VI.3.3.2. La femme politique.

Mais cette séparation n’est pas totale. Certains récits mettent en scène les éléphants comme des adjuvants pour la campagne présidentielle de la candidate, au travers du parcours figuratif de la guerre et du combat.

‘« Elle qui laissait à François Hollande le soin de décocher des flèches à ses adversaires »920

Ainsi, dans le numéro 1542 de ‘ VSD ’, un récit intitulé « la guerre des trois » décline la figure de la guerre et du combat, mais Ségolène Royal n’y figure jamais comme sujet de faire, pour cela : « ‘ elle invoque tous les saints socialistes ’ ». Les combattants du parti socialiste, sujets de faire dans le récit, sont Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn.

‘« Le vote utile prôné dès le départ comme l’arme absolue est battu en brèche par l’émergence du troisième homme. (…) DSK et Fabius se sont partagé les rôles. L’un pour rompre le charme exercé par Bayrou sur les sociaux-démocrates. L’autre pour réhabiliter le clivage droite-gauche »921

Ici, nous retrouvons notre propos sur la figure de la guerre, telle qu’elle fut analysé pour ‘ VSD ’. Ségolène Royal est installée, pour ce qui est de la performance guerrière, dans une posture défensive, dont la résistance est morale et qui la renvoie à sa féminité et sa maternité. Nous comprenons, alors, que, si la figure du combat et de la guerre, pour signifier la campagne électorale, est déplacée dans le monde civique, la figure de la combattante de Ségolène Royal est déplacée vers le monde domestique922. L’inadéquation entre les mondes se retrouve dans l’union de la candidate et du parti socialiste. Ségolène Royal accède à une posture d’attaquante, à l’aide d’adjuvants masculins. Les hommes de son entourage politique combattent à sa place et pour elle. Ainsi, la seule manifestation de l’union de parti socialiste autour de la candidate renvoie Ségolène Royal à son statut de femme dotée alors d’une résistance morale plutôt que physique. Or la résistance physique est construite par une autre métaphore : celle, sportive, largement mobilisée pour Nicolas Sarkozy et François Bayrou. La seule mise en scène de la figure sportive pour Ségolène Royal la renvoie, une fois encore expressément, à sa féminité.

‘« Pour garder la taille fine et maintenir sa forme, Ségolène Royal s’est mise au power-plate, une machine dernier cri (…) dans un très chic « Spa urbain » situé à deux pas des Champs-Élysées avec des murs en ardoise, des salons de massages et une piscine qui change de couleur. »923

Sa condition de femme est ce qui la réunit avec son parti mais qui l’en distingue. Sa féminité renvoie, par ailleurs, à sa maternité et permet la conjonction de Ségolène Royal à l’ensemble des Français, aux électeurs.

‘« Une madone qui se veut mère de tous les Français, qui souffrent, qui doutent, qui désespèrent »
« Parce que c’est une femme et qu’elle pourrait gouverner en mère »
« Quand elle lance : « Je veux réaliser pour chaque enfant né ici ce que j’ai voulu pour mes propres enfants », ses poings se serrent, sa voix s’étranglent, les larmes ne sont pas loin. Le public chavire et applaudit à tout rompre »’ ‘« Elle est mère courage, le chef du troupeau (…) elle vient d’enfanter un pacte présidentiel » 924

La figure de la mère, déplacée du monde domestique vers le monde civique, signe le rassemblement. Cette figure installe Ségolène Royal dans des rapports apaisés, bienveillants, qui contredisent les autres caractéristiques de son identité.

[Figure 48 : Les attributs psychologiques de Ségolène Royal, dans les immortelles de campagne]
[Figure 48 : Les attributs psychologiques de Ségolène Royal, dans les immortelles de campagne]

De la mère à l’individualiste, l’identité médiatique de Ségolène Royal se construit dans le paradoxe d’une double identité, impliquant une sensibilité et un dévouement mais aussi indépendance, autorité et ambitions, repérables dans la liste d’attributs psychologiques produite par les immortelles de campagne. Cette double identité est, pour Ségolène Royal, le fruit d’un paradoxe au sein d’une seule et même identité médiatique.

Du côté de Nicolas Sarkozy, comme nous nous apprêtons à l’analyser, l’identité médiatique est double, non pas comme le résultat d’un paradoxe, mais plutôt comme celui de la cohabitation de deux postures éditoriales divergentes, qui empêchent de considérer son identité médiatique comme cohérente dans le genre people.

Notes
920.

Paris-Match 3020

921.

VSD 1542.

922.

Voir Chap. V-3-4-2.

923.

Paris-Match 3020.

924.

VSD 1540, Closer 77, Paris-Match 3013, VSD 1538