentuée encore par ses besoin typiquement gays en termes de logements, participation qu’il présente lui-même comme le fait d’être « suivi » par les « bobos » dans ces choix résidentiels du Marais au 20ème arrondissement en passant par la rue du Faubourg Saint-Denis dans le 10ème arrondissement :
« En 92, je quitte le Marais, et je vais dans un quartier qui est en train de devenir bobo…et en 99, je quitte le 10ème…le 10ème devient d’ailleurs aussi bobo à l’époque ! (rires) ils me suivent on dirait ! »
« J’voulais un espace ouvert, j’ai commencé à chercher des petites maisons des lofts, les maisons c’était pas du tout pratique parce que les maisons sont faites pour les familles, c’est pas du tout pratique pour un célibataire c’est-à-dire que y a plein de chambres, y a plein de pièces, t’as trois chambres, deux salles de bain, j’avais regardé les maisons dans l’quartier d’la Mouzaïa ou dans la Campagne à Paris, des choses comme ça, là où y avait encore des quartiers entiers de petites maisons. […] J’ai visité pas mal de lofts, mais qui avaient déjà été aménagés avant, c’était souvent des familles donc c’était pareil, y avait plusieurs chambres, des salles de bain, des trucs dont j’avais pas du tout besoin et par hasard, je suis tombé sur cet immeuble là, au moment où le marchand de biens venait de l’acheter, mais avant la transformation et là bon… j’ai visité, ça m’a beaucoup plus, l’immeuble était magnifique, avec ce côté usine, ce passé de béton et de ferraille aussi, puis dans les étages élevés t’as une vue sur Paris qui est quand même très chouette, bon, au dernier étage t’avais la jouissance de la partie du toit qui correspond à la terrasse, j’ai fait visiter le bâtiment à un copain architecte, qui a un peu regardé les travaux que voulait faire le marchand d’biens, il m’a dit que c’était une bonne occasion, et donc j’ai signé en Septembre 99, là j’ai travaillé avec un architecte, j’ai pris mon temps, de faire les plans, de changer des choses, là ça a pris pas mal de temps, j’ai emménagé en …en 2001 oui, donc là ça a pris presque deux ans entre l’identification du bien on va dire et puis le déménagement».

Le cas de Philippe traduit bien un déplacement vers un quartier du Nord-Est parisien, déplacement observé au niveau macroscopique presque au même moment. Il permet surtout de montrer que les gays ne sont pas simplement des suiveurs : ils participent plus ou moins activement selon les cas aux transformations des espaces investis. Chez Philippe, cette participation passe par la transformation du bâti et son détournement au profit d’usages résidentiels nouveaux, liés à une position sociale proche de nombreux autres types de gentrifieurs aux parcours et aux représentations spatiales relativement proches (Collet, 2008). Mais l’homosexualité de Philippe introduit aussi certaines spécificités. Par exemple, les besoins en termes de logement et la reconfiguration d’un plateau industriel en loft doté d’une seule chambre renvoie au célibat et à l’absence d’enfants, mais surtout à l’absence de projets de parentalité et de projets familiaux déterminant un type de logement où plusieurs chambres et une configuration en pièces séparées seraient nécessaires. Or, cette absence de projets familiaux est liée au fait d’être homosexuel puisqu’elle est statistiquement plus probable pour les homosexuels que pour les autres. Bien souvent, le départ du quartier central est lié à un besoin d’espace supplémentaire et à l’impossibilité financière de le trouver dans un quartier où la gentrification a déjà répercuté ses effets immobiliers. Il s’agit alors de trouver un logement acceptable, dans un quartier moins cher, mais dont les caractéristiques doivent répondre à deux impératifs : le quartier doit être situé à distance raisonnable du centre et doit posséder une animation, un attrait d’authenticité et un environnement socioculturel avec lequel l’homosexualité peut cohabiter. D’autres quartiers « résidentiels », « bourgeois » ou « touristiques » semblent inenvisageables lorsque l’on quitte, de grès ou de force, les espaces centraux les plus convoités. Le rôle des gays dans la gentrification a bien des ramifications résidentielles non négligeables et apparaît ici sous deux formes au moins. D’une part, les environnements gentrifiés ou en cours de gentrification attirent les gays. D’autre part, les gays y semblent impliqués aussi comme acteurs spécifiques et parties prenantes de mutations typiques de la gentrification. Pionniers pour certains, suiveurs pour d’autres, les gays accompagneraient ici le processus de gentrification, comme dans d’autres métropoles européennes ou nord-américaines (Knopp, Lauria, 1985 ; Bouthillette, 1994). On retrouverait ici les traces d’une forme spécifique de la gentrification urbaine, celle de la « gaytrification », dont les rouages résidentiels accompagneraient les aspects commerciaux et symboliques. Deux remarques éclairent cette conclusion en remettant ces résultats dans leur contexte.

