2. Variations individuelles et pluralité des expériences de socialisation.

Si les expériences de socialisation par les lieux gays varient beaucoup selon les contextes, leurs effets sont également inégaux. Ces inégalités doivent être resituées à deux niveaux d’analyse, souvent présentés comme contradictoires, mais que nous envisageons ici comme complémentaires. Le premier niveau concerne l’effet de socialisations essentiellement antérieures. En fonction de ce que les individus ont vécu, appris et incorporé dans le passé, ils sont plus ou moins susceptibles, dans la confrontation aux lieux et aux quartiers gays, d’incorporer un programme de socialisation. Cette hypothèse d’inspiration relativement bourdieusienne fait la part belle aux enchaînements harmonieux et continus des expériences de socialisation et à l’hypothèse de transferabilité dans un contexte nouveau de dispositions acquises dans le passé et ailleurs. Elle s’avère convaincante dans certains cas sur lesquels nous reviendrons. Le second niveau d’analyse concerne la discontinuité dans les expériences de socialisations successives et surtout simultanées : inspiré des travaux de Bernard Lahire, il s’intéresse surtout à des situations et des parcours où les expériences de socialisation sont moins univoques et où un même individu peut traverser des univers sociaux fortement différenciés (Lahire, 2006 [1998]) Ces deux niveaux de lecture permettent de penser le quartier gay comme expérience socialisatrice aux effets très diversifiés selon les parcours individuels. Les cas mobilisés dans cette section tentent à la fois d’illustrer finement ce résultat et d’en dégager certaines tendances plus générales.