Dans les dernières lignes qui précédent, nous indiquons que notre posture ne se défait pas des espaces pris et produits dans le mouvement : celui-ci ne peut se concevoir sans l’espace. Il est temps désormais de réfléchir à l’espace sans perdre de vue l’intérêt pour un espace dynamique défini et produit par les mouvements qui se produisent en son sein. Dans cette logique, nous retenons la définition de l’espace que Michel de Certeau formule pour considérer, précisément, l’espace dans sa tension avec le mouvement208.
‘« L’espace est un croisement de mobiles. Il est en quelque sorte animé par l’ensemble des mouvements qui s’y déploient.209 » ’Les espaces du privé et du public sont des éléments importants dans la définition du phénomène de peopolisation. Pourtant, ils ne suffisent pas pour saisir cette controverse, dont la définition et la consistance sont encore largement soumises aux fluctuations et aux critiques. Se contenter d’observer les espaces impliquerait que nous avons affaire un objet clos, défini, stable, constituant lui-même un objet de signification. Ainsi pouvons-nous dire que le phénomène de peopolisation est un mouvement détecté comme allant-de-soi ou non, qui s’analyse en termes de déplacement entre des espaces, en termes de jeu sur les frontières. Le mouvement, saisi dans son rapport intrinsèque avec les espaces qu’il met en tension, est de quatre ordres : le mouvement de la narrativité, le mouvement de la traduction, le mouvement du chercheur qui varie les échelles d’observation et le mouvement dans la narration. Or, nous retrouvons un découpage des espaces du même ordre, les espaces que nous saisissons n’étant pas des espaces géographiques ou réels mais des espaces socialement construits.
Avant de retrouver cette catégorisation et son rapport avec notre dédoublement de l’énonciateur comme narrateur et acteur, il est essentiel de considérer l’irréductibilité du phénomène qui tient dans l’hétérogénéité des êtres qui le construisent et dans la difficulté de qualifier leur cohabitation : une hétérogénéité identifiable à partir de la dialectique privé/public dont le dépassement est précisément l’espace d’émergence de la peopolisation. Ainsi, nous partons de la définition des espaces public et privé pour suivre leur transformation en espaces de signification opérants pour cette recherche.
Nous reviendrons, dans les prochaines pages, sur cette définition et ses implications.
DE CERTEAU, 1990, op. cit. p.173.