V.2.2.1. Le soutien des peoples.

Quand la presse people met en scène la campagne présidentielle de 2007 ou ses candidats, elle n’oublie pas pour autant ses personnages typiques : les peoples. La campagne devient alors le lieu pour envisager le soutien des peoples pour un candidat ou un parti. Les peoples servent non seulement à légitimer la présence des candidats dans ce type de presse mais aussi à construire une certaine identité de ces personnages politiques par leur intermédiaire, au travers de leur être ou de leur dire. Le soutien des peoples donne à la presse people la possibilité de souligner la renommée des candidats à l’élection présidentielle : ils sont objet de légitimation de la mise en scène des politiques. Le personnage people devient la caution de la grandeur de l’homme politique. Six récits de notre corpus comptabilisent ou identifient les soutiens issus du monde de l’opinion.

VSD ’ 1541 « Les stars et la politique, la guerre des étoiles »
Voici ’ 1009 « Le grand n’importe quoi ! »
Ici-Paris ’ 3221 « Pour qui votent les peoples ? »
Voici ’ 1014 « Votez People ! »
Public ’ 196 « Pour qui votent les pipoles ? »
Paris-Match 3016 : « Présidentielle : les peoples dans la campagne »

Le parcours thématique du soutien est développé, dans ces énoncés, à partir de termes comme « ‘ favori ’ », « ‘ admirateur ’ », « ‘ partisan  ’», « ‘ appui ’ », « ‘ supporter ’ », « ‘ soutien ’ » et « ‘ soutenir ’ », « ‘ compter  sur ’», « ‘ fidèle ’ », « ‘ préférence ’ ». Le soutien correspond à un objet du monde de l’opinion, il tient en son creux la grandeur des candidats à la fois dans le monde civique et le monde de l’opinion. La popularité d’un homme politique est un compromis entre monde de l’opinion, monde civique et monde domestique : elle est révélatrice de la renommée, de l’aptitude à être élu et de l’appréciation de ces hommes politiques. Ici, elle est déplacée du monde de l’opinion (ou domestique644) vers le monde civique.

‘« Si elle a aucune star derrière elle, elle demeure d’une fidélité à toute épreuve aux idées qu’elle a toujours défendue »
« Le candidat du Front National n’a peut-être pas de people à ses côtés, mais la précédente élection nous a appris que ce n’était pas pour autant un candidat à prendre à la légère »
« Et même si certains candidats n’ont pas de people pour les soutenir, rien ne vous interdit de voter pour eux »645

Ainsi, ne pas être soutenu par des peoples justifie la petitesse des candidats et donc la petitesse de leur candidature. Bien que ces énoncés négatifs installent un ‘ pouvoir-faire ’ malgré un non-soutien, la sanction du narrateur se construit sur la compétence à avoir un entourage people comme compétence à ‘ pouvoir-être ’ élu. Ces récits investissent deux postures : la construction d’une hiérarchisation des candidats selon leur popularité people et, par ailleurs, l’installation d’une compétence de pouvoir-faire autant dans le monde de l’opinion que dans le monde civique. La hiérarchisation est amplifiée par la mise en scène des candidats au niveau de la structure de la page : Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal et François Bayrou ont une place importante et centrale dans ‘ Ici-Paris ’. ‘ Public ’ leur dédie chacun une page, accordant un encart pour les autres : « ‘ Et aussi ’ » ; cet encart est intitulé « ‘ Les autres candidats ne ’ ‘ manquent pas de soutien  ’» dans ‘ Voici ’ 1014, tandis que le numéro 1009 du même titre et Paris-Match ne s’intéressent qu’aux trois grands candidats, ‘ VSD ’ uniquement à Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal.

La mise en scène des soutiens people offre, en outre, un contrat de lecture fondé sur le faire-savoir.

‘« La présidentielle, c’est dimanche… Vous ne savez toujours pas à qui donner votre voix ? Pas de Panique : pour faire votre choix, il vous suffit de suivre le programme des stars ! »646

Le personnage people devient la caution d’un vote, permettant à la fois de présenter les candidats au travers des peoples qui les soutiennent et de déplacer, pour les lecteurs, le non-savoir du monde civique vers un savoir du monde de l’opinion. Si le lecteur connaît mal les candidats, il connaît bien les personnages people et peut alors juger les premiers au travers des seconds. Les peoples deviennent, par là même, les experts sanctionnant les hommes politiques. Le contrat de lecture développe une logique d’identification par intermédiaire. Nous retrouvons le soutien à partir de la figure du compromis, tel que formulé dans notre répertoire : 3-2.

L’identification se déplace du monde de l’opinion avec l’assimilation d’un attribut du people qui sera rapporté à soi vers le monde civique projetant le vote du people au sien. Cependant, ‘ VSD ’adopte une posture particulière en interrogeant le ‘ pouvoir-faire-savoir ’ des peoples.

‘« A en croire les sondeurs, le soutien actif de personnalité du showbiz aux hommes politiques ne leur ferait pas gagner de voix. »’

Dans Paris-Match et VSD, à la différence des autres énoncés, ce ne sont pas les peoples qui sont sujet de faire, mais ce sont les politiques : le soutien de peoples est signifié comme une stratégie dans le monde de l’opinion pour le monde civique et permet au narrateur de dénoncer une telle pratique. ‘ VSD ’ rend compte d’un sondage qui inverse la logique d’identification pour appréhender l’influence de l’image d’un homme politique sur l’image d’un people qui le soutient. Tandis que si le titre de Paris-Match installe les peoples comme sujets de faire et de dire : « stars et personnalités ont laissé deviner leurs sympathies en participants à des meetings ou par des déclarations publiques », son récit se construit sur un mouvement qui va du paraître à l’être, dénonçant et sanctionnant négativement les acteurs politiques qui se défendent de « vouloir épingler les artistes comme des papillons à un tableau de chasse ». Il y a donc dénonciation du monde de l’opinion par le monde civique (2/3) alors que, dans les autres titres, nous sommes face à une figure du compromis entre ces deux mondes permettant la reconnaissance par procuration.

Le monde domestique est très peu présent dans ces articles et apparaît sous deux logiques. La première concerne Nicolas Sarkozy, son entourage people étant signifié comme amalgamé avec son entourage domestique, les peoples autour de Nicolas Sarkozy sont « ‘ ses copains de toujours  ’»647, des « ‘ amis people de longue date ’ », « ‘ dont il était le témoin de mariage en juillet dernier  ’»648. La seconde installe le monde domestique, dans ces énoncés, comme ce qui comble le manque de soutien people.

‘« Cousin proche de Marie-George Buffet, il représente le parti des travailleurs. Si aucun people n’a déclaré le soutenir, il a l’appui de sa commune qui lui a décerné la médaille d’argent du courage »
« Il n’a pas de célébrité à ses cotés. Mais à 39 ans, ce juriste (…) peut assurément compter sur l’appui de sa femme et de ses deux fils. »649

Le monde domestique devient, en revanche, l’objet des récits consacrés à l’entourage familial et amical.

Notes
644.

Dans le cas de Nicolas Sarkozy.

645.

Ici-Paris 3221 (x2), Voici 1014.

646.

Voici 1014.

647.

VSD ’ 1541

648.

Public ’ 196

649.

Ici-Paris ’ 3221.