2. La législation protectrice du salarié

36 En raison de cette configuration inégalitaire, le droit du travail s’est construit en réaction totale à la volonté individuelle du salarié, autour d’un régime de protection impératif.L’essor d’une réglementation d’ordre public a permis d’encadrer les termes de l’échange contractuel et, partant, « de soutenir »  la volonté du salarié considérée comme « fictive » ou, à tout le moins, dominée par la subordination envers l’employeur. Les limites juridiques posées au pouvoir de l’employeur et l’instauration de contre-pouvoirs institutionnels ont aussi contribué à un rééquilibrage du rapport d’emploi. Sont ainsi apparues de nouvelles formes de protection collectives (syndicats, représentation du personnel, négociation collective) ou des notions juridiques nouvelles (représentativité, intérêt collectif). Ce faisant, le droit du travail a accordé progressivement une place de choix à la réglementation par voie conventionnelle et collective du rapport de travail, au détriment de la volonté et du contrat individuels.

D’emblée, la volonté individuelle du salarié apparaît donc enfermée dans un creuset normatif peu propice à son expansion.

37 Est-il alors illusoire, voire serait-ce faire preuve d’un manque évident de pertinence, que de s’attacher à mettre en lumière la place que le droit du travail ménage à la volonté du salarié ? A bien y regarder, cette recherche, loin d’être improbable, révèle des champs d’investigation originaux. Car, en dépit des défiances classiques du droit positif, la volonté du salarié, en tant qu’aptitude juridique à décider ou agir, accepter ou refuser, n’est pas une figure absente des relations du travail.

La finalité ultime de l’étude se dessine ainsi en filigrane. Celle-ci se propose d’identifier, au-delà d’une reconnaissance toujours admise dans son principe, un « affermissement» de la place et du rôle de la volonté du salarié en droit positif. Le terme « affermissement », ici employé, renvoie à l’idée selon laquelle les évolutions du droit du travail, du moins certaines d’entre elles, offrent une prise en compte plus ferme de la volonté du salarié. Pour être modéré puisqu’il n’exclut ni des bornes, ni des arbitrages ou des tempéraments, cet affermissement n’en apparaît pas moins remarquable. Quelles sont ses formes, ses limites et quelles perspectives laisse-t-il entrevoir ? Tenter de répondre à ces questions suppose de procéder à une véritable mesure de la volonté du salarié.