V.3.4.2. VSD ou la figure du combat.

Un parcours figuratif révèle la cohérence de la couverture de la campagne dans VSD : celui du sport et de la guerre. Les figures du sport et de la guerre sont fortement liées à l’acquisition des vertus viriles. La première met au premier plan l’endurance et la puissance tandis que la seconde dévoile la résistance et la combativité comme compétences nécessaires à la réussite de la campagne. Ces figures sont mobilisées doublement : le candidat comme la campagne incarnent respectivement le guerrier et la guerre, le sportif et l’épreuve sportive.

Notre intuition quant à une très forte exploitation de ces figures par VSD est confirmée par une analyse quantitative réalisée avec Lexico. Pour cela, nous dressons une liste des termes analogiques745 se rapportant à ces deux figures et organisons une répartition par titre. Nous affinons alors le résultat en différenciant, par le contexte d’émergence du terme, les mots ne relevant pas d’une utilisation métaphorique. Par exemple, nous excluons les occurrences : « Basile Boli est chargé de  rabattre des sportifs », « arrivé en France après la seconde guerre mondiale », « la passion des chevaux de course » ou « les souvenirs douloureux d’orphelin de guerre ». Quatre-vingt-seize occurrences sont alors repérées dans cet hebdomadaire contre seulement vingt-trois occurrences pour Paris-Match qui est le deuxième magazine a mobilisé le plus ces figures de la guerre et du sport746. Cette surreprésentation des figures sportives et guerrière dans la couverture de la campagne présidentielle par VSD interroge sa constitution et l’ancrage politique de l’hebdomadaire. En se servant de figures masculines, l’hebdomadaire pourrait empêcher une sanction positive pour Ségolène Royal et les autres candidates.

Un premier récit sur les « secrets de campagne » s’attarde sur le parcours thématique de la fatigue et de la résistance. Jean-Marie Le Pen est clairement installé dans une compétence négative de ne-pas-pouvoir-faire.

‘« Le corps est fatigué à presque 79 ans »747

Nicolas Sarkozy et François Bayou sont, au contraire doté de la compétence pour résister et disjoint ainsi de la fatigue de la campagne.

‘« Le rythme de la campagne ne laisse pas de trace sur cet amateur de course à pied. Il prévoit deux à trois meetings par semaine »
« Dans la dernière ligne droite, le candidat UDF ne change pas de méthode mais accélère le mouvement »
« Pour tenir durant cette campagne marathon, la candidat dit se shooter aux kiwis et à l’adrénaline » 748

Ségolène Royal, de son côté, est décrite comme une « candidate qui joue la sérénité » mais qui est conjointe parallèlement avec la fatigue, même si celle-ci est sanctionnée comme moins forte.

‘« On la sent plus libre et paradoxalement moins fatiguée » 749
[Figure 34 : Carré sémiotique de la résistance]
[Figure 34 : Carré sémiotique de la résistance]

La thématique de la résistance parcourt de nombreux récits dans cet hebdomadaire. Elle est de deux ordres : la résistance physique et la résistance morale. Nicolas Sarkozy est doté de la première.

‘« C’est comme un athlète ou un musicien qui s’est préparé durant des années, il est prêt. »
« Il entre dans le propos comme l’on boxe, uppercut, swing, esquive, jab. »
« Il est comme un coureur cycliste dans son couloir, concentré sur sa performance personnelle sans se soucier des adversaires »
« Un cycliste qui roulerait en tandem avec son épouse »
« Il est parti s’oxygéner en famille à la montagne, conscient que la course à la présidentielle se jouera au finish »
« Le rythme de la campagne ne laisse pour l’instant pas de traces sur cet amateur de course à pied » 750

De son côté, la compétence à résister de Ségolène Royal est morale.

