V. 4. Conclusion

La campagne présidentielle est un espace producteur de discours où la période construit l’actualité par ce qu’il en est, en se détachant de ses actualités, c’est-à-dire de ce qui s’y passe. Les récits, identifiés comme des « immortelles de campagne », s’éloignent du présent pour rendre compte d’une configuration dicible dans le présent. Ils sont un traitement particulier qui répond aux injonctions des logiques du récit people et qui construit la propre identité de ce genre. Tous les titres de notre corpus racontent la campagne présidentielle sous cet angle spécifique. Pourtant, l’exclusivité de ce traitement dans certains titres, renforcée par une énonciation par intermédiaire-médiatisant, distingue la grandeur attribuée aux personnages politiques ainsi que le vouloir-dire et le savoir-dire du porte-parole. Ici-Paris, Point de Vue, France-Dimanche et Public contraignent la médiatisation des candidats à l’élection présidentielle en leur sein à partir d’intermédiaires auxquels ils délèguent la légitimité de l’énonciation et le savoir-dire. Voici, de son côté, conserve son savoir-dire malgré une médiatisation par intermédiaire ; il produit une sanction explicite des candidats, particulièrement négative pour Nicolas Sarkozy, dévoilant une posture idéologique défavorable au candidat UMP.

Mais la campagne présidentielle est aussi un espace exogène à sa médiatisation, dans lequel surviennent des pratiques et des discours et dans lequel se meuvent des personnages. La presse people se saisit de la campagne comme un contexte d’émergence d’actions qu’elle narrativise. C’est le cas de VSD, Paris-Match, Closer et Gala. Pourtant, dans les hebdomadaires Closer et Gala, le monde civique est restreint à l’identification des personnages et de la période. Les paroles des êtres de papier sont déplacées vers le monde de l’opinion et le monde domestique. Gala et Closer encensent ainsi avant tout des traits identitaires dans le confinement de ces deux mondes. Mais le choix de la parole portée, presque exclusivement de Ségolène Royal, pour Closer, révèle une posture pro-Royal. A l’inverse, si Gala traite presque équitablement des candidats, c’est par l’attribution de traits identitaires et psychologiques qu’il différencie les personnages au travers d’une célébration de la simplicité, de l’humilité, de la sincérité et du corps-spectacle, comme médiat esthétique de l’identité et de la grandeur. Comme dans les autres titres, le monde civique est un espace inaccessible sans un déplacement préalable par les mondes domestique et de l’opinion. C’est précisément sur ce point que se noue la spécificité de Paris-Match et VSD. La parole des êtres de papier atteint, dans ces deux hebdomadaires, le monde civique sans l’intermédiaire des mondes domestique et de l’opinion : ils ne sont pas des points de passages obligés pour que la traduction se déploie dans l’espace du politique. Pourtant, les logiques du récit people restent omniprésentes dans ces deux titres et constituent leur dynamique, révélatrice de leur appartenance au genre. La figure du combat et de l’épreuve sportive pour VSD et le thème du soutien pour Paris-Match tiennent le déplacement des paroles dans les différents mondes : ils sont la cohérence de l’hétérogénéité.

En résumé, l’investigation des titres peoples comme porte-parole dévoile le mouvement de traduction comme révélateur de l’identité de la campagne, du genre people et de ses porte-parole. C’est dans la réunion de ces différents discours que nous analysons l’identité médiatique de chacun des candidats, dans le chapitre suivant, en passant d’une considération d’une multitude d’identités résultant de procédures d’anaphorisation qui permettent de mettre à jour les distinctions à une continuité de ces identités considérées dans leur ensemble, pour mettre en exergue leur consistance.

Avant cela, il est nécessaire de considérer un dernier résultat de l’analyse à laquelle nous venons de procéder et qui semble, a priori, infirmer notre hypothèse principale empirique :

‘La campagne présidentielle de 2007, moment fort de l’agenda politique, signe l’installation du processus de peopolisation, mettant fin alors aux questionnements par rapport à sa légitimité ou sa validité, ce qui permet donc de le définir et de l’inscrire dans l’espace public français. ’

L’observation de la manière dont la presse people porte la parole de la campagne présidentielle et de ses personnages révèle un silence et des stratégies d’énonciations niant la légitimité des hommes politiques à être médiatisés dans le genre people. Notre chapitre VII reviendra alors sur ces résultats à partir d’un questionnement  qui portera son propos :

‘L’analyse de l’évolution de la médiatisation, à partir d’un corpus people post-campagne, permet-il d’observer une réduction des disparités entre les titres people dans leur médiatisation des personnages politiques et, par là, de confirmer l’hypothèse de l’installation de la peopolisation lors de la période de la campagne?’