VII.3.2.1. Les modes de visibilité et les tendances de politisation du genre people.

Le mode mimétique bas apparaît, dans nos analyses, comme un ensemble de titres privilégiant les personnages politiques à forte visibilité, tandis que le mode mimétique haut, bien qu’il focalise son attention de manière importante sur les personnages politiques hautement médiatiques, accorde aussi une visibilité à des personnages qui n’apparaissent pas dans les titres du mode mimétique bas. Si nous nous intéressons à la qualité des personnages politiques, soit définis comme personnel politique, soit comme membre de la famille d’un politique, les modes de visibilité n’apparaissent pas pertinents : émergent alors deux tendances. La première regroupe les titres ‘ VSD, Paris-Match ’, ‘ Closer ’et ‘ Voici ’qui se consacrent plus particulièrement au personnel politique tandis que, selon la seconde, les membres de la famille d’un homme politique sont privilégiés par ‘ Ici-Paris, France-Dimanche, Gala ’ et ‘ Point de Vue ’. Par ailleurs, parmi les dix personnages les plus visibles, quatre sont des membres de la famille d’un politique, mais plus loin, trois sont membres de la famille Sarkozy et un de la famille Obama. Le mode mimétique bas tend à mettre en scène plus fréquemment les quatre membres hypervisibles tandis que le mode mimétique haut tient la visibilité des autres. Dans cette même logique, le mode mimétique bas met plus souvent en scène la famille Sarkozy alors que le mode mimétique haut permet aux autres familles d’accéder à la visibilité dans la presse people.

En outre, le mode mimétique bas privilégie les femmes aux hommes. Ici se distinguent ‘ VSD ’ et ‘ Paris-Match ’qui atteignent presque une couverture équitable selon le genre des personnages politiques. Mais si nous nous intéressons plus spécifiquement aux femmes, les mères et les filles d’hommes politiques n’apparaissent que dans le mimétique haut.‘ ’Une fois encore, ‘ VSD, Paris-Match ’, ‘ Closer ’et ‘ Voici ’se rapprochent en privilégiant les femmes politiques tandis que‘ Ici-Paris, France-Dimanche, Gala ’ et ‘ Point de Vue ’ sont réunis autour des épouses d’hommes politiques. Une distinction sous-catégorielle permet de voir que pour les quatre titres privilégiant les femmes politiques, ‘ VSD ’et Paris-Match accordent proportionnellement plus de place aux femmes politiques peu visibles, tandis que ‘ Closer ’ et ‘ Voici ’se concentrent sur les deux femmes politiques les plus visibles : Rachida Dati et Ségolène Royal. A l’inverse, dans le groupe de quatre titres privilégiant les épouses d’hommes politiques, ce sont ‘ Gala ’ et Point de Vue qui octroient proportionnellement plus de visibilité aux épouses peu visibles, tandis que ‘ France-Dimanche ’et ‘ Ici-Paris ’focalisent leur mise en scène autour de Carla Bruni et de Cécilia Sarkozy. Ici, c’est donc le croisement des modes de visibilité avec les tendances de médiatisation des personnages politiques émergeantes qui permet de distinguer les catégories au travers des deux variables : « femmes politiques vs épouses » et «personnages hautement visibles vs les autres ». Enfin, pour la visibilité des cinq femmes les plus visibles, on remarque que le mode mimétique bas avantage les femmes seules alors que le mimétique haut les femmes en couple, les deux first-ladies : Michèle Obama et Carla Bruni. Le mode mimétique haut conforme la visibilité des cinq femmes les plus visibles selon leur statut marital. Leur mariage, cérémonie du monde domestique, avec un chef de l’Etat, sujets du monde civique, octroie une légitimité et une grandeur à ces personnages dans le monde de l’opinion. L’effacement de Cécilia Sarkozy dans ce mode de visibilité insiste sur la prédominance du statut marital, comme facteur de reconnaissance : une fois, le mariage brisé, la légitimité et la grandeur du personnage s’effondrent. A l’inverse, le mode mimétique bas s’intéresse moins à l’institution de la grandeur qu’aux ingrédients narratifs qui permettent de l’instituer : les malheurs de la femme seule constituent une excellente pâte à récits dont les hebdomadaires du mode mimétique bas se saisissent.

De ce résumé, trois différences émergent entre les modes de visibilité. Le genre, la visibilité et les qualités identitaires et relationnelles révèlent des intérêts différents. Nous pouvons donc définir le mode mimétique bas comme un ensemble de titres people privilégiant les femmes qui connaissent une actualité privée permettant de souligner leur ordinarité au travers de leurs problèmes et de consoler le lecteur. Mais ce mode confirme, par ailleurs, la logique autopoïétique de la visibilité et de la célébrité en ne se focalisant que sur des personnages hypervisibles. A l’inverse le mode mimétique haut permet à des personnages politiques peu visibles d’être mis en scène et, ce, en consacrant leurs récits à leur caractère extraordinaire fondé sur un ordre des grandeurs institutionnels, justifiant alors la quasi-disparition de Cécilia Sarkozy de ce groupe après son divorce et la focalisation de ces titres vers les firsts-ladies actuelles.

Pourtant, au sein et transversalement à ces modes, un dernier changement de focale permet de saisir une tendance à célébrer la vie privée des hommes politiques et une autre qui saisit les personnages membres du personnel politique. D’un côté, ‘ VSD ’et ‘ Paris-Match, ’dans le mode mimétique haut, et ‘ Closer ’ et ‘ Voici, ’ pour le mode mimétique bas, favorisent le personnel politique au détriment des membres de leur famille. A l’inverse, ‘ Point de Vue ’et ‘ Gala ’, pour le mode mimétique haut, ‘ Ici-Paris ’et ‘ France-Dimanche, ’pour le mode mimétique bas, avantagent les membres d’une famille d’un homme politique. Ces deux tendances conservent, cependant, les critères de mise en visibilité de leur mode d’appartenance. L’analyse de la médiatisation des hommes politiques en Une après la campagne présidentielle nous permet donc de confirmer nos catégories tout en ouvrant de nouvelles perspectives pour la définition de ces titres.