‘« Entre sabre et goupillon, elle a usé de résistance silencieuse »
« Elle ne se plaignait jamais »
« Elle encaisse et se ressource dans les cordes « 
« La baisse dans les sondages et les attaques personnelles de la droite l’ont dopée »
« Ces coups, elle les a encaissés sans broncher, sans faiblir, sans flancher »
« Combien de coups a-t-elle reçus? Combien d’attaques a-t-elle subies? Il y a du saint Sébastien chez cette femme-là. »
« Il faut la voir debout, le dos bien droit, le regard fier, la fille du colonel, il faut la voir marcher, altière, imperturbable pour comprendre comment elle n’a rien lâché, jamais. » 751

Cette forme de résistance la place dans une position défensive contrairement à Nicolas Sarkozy et François Bayrou qui sont des attaquants – des sujets de faire – dans le parcours figuratif de la guerre ou du combat de la campagne présidentielle. Elle est cependant désignée comme sujet opérateur de la guerre dans deux récits. Le premier, intitulé « Royal rassure le PS », lui octroie un pouvoir-combattre en sanctionnant négativement l’évaluation d’assomption des « éléphants » quant à son incompétence de ne pas pouvoir-se battre : « Les éléphants s’étaient donc trompés »752. Mais l’évaluation de référence du narrateur lui octroyant ce pouvoir-faire la renvoie parallèlement à son être-femme.

‘« Pas de concours de beauté pour Ségolène Royal »
« Tailleur rouge, poings serrés »753

Ainsi, VSD installe sa combativité dans la figure d’une « mère courage, chef du troupeau » et celle d’une « lionne dangereuse quand on la blesse »754. Cette sanction est, par ailleurs, renforcée par l’identification de la cause de cette victoire dans le combat : le pacte présidentiel. Or ce pacte la renvoie, une fois encore, à sa féminité et maternité : « elle vient d’enfanter un pacte présidentiel à Villepinte » 755. Cette figure de la combattante est la même dans le second récit « Un couple dans la tempête » la plaçant dans une compétence du combat, mais ce, à propos de son compagnon :

‘« Malheur à qui touche au compagnon de Ségolène ! Arnaud Montebourg, porte - parole, en a fait les frais »
« Elle est indépendante de son compagnon, mais malheur à celui qui l’attaque »756

Dans cette logique, la figure du combat et de la guerre signifiant la campagne électorale est déplacée dans le monde civique ; la campagne est un « combat de tous les instants », une « guerre politique », une « bataille au corps à corps » 757, alors que la figure de la combattante de Ségolène Royal est déplacée vers le monde domestique. L’inadéquation entre les mondes corrobore la figure de la « madone » largement utilisée dans cet hebdomadaire758. Sans plus nous attarder sur l’identité médiatique de Ségolène Royal, nous retenons ces deux figures centrales – la guerre et le sport - comme la cohérence dans le mouvement des paroles que l’hebdomadaire porte et transporte entre des espaces hétérogènes. Ces deux figures constituent le lien entre les espaces domestique et civique, comme une clef pour comprendre les stratégies de bataille, définies dans une ambigüité entre le monde domestique et le monde civique.

Notes
745.

Nous sélectionnons les termes et leurs dérivés: combat, combattant, combativité, combattre, bataille, bataillon, battre, battant, sprint, course, marathon, marathonien, embuscade, guerre, guerrier, couteau, munition, griffe, arme, blitzkrieg, boxe, boxeur, encaisser, footing, athlète, cycliste, sport, sportif, finish, uppercut, swing, esquive, jab, attaque, résistance, coups, ennemi, affrontement mais aussi quelques métaphores animalières utilisées dans le cadre du parcours figuratif de la guerre, telles que celles liées aux termes: fauve et lion.

746.

Cf. Annexes. E. 3.

747.

VSD 1547

748.

VSD 1547

749.

VSD 1547

750.

VSD 1550 (x2), VSD 1533 (x3), VSD 1547

751.

VSD 1526 (x2), VSD 1538 (x2), VSD 1550 (x3)

752.

VSD 1538

753.

VSD 1538 (x2).

754.

VSD 1538 (x2).

755.

VSD 1538.

756.

VSD 1535.

757.

VSD 1550, VSD 1531, VSD 1538.

758.

Il est d’ailleurs le seul à l’utiliser dans le genre people.