V.3.4.3. « Ensemble, tout devient possible » : La question de l’entourage dans Paris-Match.

La question du soutien est commune aux trois mondes, elle relève de l’appréciation dans le monde domestique, elle est synonyme de connaissance et de reconnaissance, dans le monde de l’opinion, elle renvoie au collectif et la représentativité, dans le monde civique. Le soutien est inhérent à l’état de grandeur de ces trois mondes759. Paris-Match organise ces différents récits au travers de cet objet permettant le déplacement d’un monde à l’autre tout en maintenant l’identification du personnage, de la période et, ainsi, la cohérence des discours. L’entourage constitue, dans l’ensemble des récits issus de cet hebdomadaire, à la fois, un adjuvant et un destinateur pour la tenue de la campagne et la victoire, comme si « ensemble, tout devient possible »760. La question du soutien permet, par ailleurs, d’opérer une distinction entre les différents candidats.

Le soutien est un adjuvant à la campagne présidentielle qui témoigne d’une sanction positive d’usage quant au candidat. Il sert de preuve de ralliement et d’appréciation.

‘« Réunis autour d’un seul mot d’ordre pour « nous, c’est elle ». »’ ‘« Un amiral, des acteurs, des rock stars, des militants… Il faut de tout pour rassembler »
« Tous vibrent en écoutant Nicolas marteler : « Ensemble, c’est sans doute le mot le plus important de cette campagne ». »
« « Ensemble tout devient possible » dit Nicolas Sarkozy. Le message est passé. »
« A deux, tout est possible » 761

L’omniprésence de cette question repose, parallèlement, sur la présence hebdomadaire d’un sondage d’intentions de vote dans la rubrique « Match de la semaine ». Le soutien est exprimé, ici, par celui des électeurs.

‘« Sarkozy l’emporte face à Ségolène »
« Sarkozy bat toujours Ségolène »
« Sarkozy bat largement Ségolène Royal »
« Sarkozy toujours devant Royal » 762

Ainsi, chaque semaine Paris-Match publie un sondage permettant de construire la question du soutien au travers des intentions de vote, mais ce soutien est aussi celui de l’entourage familial et amical, des personnalités célèbres et des acteurs politiques dans les récits. A l’instar des résultats des sondages, Paris-Match construit, au fil de ses récits, une figure de Nicolas Sarkozy comme largement soutenu, un soutien beaucoup plus réduit et incertain pour Ségolène Royal. Distinguons maintenant les différents soutiens et les sanctions portées par le narrateur des récits à ces soutiens.

Dans le monde civique, deux types de soutiens semblent compter : le soutien du scrutin et le soutien du collectif. Si le premier est décliné au travers des sondages et installe de manière très explicite Nicolas Sarkozy dans un état de grandeur plus fort que Ségolène Royal, il est, par là même, installé dans le récit et mis en intrigue. Ainsi, dans le numéro 3020, tandis que du côté de Nicolas Sarkozy, « quelques 40 000 militants et sympathisants s’étaient déplacés. Seule la moitié est entrée », pour Ségolène Royal, « la salle est quasi comble. Entre 12000 et 15000 personnes estime le service d’ordre militant. » 763. Dans le numéro 3013, Ségolène Royal « a tenté de faire redécoller sa campagne, (…) mais les sondages restent à la baisse » tandis que Nicolas Sarkozy « localise les adresses des 80000 nouveaux soutiens qui vont prêter main forte au candidat »764. Mais le soutien dans le monde civique est aussi celui du collectif que le candidat représente : son parti politique. Le parallélisme entre les parcours dévoile une même hiérarchie de grandeur entre les candidats. Tandis que les acteurs politiques soutenant Nicolas Sarkozy, « des plus convaincus aux plus pros, sont admiratifs devant la bête politique » et « tantôt attentifs, tantôt transportés »765, du côté de Ségolène Royal, « en apparence, la photo est respectée : les ténors du PS sont au premier rang. », « tout le monde – ou presque – se lève », « devant la foule en délire, les éléphants cachent leur joie » et « pendant ce temps, Lionel Jospin, absent de Villepinte, fait ses courses à Paris »766.

Dans le monde de l’opinion, le soutien est celui des personnalités extérieures au monde civique mais dont la reconnaissance peut servir la reconnaissance du candidat. Pour le candidat UMP, « les soutiens se ramassent à la pelle », « des dizaines de vedettes qui se pressent dans sa loge (…) l’enthousiasme est tel que la plupart des VIP en oublient même de se servir un rafraichissement au buffet »767. Mais, cet entourage people est aussi présent pour Ségolène Royal : il y a « une foule de chanteur, des artistes de tous les styles, de la variété à la world culture, de la jeune scène française à d’ex-yéyé », « un ralliement d’enthousiasme, valable autant pour les électeurs anonymes que pour les peoples » 768.