Il faut d’abord nuancer ce résultat en rappelant que la gentrification n’est pas la seule logique structurant les pratiques résidentielles des gays, à Paris, comme ailleurs. Nos données montrent que la gaytrification n’est qu’une forme, certes bien marquée, mais non exclusive des manières gays d’habiter un espace urbain. Les espaces les plus attractifs ne sont pas des quartiers gentrifiés ou ayant connu une gentrification. Le 1er et le 2ème arrondissements de Paris restent des quartiers centraux au profil sociologique supérieur sans que des processus de gentrification ne viennent modifier cette configuration de long terme. Leur localisation centrale et leur profil culturel très favorisé constituent des éléments plus structurants encore que l’existence de processus de gentrification. Par ailleurs, tous les gays ne sont pas impliqués dans la gentrification : le tableau 9 rappelle que plus de 38% de l’échantillon n’habitent ni dans le Nord-Est parisien, ni dans le Marais.

Tableau 22 : Répartition de l’échantillon par grands secteurs 2007.
Grands secteurs Arrondissements concernés Lien à la gentrification Part de l’échantillon
Nord-Est parisien 10, 11, 12, 18, 19, 20 Gentrification en cours ou récente 54,6%
Marais 3,4 Gentrification ancienne 7,2%
Autres quartiers 1,2,5,6,7,8,9,13,14,15,16,17 Pas de gentrification observable 38,1%

Si plus de 54% des gays de l’échantillon habite les arrondissements du Nord-Est, ce résultat doit être lu prudemment. D’abord, l’échelle de l’arrondissement est limitée et amène à une conception relativement floue de la gentrification au regard de l’hétérogénéité réelle des espaces à l’intérieur même d’un arrondissement. Parmi ces 54,6%, tout ne relève pas absolument et indiscutablement de gentrification. Ensuite, la source mobilisée accentue la représentation de populations gays qui, par construction, sont davantage concernés par la gentrification que d’autres catégories, faiblement présentes dans l’échantillon. Notre travail laisse de côté, de ce point de vue, des franges de la population homosexuelle parisienne : les non abonnés à Têtu, mais plus largement, des catégories de population moins enclines à participer aux processus de transformations de l’espace urbain parce que moins dotées en ressources sociales, économiques et culturelles et/ou chez qui le fait d’être gay est moins souvent associé à la création de modes de vie spécifiques (Foucault, 1984). Ces éléments renvoient à la question de savoir ce que représente notre échantillon et nos résultats vis à vis de l’ensemble d’une population homosexuelle parisienne inaccessible empiriquement. Sans rediscuter de cette impossibilité empirique, rappelons simplement qu’elle ne doit pas être occultée et qu’elle invite à la prudence devant des résultats dont on pourrait facilement se satisfaire puisqu’ils viennent largement valider nos hypothèses.

La seconde remarque concerne les incertitudes pesant encore sur la signification sociologique de ces pratiques pour les individus eux-mêmes. L’évocation du parcours de Philippe a permis de relier des résultats statistiques à un parcours individuel et d’interpréter plus précisément des données quantitatives au regard des trajectoires et des discours des enquêtés sur ces trajectoires. Les motifs et les raisons de tels choix résidentiels apparaissent indispensables à l’interprétation sociologique de déplacements géographiques dont le sens n’a rien d’évident. De même, le profil sociologique, le parcours social et le mode de vie de cet enquêté interviennent également dans l’analyse des résultats. L’étude des dimensions résidentielles de la gaytrification amène alors à un changement d’échelle d’analyse dans la mesure où le sens que les individus donnent à leurs comportements, leurs pratiques et leurs choix apparaît comme un élément structurant de ces comportements et comme une information qui permet d’améliorer la connaissance d’un processus inscrit dans le temps et l’espace d’un quartier mais également soumis à des pratiques et des modes de vie individuels.

Au terme de cette section, l’analyse des localisations résidentielles des gays dans Paris laisse donc apparaître en filigrane un rapport au processus de gentrification. Ce rapport prend des formes variées (accompagnement, participation active, suivisme) et joue un rôle non exclusif mais néanmoins clairement visible dans les logiques d’inscription résidentielle des populations homosexuelles dans Paris. En particulier, le quartier du Marais apparaît bien comme l’un des espaces privilégiés de la rencontre entre investissement résidentiel d’un quartier par les gays et gentrification de ce dernier au milieu des années 1990. Si cette rencontre a bien eu lieu, elle semble depuis s’être déplacée vers le Nord-Est parisien, nouvel espace de déploiement de la gentrification parisienne et nouvel espace visiblement plus attractif que par le passé pour les gays. Il reste cependant difficile d’approfondir l’analyse du rôle concret et de la participation quotidienne des gays à la gentrification sans faire appel à une description et une analyse plus fines de leurs trajectoires socioprofessionnelles, biographiques et résidentielles. Les rapports individuels aux espaces vécus et pratiqués, les univers sociaux traversés et les parcours biographiques de ces individus apparaissent alors comme des éléments empiriques à investir et mettre en relation avec cette première série de résultats. Si ce changement de regard sur la gaytrification naît ici dans le domaine résidentiel, il déborde en réalité très vite sur les autres aspects du processus évoqués dans cette seconde partie. Loin de s’en tenir à des analyses d’un processus relevant uniquement de structures sociales dépassant les individus et leurs capacités d’agir, il nous faut à présent nous rapprocher d’une certaine manière des individus eux-mêmes afin de saisir comment concrètement ces gays ont partie liée avec les processus de gentrification. C’est dans cet esprit que les résultats de ce chapitre ouvrent notamment la voie à une sociologie des gaytrifieurs occupant la troisième partie de la thèse.