VI.4.3.2. L’homme humble et le politique transparent.

A l’opposé de la figure du manipulateur, il y a l’identité médiatique de Nicolas Sarkozy telle qu’elle est construite par Paris-Match. Dans cet hebdomadaire, l’agencement composite de l’entourage est dit mais n’est pas réfléchi. Les natures multiples de ses proches ne sont pas questionnées : elles semblent aller-de-soi pour le narrateur.

‘« Pendant les vacances, Nicolas Sarkozy partage son amour du vélo avec Michel Drucker »
« Juste après s’être démaquillé, la candidat qui tient encore sa serviette de toilette, partage un fou-rire avec Johnny Halliday et son épouse, Laëticia »
« Une partie de foot avec ses enfants et ses amis Bernard Laporte et Denis Charvet »
« Simone Veil, affectueuse, se penche pour serrer la main du champion de la soirée »
« Il y a les bravo des copains mais aussi l’hommage politique et maternel de Simone Veil »991

Dans cet hebdomadaire, le mélange des mondes dans la composition de l’entourage retrouve la ligne éditoriale fondée sur la question du soutien et son mode de visibilité qui l’identifie au mode mimétique haut. En ne réfléchissant pas l’entourage, Paris-Match rend compte avant tout du soutien et invite à considérer le caractère extraordinaire du candidat, entouré de personnalités connues et reconnues, elles-mêmes extraordinaires. Cette posture déplace, de la même façon, la question de la mise en scène de sa vie privée par le candidat. Mais, ici, la monstration publique d’objets ou d’épreuves issus du monde domestique devient preuve d’humanité.

‘« Car il veut leur [les Français] parler, seul à seul. De l’homme qu’il est devenu, de l’avenir qui doit être une promesse et des valeurs auxquelles il croit (…) Avec nous, il a évoqué ses devoirs, mais aussi ses sentiments »
« Mais « submergé par l’émotion », le président de l’UMP s’est adressé aux Français sans emphase pour leur expliquer qu’il avait changé »
« Ce n’est plus l’homme politique qui parle, mais l’homme tout entier. Et il ouvre son cœur. Il confie alors devant 80000 personnes qu’il a souffert, connu l’échec, le doute (…) Maintenant qu’il a changé, qu’il est arrivé à l’âge de la maturité, Nicolas Sarkozy veut aussi exprimer sa dimension spirituelle »992

Ce n’est donc pas une identité médiatique fondée sur la manipulation mais, au contraire, fondée sur la transparence et l’humilité qui est construite dans cet hebdomadaire993.

‘« Humilité. (…) Le patron de l’UMP ne voulait pas trop en faire »994

Cette figure de l’humilité et de l’humanité est aussi mobilisée par Gala.

‘« Quand le petit Louis, huit ans, déclare sur grand écran (…) « bonne chance, mon papa », la France sourit »
« Il est en pleine crise de couple quand, à l’image d’une Hillary Clinton, très digne (…) il a, lui aussi, le courage de regarder les Français dans les yeux »
« Finie la langue de bois, place à l’humilité des mots »995

Cet hebdomadaire est partagé entre une dénonciation depuis le monde civique, comme nous avons pu le remarquer lors de l’élucidation de la première identité médiatique de Nicolas Sarkozy, et une ligne éditoriale focalisée sur le monde domestique et le monde de l’opinion, l’empêchant alors de traduire la parole du candidat pour et depuis le monde civique. Il y a une posture ambiguë construite dans la tension de deux compétences énonciatives dans le monde civique : vouloir-dire et ne pas pouvoir dire.

Ainsi, exception faite de la figure sportive, les identités médiatiques de Nicolas Sarkozy, construites à partir de la question du soutien et de l’entourage, le définissent au prisme des identités médiatiques de ceux qui l’entourent. Deux lignes éditoriales s’affrontent alors : une première, majoritaire dans notre corpus, traduit l’entourage depuis le monde civique, en dénonçant des influences et des jeux de paraître. La seconde, particulièrement représentée par Paris-Match, mais aussi par Gala, mobilise des objets issus des mondes de l’opinion et civique que pour les réinstaller dans le monde domestique où ceux-ci ne peuvent souffrir de critiques, désamorçant alors les dénonciations possibles depuis les autres mondes.

Notes
991.

Paris-Match 3025, Paris-Match 3024, Paris-Match 3020, Paris-Match 3023 (x2)

992.

Paris-Match 3020, Paris-Match 3009 (x2)

993.

Seul récit de Paris-Match à réfléchir l’utilisation des personnages people dans la campagne présidentielle, le numéro 3016 confirme cette identité médiatique en désignant les collaborateurs de Nicolas Sarkozy comme les sujets de faire, laissant au candidat le rôle d’objet de conjonction.

994.

Paris-Match 3009

995.

Gala 713.