Enfin, c’est dans le monde domestique que s’exprime la dernière forme de soutien permettant une fois encore de comparer les deux candidats principaux. L’entourage familial et amical incarne un double rôle : il est à la fois adjuvant parce qu’il soutient mais aussi parce qu’il est un lieu pour se ressourcer. C’est dans le numéro 3020, que le narrateur explicite ce dernier rôle au travers de la mobilisation d’un expert, « le cardiologue Philippe Douste-Blazy » sur la tenue d’une campagne : « Il faut se caler quelques plages avec des amis intimes, pour ne pas se sentir emprisonné en permanence et s’échapper de temps en temps ». Quatre acteurs issus du monde domestique soutiennent le candidat : le conjoint, le couple, les enfants et la famille. Ces deux derniers sont toujours signifiés, pour les deux candidats, comme des adjuvants

‘« Autour de lui, dans son bureau, les photos de ceux qui lui donnent envie de gagner »
« Fête de famille pour Thomas et son père. Le jeune homme est très impliqué dans la campagne de sa mère »
« Devant la foule en délire, les éléphants cachent leur joie, mais la famille Hollande est aux anges »
« La famille est réunie. Au sens large. Les enfants, ses frères, sa mère. Après son discours, Nicolas Sarkozy les a retrouvés avec ses amis, à l’écart des journalistes et des photographes. » 769

La performance du couple et du conjoint dans son soutien est plus complexe. Le couple Sarkozy est signifié à deux reprises comme sujet de faire pour l’élection et la campagne.

‘« Si le couple Sarkozy entre à l’Elysée »
« Le couple formé par Cécilia et Nicolas Sarkozy confirme sa suprématie pour entrer à l’Elysée en 2007 »770

C’est sous ce même principe que le narrateur de Paris-Match installe Cécilia Sarkozy comme un adjuvant pour la campagne de son époux, tout comme un soutien771. Si le couple Sarkozy et le rôle de Cécilia sont construits sur un principe de coopération et dépendance, c’est la dissociation qui prime pour le couple Hollande-Royal.

‘« L’une a été ministre, l’autre pas. L’un est chaleureux et convivial, l’autre une austère qui se marre moins »
« Une femme qui aujourd’hui lui vole la vedette »
« Peu probable en cas d’élection de madame (53 ans) à la tête de l’Etat, le premier secrétaire du PS (52 ans) se transforme en « premier-monsieur » à l’Elysée. Il a d’ailleurs annoncé qu’il n’y habiterait pas. » 772

François Hollande est déplacé du rôle d’adjuvant vers celui de victime ou d’opposant à Ségolène Royal, sanctionnant une fois encore un soutien beaucoup plus faible pour la candidate PS.

Le parcours thématique du soutien tient la cohérence de la traduction de la campagne présidentielle par Paris-Match. Une fois investigué, ce parcours thématique permet de sanctionner positivement Nicolas Sarkozy comme le candidat le plus entouré et le plus soutenu773. Mais, par ailleurs, en faisant du soutien un Destinateur pour les compétences actualisantes de la réussite de la campagne présidentielle, Paris-Match devient lui-même le soutien de Nicolas Sarkozy au travers de sa sanction dans le récit et au travers de son slogan, « ensemble tout devient possible » qui apparaît à de nombreuses reprises comme la sanction de la réussite de la campagne. Le thème du soutien, dans cet hebdomadaire, est autopoïétique : le soutien crée le soutien qui crée le soutien…

Notes
759.

Nous avions d’ailleurs identifié deux mouvements possibles dans la question du soutien, lors du chapitre précédent, formulable comme : (1,3)-2 ou 2/(1,3).

760.

Un dérivé de ce slogan figure comme titre d’un article sur le couple Bayrou : “A deux, tout est possible”.

761.

Paris-Match 3024 (x3), Paris-Match 3009, Paris-Match 3017.

762.

Paris-Match 3009, Paris-Match 3011, Paris-Match 3013, Paris-Match 3020.

763.

Paris-Match 3024.

764.

Paris-Match 3013.

765.

Paris-Match 3014

766.

Paris-Match 3013

767.

Paris-Match 3014

768.

Paris-Match 3014

769.

Paris-Match 3020, Paris-Match 3013, Paris-Match 3009.

770.

Paris-Match 3014.

771.

Nous reviendront plus précisément sur le rôle de Cécilia Sarkozy lors de l’analyse de l’identité médiatique de Nicolas Sarkozy.

772.

Paris-Match 3015, Paris-Match 3014 (x2).

773.

Cet hebdomadaire, construit, comme nous le verrons dans le chapitre suivant, une identité médiatique particulière du candidat de l’UMP, se distinguant des autres titres. Cette identité médiatique agence les différents entourages de Nicolas Sarkozy de manière à prévenir les critiques, des critiques que nous retrouvons précisément dans les autres titres people. La sanction positive et le soutien de ce magazine pour Nicolas Sarkozy se confirme d’autant plus.