1 L’objectif de cette étude est de mesurer le rôle et la place que le droit du travail accorde à la volonté du salarié dans le rapport de travail. Une telle démarche constitue-t-elle aujourd’hui encore une « tâche embarrassante», comme le relevait, il y a quelques années déjà, le professeur A. Lyon-Caen1 ? N’est-elle pas vouée à constater l’incompatibilité de la volonté avec l’état de subordination du salarié et la protection impérative et collective dont ce dernier fait l’objet ?
«Comme tout voyageur interrogeant vainement la nuit qui l’entoure, tant est faible, la portée de la lanterne de route» 2 , il faut donc au préalable, scruter l’objet de sa destination, éclairer sa démarche pour avancer sur un chemin que l’on pressent semé d’embûches. Mais c’est sans compter sur ce que Lévinas appelle l’occasion3, en l’occurrence la rencontre d’un concept, la volonté, qui vient questionner la rigueur d’une catégorie juridique, celle de salarié, traditionnellement liée à un régime d’ordre public.
Or, levés les voiles d’ombre qui l’entourent, cette rencontre singulière s’avère porteuse de potentialités, précisément parce qu’elle incite à une mise en cause et à un dépassement critique des certitudes. Avant de formuler une hypothèse, à l’aune de l’observation de certaines évolutions du droit positif, celle d’un affermissement du rôle de la volonté du salarié dans le rapport de travail (II), encore faut-il commencer par éclairer le concept de volonté (I).
A. Lyon- Caen, « Actualité du contrat de travail », Dr. Soc. juillet-août 1988 p 540 et suiv.
M-A Ouaknin, « Dieu et l’art de la pêche à la ligne », Bayard éd. 2001.
Lévinas, « Totalité et Infini. Essai sur l’extériorité », Nijhoff, 1961, p 123.