L’institution et les registres pratique et métapragmatique.

Les trois postures retrouvent deux registres élaborés par Boltanski dans De la Critique : le registre pratique et le registre métapragmatique. Le premier registre contient une réflexivité minimum :

‘« La relation entre les formes symboliques et les états de chose n’est pas envisagée pour elle-même. 1216 » ’

A l’inverse, le registre métapragmatique doit se comprendre comme l’élévation du niveau de réflexivité ; la problématique de ce qui se passe, de comment cela se passe et de ce qui devrait se passer est privilégiée au détriment de la tâche à accomplir elle-même. Ce registre concerne non seulement les qualifications des objets, des êtres et des actions mais aussi la valeur accordée ‘ « à l’objet en question avec les questions déontiques que cela suppose ’ »1217. Selon Boltanski, la réflexivité peut se décomposer en deux sous-registres métapragmatiques : celui de confirmation et celui de critique. La critique est un mouvement qui nait dans un monde. L’espace comme lieu pratiqué est indissociable du mouvement qu’il déploie, qui le signifie et le produit. Le mouvement critique doit donc être considéré à partir de son espace de déploiement qui « associe à la situation ou à l’objet dont il est question non seulement des prédicats mais aussi des relations à d’autres objets qui permet de les investir d’une valeur »1218. Le porte-parole définit une situation à partir des objets qui importent. Dans le registre métapragmatique de critique, le porte-parole produit une hiérarchie entre les différents mondes pour se situer à partir d’un principe supérieur commun particulier sur lequel il assoit ses sanctions et son énonciation. Le registre métapragmatique de confirmation sert, de son côté, à confirmer la réalité. Ce registre veut apaiser l’inquiétude et stabiliser l’interprétation en insistant sur la banalisation de sa pratique. Ainsi, cette posture insiste sur un mouvement de dépersonnalisation de l’énonciation : il confirme ce qui est en confirmant que ça est pour tous, arrête ainsi la chaine flottante des interprétations et réprime les critiques.

Les trois mouvements identifiés dans leurs rapports au mélange des mondes et à sa mise en scène répondent à ces registres. Avant de comprendre quelle définition émerge de notre corpus et de la performativité des récits dans la construction du phénomène de peopolisation, il nous semble essentiel de réfléchir la question de l’institution ; cette dernière est fortement liée au registre métapragmatique de confirmation, en tant qu’il relève des institutions de fixer les références, d’inscrire les êtres dans la réalité et de leur attribuer des propriétés permanentes.

Notes
1216.

BOLTANSKI, 2009, op. cit. p.105.

1217.

BOLTANSKI, 2009, op. cit. p. 119.

1218.

Ibid. p. 110.