La « nature sportive » du candidat est profusément décrite dans notre corpus de presse people. Elle est une pratique, révélatrice de son identité médiatique, mais elle est aussi une compétence de ‘ pouvoir-faire ’ du candidat. Dans le précédent chapitre, l’analyse de VSD comme porte-parole a dévoilé deux parcours figuratifs pour la campagne présidentielle : la guerre et de sport. Ces parcours figuratifs nécessitent alors un pouvoir-faire fondé sur l’endurance, la résistance et l’attaque. Or la pratique sportive de Nicolas Sarkozy permet aux narrateurs de lui attribuer cette compétence. La pratique sportive construit l’image de la discipline et développe les qualités physiques et morales du sportif. La discipline renseigne sur l’action et son Destinateur. Elle est une performance qui se déploie comme un investissement, lieu du sacrifice et de la détermination.
‘« Pour le candidat UMP, la politique est un sport de haut-niveau. C’est pour cette raison qu’il se plie aux mêmes contraintes que les grands sportifs »926 ’La figure sportive offre, en outre, une vision saine de la compétition : « ‘ s’engager dans une compétition sportive revient à se mesurer à autrui en suivant un règlement pour se voir attribuer une place ’ »927. Le sport renvoie à un façonnage, par l’exercice physique, d’un corps qui laisse transparaître la valeur morale.
‘« Le sport qu’il pratique sans relâche l’aide à avoir une approche musclée des problèmes »928 ’Mais, l’exercice physique est aussi l’épreuve de la force et de l’endurance.
‘« Jogging, tennis, foot… Il n’a jamais manqué de souffle ni d’endurance »La pratique sportive pose le lien entre le corps et l’esprit, entre la moralité et les attributs physiques : elle permet le ‘ pouvoir-faire ’ dans la campagne présidentielle tout en débrayant un certains nombres d’attributs psychologiques à Nicolas Sarkozy, façonnant alors sa détermination et sa ténacité à ‘ vouloir-être ’ président de la République. Ainsi, ce qui pourrait rester dans le monde domestique – les footings, ne pas boire d’alcool, etc. – est déplacé, par les narrateurs, dans le monde civique.
Le parcours figuratif du sport au travers de la métaphore de la campagne comme un marathon, un sprint ou une compétition, construit un dispositif énonciatif qui déplace les grandeurs de la force, de l’endurance et de la détermination. Si le transport de cette grandeur semble aller-de-soi pour les narrateurs, il dévoile une situation d’iniquité entre les candidats en fonction de leur sportivité ou de leur genre. Dans l’identité médiatique de Ségolène Royal, la figure sportive n’est plus l’occasion d’un transport de grandeur, mais consiste en un transport de misère930 qui la renvoie à son statut de sexe faible, lui octroyant une incompétence dans la campagne présidentielle. Mais, ce parcours n’est jamais réfléchi : son déplacement n’est alors pas l’objet de dénonciation ou de compromis. Dans la même logique, ce parcours constitue une des forces manifestes de Nicolas Sarkozy, dans la presse people.
Paris-Match 3025.
Paris-Match 3020
DURET, P. & TRABAL, P., ‘ Le sport et ses affaires ’, Paris, Métailié, 2001, p. 13.
Paris-Match 3025
Paris-Match 3025, Paris-Match 3020, VSD 1547.
BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, op. cit. p. 271.