V.3.1.1. Point de Vue et France-Dimanche : les silencieux.

Point de Vue ’ et ‘ France-Dimanche ’ se distinguent par leur silence sur la campagne présidentielle et autour des candidats. Seul le nom de Ségolène Royal apparaît dans ‘ Point de Vue ’ entre le 17 novembre 2006 et le 14 mai 2007. Il est énoncé dans le cadre d’un article collectif sur les princes consorts667. Cet énoncé relève d’une fiction mettant en scène la rencontre de François Hollande, Bill Clinton et le Prince Philip, trois hommes renvoyés au statut de « ‘ premier-homme ’ ». Le narrateur de l’hebdomadaire est celui de la titraille tandis que celui du récit est un expert, un journaliste-politique invité.

‘« Ségolène Royal et Hilary Clinton élue, François Hollande et Bill Clinton deviennent premier homme, comme le prince d’Edimbourg depuis soixante ans. Tandis que leurs femmes débattent de l’avenir de la planète, que complotent les princes consorts. » 668

Le titre renvoie Ségolène Royal à un état supérieur par rapport à François Hollande. Si nous ne pouvions ignorer cet énoncé, sa particularité fictionnelle et son unicité empêchent toute conclusion sur le traitement de la campagne par ‘ Point de Vue ’, en dehors du constat du silence. Rappelons que cet hebdomadaire est celui des têtes couronnés et du ghotta ; les candidats à l’élection présidentielle n’accèdent pas à un statut qui leur permet d’être mobilisés dans ce titre.

France-Dimanche ’, de son côté, s’intéresse aux personnages de Nicolas et Ségolène dans la rubrique « ‘ Français, vous êtes formidable !  ’» dédiée à des personnes ordinaires et anonymes669. Le rubriquage de cette mise en scène est évident quand on identifie les « Nicolas et Ségolène » mis en scène : ils sont des boulangers en Meurthe-et-Moselle. L’article, intitulé « ‘ Nicolas et Ségolène : la politique, c’est pas leur gagne-pain  ’», s’organise dans la mise en parallèle de deux parcours narratifs, celui du couple de boulangers et celui des deux candidats à l’élection présidentielle.

‘« Ils ne se sont pas connus sur les bancs de l’ENA mais, à la maternelle »
« Depuis quelques temps, on ne parle que de Ségolène et Nicolas … A la télévision et dans les journaux, ils sont partout… Mais alors qu’on les croyait ennemis, on découvre que ces deux là s’aiment à la folie depuis maintenant huit ans ! »’

Dans la première partie du récit, l’homonymie permet le parallélisme entre deux parcours narratifs, celui des boulangers et celui des candidats. Mais la seconde partie confronte ces deux parcours narratifs en créant un point de contact élaboré autour de la compétence à faire de la politique : ici réside la performance principale du récit. Mais ce point de contact incarne précisément un point de divergence sanctionnant l’impossible réunion des deux parcours narratifs parallèles. Les boulangers sont, à la fois, sujet de faire et d’état pour leur disjonction avec la politique et incarnent, par là même, les destinateurs-judicateurs quant au parcours parallèle de leurs homonymes.

‘« On ne veut pas prendre parti, ni pour la gauche, ni pour la droite, dit Ségolène, 23 ans. De toute façon, la politique ne nous intéresse pas. »
« Nicolas et Ségolène se sentent si peu concernés par ces élections qu’ils ne sont même pas inscrit sur les listes électorales »
« Cerise sur le gâteau, ils ne sont même pas inscrits sur les listes électorales »
« « Le dimanche, nous sommes obligés de travailler, donc ça aurait été compliqué pour nous de voter » se défend Ségolène »
« Et pendant que les deux candidats se disputent le siège de président de la République, leurs homonymes, eux, s’occupent paisiblement de leur affaire »
« Moi, le jour des résultats, je serai au lit à 20 heures, conclut Nicolas, les gens me dirons bien le lendemain qui est le nouveau président »’

La performance principale du récit débraye, ainsi, les deux boulangers dans un ‘ vouloir-ne-pas-faire ’. Le désintérêt et le non-engagement politique sert donc le seul récit mettant en scène les deux candidats à l’élection présidentielle dans ‘ France-Dimanche ’. La sanction positive du narrateur quant à ce désintérêt : « ‘ C’est vrai qu’on ne peut pas être au four et au moulin ’ » sert-elle de justification pour le silence quant à la campagne présidentielle de l’hebdomadaire ?

Les postures de ‘ France-Dimanche ’ et de ‘ Point de Vue ’ ignorent les candidats à l’élection présidentielle ; elles les narrent une seule fois pour chaque hebdomadaire au détour de leurs personnages typiques, les comparant à une reine ou à des boulangers, comme si le statut et l’activité de ces hommes politiques ne justifiaient pas leur mise en scène dans ces titres.

Notes
667.

Point de Vue ’3059.

668.

Point de Vue ’3059.

669.

France-Dimanche ’ 3160.