VI. 1. 3. La position politique des candidats.

Chaque candidat est issu d’un parti politique dont l’ancrage politique semble institutionnalisé. Pourtant, cet ancrage peut servir à justifier des actions mais aussi être dénoncé. Nous nous cherchons ici non pas à savoir qui est de droite ou de gauche mais à appréhender comment l’ancrage politique sert à l’identité médiatique des candidats à l’élection présidentielle de 2007.

Il y a quatre façons d’être considéré selon l’axe gauche-droite.

[Figure 35 : Carré sémiotique du positionnement politique]
[Figure 35 : Carré sémiotique du positionnement politique]

Si la relation d’implication entre  ‘ être à gauche ’ et  ‘ ne pas être à droite ’, d’une part, et ‘ être à droite ’ et ‘ ne pas être à gauche ’, d’autre part, tend à exprimer la même position, la distinction dévoile des dynamiques d’identification heuristiques pour notre étude. Observons deux articles parus dans ‘ Public ’ n°196 et ‘ Ici Paris ’n°3221, portant le même titre : « ‘ Pour qui votent les peoples ? ’ », pour saisir les fondements de la position politique. Ces titres dressent une liste des peoples selon le candidat pour qui ils déclarent vouloir voter. ‘ Public ’ légitime sa liste par de nombreuses procédures de véridictions, entre autres par la référentialisation des citations choisies (date et lieu). Pourtant, cette floraison de noms et de paroles cités, qui permettent de figurer les candidats, est avant tout choisie. Roger Hanin, pour les hebdomadaires ‘ Public et Paris-Match786, soutiendrait Nicolas Sarkozy, alors qu’‘ Ici-Paris ’lui attribue un vote pour Marie-George Buffet. Cet écart flagrant insiste sur la nécessité de considérer ces citations comme des paroles choisies pour signifier plus qu’un état des votes extérieur à l’instance d’énonciation.

L’ancrage politique, tel qu’il est mobilisé dans ces articles, tient deux éléments en son creux : l’identification de l’ancrage politique du candidat et l’ancrage politique du people comme justification de son vote. Le choix de Jamel Debouzze et Elie Semoun pour Ségolène Royal est justifié parce que ceux-ci ont « ‘ le cœur à gauche ’ »787 : il y a identification de Ségolène Royal et de ces deux peoples dans un ‘ être à gauche  ’; cette identification à une même catégorie servant de logique pour identifier le vote. La logique peut apparaître plus complexe au travers des discours de Doc Gyneco et de Patrick Sébastien788 : tous deux expriment une nécessité à partir de la question financière et de leur statut, que nous pouvons résumer comme : ‘ Ils sont des vedettes, les vedettes ont de l’argent, la droite soutient les personnes qui ont de l’argent, ils doivent soutenir la droite ’. Cette situation due à leur statut sert la désignation de l’engagement politique de Doc Gynéco. De son coté, le ‘ devoir-être ’ à droite de Patrick Sébastien est nié par un ‘ ne-pas-pouvoir-être ’à droite, occasionnant un non-savoir et justifiant son soutien à François Bayrou comme étant ni de droite ni de gauche. Ainsi, les déclarations de votes peuvent être justifiées dans un parcours polémique, induisant ce que les candidats ne sont pas, par rapport à ce que les peoples sont. Bénabar détient la compétence virtualisante de ‘ ne-pas-vouloir-voter ’ pour Nicolas Sarkozy et Renaud, celle actualisante de ‘ ne-pas-pouvoir-voter ’ à droite : Ségolène Royal devient la candidate qu’ils soutiennent par défaut. Remarquons cependant que l’impossibilité de voter à droite de Renaud légitime un vote pour Ségolène Royal pour ‘ Public ’ et un vote pour Dominique Voynet pour ‘ Ici-Paris ’. De son côté, Nicolas Sarkozy n’est que très peu mobilisé dans notre corpus par son ancrage politique789. Dans les deux articles cités plus haut, le seul vote people pour Nicolas Sarkozy justifié selon son ancrage, est attribué à Roger Hanin : « ‘ Je voterai Nicolas Sarkozy au second tour parce que je pense qu’il aura une politique de gauche ’ ». Ce n’est donc pas l’ancrage à droite de Nicolas Sarkozy mais son ancrage à gauche qui justifie le vote. Mais, outre Roger Hanin, de nombreuses célébrités sont déclarées comme soutiens de Nicolas Sarkozy : ils sont des « ‘ fidèles ’ », des « ‘ admirateurs ’ », des « ‘ amis pipoles de longue date ’ », autant de désignations prises dans la confusion du monde domestique et de l’opinion en accord avec les justifications des votes qui renvoient à la personne plus qu’au candidat, c’est-à-dire ancré politiquement et représentant d’un parti. Ainsi, il est homme courageux, de confiance et de changement dans ‘ Public ’. ‘ Ici-Paris ’ assimile, par la parole de Massimo Gargia, les peoples à Nicolas Sarkozy et ce du fait de son être dans le monde de l’opinion et dans le monde domestique : « ‘ Dans mon milieu, c’est à Sarko qu’on fait confiance ’ (…) ‘ Sarko, pour nous, est people. Quand Cécilia est partie, on a beaucoup aimé. Sarkozy est un grand playboy, et ça c’est très positif, nous, on adore ’.». Nicolas Sarkozy n’est jamais désigné explicitement selon son appartenance ou ancrage politique. C’est finalement dans la comparaison des autres candidats par ce qu’ils ne sont pas que son affiliation est repérable. La négation de l’ancrage politique est particulièrement mobilisée pour François Bayrou : il n’est ni à gauche, ni à droite ; une identification par la négative révélatrice de son identité médiatique que nous analyserons dans les prochaines pages.

L’intérêt, ici, était de saisir la position politique, mais aussi la question du genre et de la grandeur, non pas comme des données exogènes mais comme des variables dans le processus de traduction qui permet aux narrateurs des récits de produire une identité médiatique pour chaque candidat, une identité médiatique, désormais objet de notre propos.

Notes
786.

Paris-Match 3016.

787.

Public 196

788.

Public 193 pour Doc Gyneco et Public 196 pour Patrick Sébastien.

789.

Nous reviendrons sur ce point lors de l’investigation de l’identité médiatique de celui-ci.