VI.4.2.2. Cécilia Sarkozy, une première-dame adjuvante.

La première-dame est investie du devoir de supporter son conjoint. Ce devoir est un investissement fondé sur la logique du monde domestique et, donc, sur la serviabilité et « ‘ le rejet de tout égoïsme ’ »948 établissant un rapport de grandeur entre le candidat et la première-dame autour de la subordination et de l’honneur949. La première-dame, qui ne doit son statut qu’à son conjoint, figure comme ‘ plus petite que ’ le candidat auquel elle se dévoue. Cécilia Sarkozy, en tant qu’épouse d’un présidentiable et potentielle première-dame, est investie d’un devoir-faire dans les mondes domestique et de l’opinion pour un programme narratif visé dans le monde civique où son époux est sujet de faire : remporter les élections. La première-dame est donc un adjuvant pour la réussite de la campagne. Ce rôle de première-dame se retrouve particulièrement dans Paris-Match.

‘« La réussite de ce show énorme, c’est en grande partie grâce à elle, Cécilia. »
« Il découvre amusé que, dans son bureau au 3ème étage, Cécilia lui a fait installer une lampe Kartelli identique à celle qui apparaissait dans la vidéo internet des vœux de Ségolène Royal aux Français »
« Cécilia a veillé personnellement à la décoration du bureau de Nicolas »
« Avec discrétion, elle a veillé sur la campagne, depuis un bureau voisin du sien »
« « Lui, il est ministre de l’intérieur, elle, elle s’occupe de l’intérieur du ministère » commente leur ami Didier Barbelivien »950

Le faire de Cécilia Sarkozy la renvoie à des rôles spécifiquement féminins : décoratrice, hôtesse, etc. Ce sont des programmes narratifs sanctionnés positivement par le narrateur pour le programme narratif visé du monde civique. Elle « ‘ joue son rôle d’épouse et de collaboratrice ’ », ‘ « dans l’ombre  ’», elle est « ‘ le premier soutien ’ », elle rend « ‘ son époux plus proche, plus sympathique, plus humain »951  ’: elle est une potentielle première dame qui accomplit son rôle. Sa « presque invisibilité »952 dans le monde de l’opinion est défendue par cet hebdomadaire : son absence est une réserve, c'est-à-dire une non-présence médiatique mais une présence domestique.

‘« Elle accompagne rarement son mari dans ses déplacements. Elle ne s’assied plus jamais au premier rang, et plus jamais, elle ne monte sur l’estrade. Elle a décidé de se tenir un peu en retrait (…) Mais que l’on ne s’y trompe pas : elle est le premier soutien de Nicolas Sarkozy »
« Nicolas Sarkozy lui a fait signe de monter sur scène, mais elle a préféré rester dans le public. Discrète. »
« 20 heures, les chiffres sont tombés. Rue d’Enghien : Cécilia, radieuse, revient en pleine lumière »
« Elle n’est sortie de sa réserve qu’à la tombée de la nuit… (…) Mais bientôt les Français vont la découvrir dans la voiture qui file vers la place de la Concorde (…) les Sarkozy préfère continuer la soirée au Fouquet’s en amoureux »953

L’observation de l’ensemble des énoncés de notre corpus indique que l’absence de Cécilia Sarkozy sur le devant de la scène est soumise à des critiques. Paris-Match, bien qu’il ne l’énonce pas, prévient les différends en justifiant l’absence de Cécilia Sarkozy et en installant un Destinateur – la réserve – de cette absence, pris dans les logiques du monde domestique. Cet hebdomadaire établit un dispositif qui permet les déplacements tout en confinant le programme narratif d’usage au cœur du monde domestique, devançant les critiques depuis d’autres mondes954, telles qu’elles apparaissent dans VSD et Gala.

Notes
948.

BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, ‘ op. cit. ’ p. 214.

949.

Ibid. ’ p. 215.

950.

Paris-Match 3009 (x2), Paris-Match 3014, Paris-Match 3023, Paris-Match 3025

951.

Paris-Match ’3014 

952.

Paris-Match 3021

953.

Paris-Match 3014, Paris-Match 3009, Paris-Match 3023, Paris-Match 3025.

954.

BOLTANSKI & THEVENOT, 1991, ‘ op. cit. ’ p. 281-284.