II.2.2.3. Les espaces de cette étude.

Le nomade mis en scène par Thévenot n’est donc plus un acteur du monde social mais un être de papier, qu’il soit actant de narration ou actant de communication. Ces nomades de papier produisent, traduisent et consomment différents espaces : des espaces énonciatifs ou énoncifs au niveau discursif et des espaces cognitifs au niveau sémio-narratif. Ces espaces, idéels ou naturels, sont avant tout des mises en scène de la part de l’énonciateur des récits qui, en les installant et les signifiant, performe la peopolisation et doit être considéré au prisme de son action. L’espace comme lieu pratiqué est donc indissociable du mouvement qu’il déploie et qui le signifie et le produit : nous retrouvons ici les différents mouvements explorés au début de ce chapitre – mouvement dans la narration, mouvement de la narrativité et mouvement de la traduction. La dichotomie « paradigme et syntagme » renforce, par ailleurs, notre considération des espaces et des mouvements dans notre étude. L’axe syntagmatique est avant tout le champ des mouvements dans la narration – transformation et transposition – mais aussi de toutes les associations opérées par les narrateurs des récits. L’axe paradigmatique est, quant à lui, l’expression du mouvement ‘ in absentia ’, l’expression d’un mouvement implicite et antérieur de signification qui révèle un univers, dont la finitude se comprend dans son rapport avec la quiddité du phénomène étudié, de traits distinctifs potentiels que l’énonciateur choisit ou pas de mobiliser.

Partant, les mondes civique, domestique et de l’opinion figurent comme des espaces d’interprétations des mouvements et des espaces. Ces trois mondes nous permettent d’identifier les associations et les transformations-transpositions constitutives de la peopolisation, opérées par le narrateur, et finalement, la manière dont celui-ci donne une forme d’existence particulière à la peopolisation. Du quatrième au septième chapitre, ces mondes seront investis comme des catégories signifiantes, des isotopies sémantiques, pour saisir comment chacun de ces trois mondes est identifiable dans notre corpus médiatique et, plus loin, comment leur mélange est constitutif du phénomène de peopolisation et construit l’identité médiatique des candidats à l’élection présidentielle de 2007. La conclusion déplacera nos intérêts pour ces espaces, d’espaces de signification des êtres et actions de papier à des espaces de signification pour l’action de construction et de définition du phénomène de peopolisation. Nous verrons alors comment la mobilisation de ces espaces de signification permet de saisir les différentes pratiques de la peopolisation et lui donne une forme particulière.