VII. 1. 3. La maternité de Rachida Dati.

La maternité et l’enfantement sont des rôles typiques féminins : ils sont la matérialité, s’il en est, de la distinction homme-femme. La figure de la mère renvoie la femme à son corps propre, mais aussi à ses devoirs de mère et d’épouse, elle est «‘ la survivance d'une distribution contraignante et stéréotypée des rôles. ’ »1048. Les femmes qui entrent en politique choisissent une voie qui rompt avec les rôles attribués traditionnellement aux femmes.

‘« Les rôles politiques ont été si longtemps incarnés et définis par des hommes, qu’ils ont littéralement constitué le « corps légitime » en politique. 1049 »’

L’‘ être-mère ’renvoie la femme au monde domestique alors que l’‘ être-politique ’efface la féminité du corps de la femme pour la déplacer dans le monde civique. Cette contradiction empêche, comme nous l’avons dit plus tôt, d’être à la fois femme et politique sans qu’il y ait dénonciation d’un des deux mondes affiliés. La mise en scène de la maternité permet de réassigner la femme politique à son genre et efface dans une certaine mesure son être politique. La grossesse et l’accouchement de Rachida Dati dévoilent la problématique contradictoire entre ces deux postures de l’être tout en déployant des dénonciations par rapport à la situation de cette femme politique dont l’enfant n’a pas de père et qui reprend son activité quelques jours après son accouchement. La presse people comme la presse quotidienne nationale interrogent alors le devoir d’épouse, le devoir de mère et de femme politique.

Les récits annonçant l’accouchement de Rachida Dati installent cinq ingrédients pour la narration dont les mobilisations et les associations découvrent différentes postures éditoriales quant à cet évènement. Ces ingrédients narratifs sont l’accouchement et la naissance de Zohra, l’identité du père, l’‘ être-mère ’, d’une part, et l’‘ être-femme politique ’, de l’autre, de Rachida Dati et enfin, le paraître et la popularité de cette dernière. Cette naissance attendue suit une forte médiatisation de la grossesse de Rachida Dati et de nombreuses interrogations sur l’identité du père de l’enfant. Nous avons fait le choix de nous attarder sur les articles suivant la naissance de sa fille. Cette cérémonie relève du monde domestique modifiant les relations filiales et familiales de Rachida Dati. Pourtant, le statut de cette mère, personne notoire et membre du gouvernement, projette cette cérémonie hors de son monde. Prendre le parti du mouvement plutôt que des places nous amène à saisir comment la narration d’un tel évènement, à partir de postures de dénonciations ou de justifications, construit les trois espaces de notre objet et définit la maternité et l’activité politique de Rachida Dati et par là, le rôle de la mère, de la femme et du politique.

Notes
1048.

BERTINI, M-J., « Langage et pouvoir : la femme dans les médias (1995-2002) », Communication et langages, 152, 2007, p. 14

1049.

ACHIN, C. & DORLIN, E., « “J’ai changé, toi non plus”, la fabrique d’un-e présidentiable : Sarkozy/Royal au prisme du genre », 2007, [en ligne : http://www.mouvements.info/J-ai-change-toi-non-plus.html]