II. 1. 5. A propos du mouvement.

La dialectique « mouvement-espace » est inhérente au sujet de notre recherche qui investit non seulement l’identification des espaces de significations mais surtout les passages d’un espace à un autre. Nous avons pu alors identifier quatre mouvements dans cette étude : le mouvement de la narrativité, le mouvement de traduction, le mouvement du chercheur et le mouvement dans la narration. Parallèlement, considérer le mouvement oblige à considérer ses ruptures : c’est dans la rupture que le mouvement retrouve son dynamisme. Reprenons désormais chacun de ces mouvements en lien avec ses ruptures.

Le premier mouvement est celui de la narrativité, il est au cœur de la structure du récit, saisissable à partir du parcours génératif, défini par Greimas, comme la dynamique productrice et organisatrice des discours. Dans la logique de la sémiotique greimassienne, ce mouvement part du niveau le plus abstrait vers le niveau le plus concret. Ce niveau de surface est le niveau discursif où les actants sont incarnés (actorialisation), où un effet de sens dans le récit émerge (temporalisation) et où les programmes narratifs et leurs enchainements sont inscrit dans une organisation spatiale (spatialisation). Les coupures dans le mouvement de la narrativité sont investies par les niveaux de mise en discours : c’est dans le chapitre IV de cet écrit que le mouvement de la narrativité trouvera son intérêt pour notre objet d’étude avec la construction d’un répertoire. En effet, ce répertoire se construit dans l’observation de chacun des termes de notre corpus autant au niveau sémio-narratif que discursif, identifiant la structure sous-jacente à la mise en discours de ces termes dans des phrases et des récits.

Le second mouvement est le mouvement de traduction, tel qu’il a été conceptualisé par Callon et Latour : il englobe les opérations et les interactions par lesquels les acteurs définissent, déplacent et détournent les paroles et les identités des autres acteurs. Chaque récit est le fruit d’une traduction. Ainsi, dans notre recherche, le mouvement de la traduction n’est envisagé qu’au travers de ces ruptures et donc de ses résultats. C’est dans la comparaison des récits comme autant de ruptures dans le temps et dans l’espace qu’il va nous être possible d’appréhender le dynamisme de la traduction.

Le troisième mouvement est celui du chercheur : celui-ci est multiple et intervient sur tous les autres mouvements par la définition de ce qui est observé, du début et de la fin de l’observation, du choix des traducteurs ou des objets traduits. Parallèlement le mouvement du chercheur se tient dans la variation des échelles d’observations, à partir de laquelle le mouvement de la traduction peut être envisagé. En dirigeant notre regard non plus sur un récit comme un continu mais sur un ensemble de récits, chaque récit devient le résultat d’une traduction nous permettant de retrouver le dynamisme d’un mouvement dont on ne peut observer que les résultats. Nos changements de focales croisent différents ensembles et orientent nos analyses vers plusieurs angles de notre corpus (les espaces de significations, les candidats, les types de récits, les porte-parole, les thématiques, etc.)

Le quatrième mouvement est le mouvement de narration. C’est à partir de la théorie de l’homme nomade que nous considérons les êtres comme le produit à la fois des espaces qu’ils façonnent et de leurs mouvements. Au prisme des êtres de papiers sur lesquels se focalise notre recherche, cette approche envisage les récits, au niveau discursif, dans une convergence entre identité, déplacement et espace. Nous identifions deux mouvements qui contiennent cette convergence : la transposition et la transformation. Le chapitre III réfléchira ce mouvement à partir de la notion d’identité médiatique tandis que le chapitre VI appliquera cette approche comme une méthode d’analyse pour découvrir notre corpus et l’identité médiatique de chacun des douze candidats à l’élection présidentielle de 2007, dans la presse people.

Prendre le parti du mouvement plutôt que des espaces ne peut faire, pour autant, l’économie d’examiner les espaces. A l’image du nomadisme, cette posture invite à considérer des espaces qui seraient le produit du mouvement, lui-même produit par les espaces, évitant alors le piège de l’impossible localisation d’un objet en train de se faire pour revenir à un processus produisant ses propres espaces pour s’y installer. Ainsi, prendre le parti du mouvement ‘ plutôt ’que des espaces, c’est prendre le parti du mouvement ‘ plus tôt ’ que des espaces…