II. 3. Le chercheur comme porte-parole

Plus qu’une récapitulation des éléments de ce chapitre, le présent propos est, lui-même, le fruit d’un mouvement qui nous permet de concevoir les espaces : le mouvement de la recherche pour saisir les espaces de celle-ci. Le dédoublement du narrateur comme énonciateur et acteur nous a permis de concevoir les mouvements et les espaces dans notre recherche. Pourtant, la logique interdisciplinaire est le fondement de notre posture de chercheur et tient parallèlement cette dialectique d’un point de vue épistémologique. Le chercheur est le porte-parole de sa recherche en tant qu’il supporte la parole de tout ceux qu’il représente en un seul corps et en tant qu’il porte la parole, qu’il l’a déplace vers des lieux vers lesquels elle n’aurait su aller sans cet intermédiaire. En tant que narratrice de ‘ ma ’ propre recherche, ‘ je ’ débraye l’instance d’énonciation dans un « nous », une première personne du pluriel qui se justifie parce qu’elle condense non seulement la parole des auteurs que ‘ je ’ mobilise, mais aussi celle des narrateurs des récits que ‘ j ’’étudie, celle des êtres de papier qui peuplent ‘ mon ’ corpus et enfin, celle de toutes les personnes qui directement ou non, influent sur cette recherche. Parallèlement, ces paroles que ‘ je ’ condense en un « nous » dans le corps propre de cette recherche sont déplacées vers des lieux qu’elles n’auraient peut-être pas connus. Ces espaces sont divers. Ils sont disciplinaires ; les paroles traversent ou s’installent dans les espaces des sciences du langage, de la sociologie et bien sûr des sciences de l’information et de la communication. Ils sont formels et menés dans des lieux épistémologiques, théoriques, méthodologiques et empiriques. Ils sont socialement ancrés dans une société donnée, un temps historique, une inscription universitaire (discipline et laboratoire), une formation scolaire et enfin, dans une actualité politique, médiatique et people… On comprend parallèlement que ces paroles que ‘ je ’ condense en un seul corps s’appréhendent sur l’axe paradigmatique car elles sont le fruit d’un choix au sein de l’univers des possibles. Mais, plus loin, elles sont aussi saisissables sur l’axe syntagmatique par les déplacements qu’elles subissent, par les associations, comme des mises en co-présence, et par les transformations et transpositions qu’elles éprouvent au fil de ‘ mes ’ traductions, négociations et interprétations.

En conclusion de ce chapitre, il ‘ nous ’ semble important de souligner que notre approche pour saisir le phénomène de la peopolisation pourrait tout autant servir à appréhender comment ‘ nous ’ avons résolu l’incertitude quant à notre sujet de recherche en traduisant, en empruntant, en déplaçant les paroles, comment ‘ nous ’ avons fait agir les auteurs scientifiques, les narrateurs, les êtres de papier de notre corpus… En tant qu’énonciateurs de cette recherche, ‘ nous ’sommes aussi des acteurs parce que finalement cet écrit est avant tout un récit. Le chercheur est un acteur comme les autres ; il donne une existence et une consistance particulière au phénomène qu’il interroge.