2. La volonté, un concept polymorphe

20 La volonté s’avère aussi polymorphe parce qu’elle est éminemment subjective et personnelle. Elle est donc mobile, sujette à changements et difficilement saisissable en dehors du sujet qui l’actionne. Il y a donc une part d’impondérabilité et d’incertitude dans la volonté d’un sujet qui ne va pas sans affecter les relations interpersonnelles et sociales.

Or, on l’a vu, le droit ne reconnaît qu’une manifestation objective de la volonté, qui plus est extériorisée, pour être intelligible aux tiers34. Ainsi, faut-il « une volonté tendue vers le droit » 35 . Pour saisir le sens précis de cette acception, tout en négligeant les significations superflues qui pourraient venir s’y enchâsser, on peut se tourner, fort modestement, vers d’autres disciplines susceptibles d’éclairer le processus volontaire.

21 Il est classique, selon une analyse de psychologie comportementale, de soutenir que la volonté se détermine à la suite d’un processus psychique en quatre temps : la conception, la délibération au cours de laquelle sont appréciés les motifs et les mobiles, la décision qui met fin à la délibération et arrête un choix, l’exécution qui est le passage à l’acte. Ce processus n’est pas dénué d’intérêt pour le droit et on en perçoit de nombreuses influences36. Mais il faut se recentrer sur ce que le droit considère comme manifestation « objective » de volonté. Ainsi, en matière contractuelle, s’agira-t-il de la décision et plus spécifiquement, du consentement en tant que passage du vouloir à l’acte juridique.

Parler de volonté ou de consentement est-il alors indifférent ?

Notes
34.

Toutefois, selon la conception traditionnelle en France, « la manifestation extérieure n’a de valeur que par sa conformité au vouloir intime [de son auteur] ». (J.Carbonnier « Les obligations » Droit civil, Tome 4, Les obligations,PUF Thémis 22èmeed.). Cette conception s’oppose à la théorie allemande dite  « Erklärungsthéorie », pour laquelle il suffit que la déclaration ait été voulue, peu importe qu’elle reflète ou non le contenu exact de la volonté interne, ou celle dénommée « Willensthéorie » qui reconnaissait la seule valeur de la volonté interne. A.Rieg estimait que ces théories n’avaient pas pénétré le droit positif et que volonté interne et volonté déclarée formaient un tout indissociable (« Le rôle de la volonté dans la formation de l’acte juridique, d’après les doctrines allemandes du 19 ème siècle », Arch. de philosophie du droit, Sirey 1957 ; « Le rôle de la volonté dans l’acte juridique en droit civil français et allemand »,LGDJ 1961).

35.

J. Carbonnier,op. préc. « Les obligations » , p 82.

36.

Ce processus est, en effet, pertinent lors de l’examen des mobiles en droit pénal, de la recherche de l’intentionnalité en matière de responsabilité, mais aussi en matière contractuelle. Ainsi, la nécessité d’une volonté contractuelle « éclairée », qui impose une délibération préalable, est-elle prise en compte au travers de l’obligation d’information et l’octroi de délais de réflexion. De même, la recherche de la volonté réelle pour son interprétation n’est pas indifférente à ce processus descriptif de l’acte volontaire.