Première partie
La volonté du salarie dans le contrat de travail

43 Mesurer la volonté du salarié dans la dimension contractuelle du rapport d’emploi suppose d’évaluer son degré de prise en compte, à l’aune de l’acte juridique qui en est la source : le contrat de travail. Pour ce faire, l’étude s’étendra de la formation à l’extinction du contrat de travail. En effet, le temps où se place l’examen de la volonté du salarié apparaît déterminant du degré de liberté ou de protection et, corrélativement, du niveau de défiance ou de faveur que l’ordre juridique lui accorde. Le choix d’une telle approche s’est imposé avec plus d’acuité encore face au contrat de travail dont la nature duale, à la fois authentique contrat et acte-condition, affecte la puissance et l’étendue de la volonté du salarié.

44 Le contrat de travail est un contrat civil qui est soumis en tant que tel aux règles du droit commun 59des contrats et des obligations, où la volonté conserve un rôle majeur, selon le cadre défini par la loi et les principes qui la sous-tendent. Mais cette appropriation ne va pas sans adaptation. En effet, dans le contrat de travail, la volonté individuelle du salarié consent à s’engager dans un lien contractuel porteur d’obligations voulues, de droits et obligations greffés par l’ordre juridique. Dans le même temps, le salarié accepte de se placer sous « l’autorité » de l’employeur et d’être soumis aux pouvoirs qui sont reconnus à ce dernier. Partie au contrat économiquement la plus faible, le salarié est dans un lien juridique de subordination, une relation de dépendance qui rendent plus complexe la figure du contrat de travail et plus difficile à cerner le rôle effectif de la volonté du salarié. Dans ces conditions, les mécanismes propres au droit commun des contrats vont fort logiquement être adaptés.

Les illustrations et évolutions aujourd’hui observables semblent procéder d’un schéma dialectique qui, sous certains aspects, tient pour réduits le rôle et la place de la volonté contractuelle du salarié mais, sous d’autres, paraît en prôner l’affermissement.

Mais la volonté contractuelle du salarié est surtout variable selon le temps de samanifestation. De sorte que l’étude a été construite à partir des trois temps majeurs de la vie du contrat : la formation, l’exécution et la résiliation. Une telle démarche s’est imposée à la fois pour répondre à un souci de clarté de l’exposé et mettre en relief les différents aspects de la volonté du salarié dans le rapport contractuel de travail.

45 Lors de la formation du contrat de travail, la volonté du salarié reste circonscrite à l’intérieur des bornes que le droit pose au contrat individuel, en particulier des règles issues de la législation d’ordre public ou des normes collectives. La volonté du salarié apparaît ainsi comme minorée lors de la formation du contrat de travail (Titre I), même si des espaces sont laissés disponibles à son expression.

Elle semble davantage déployée en cours d’exécution du contrat de travail,grâce notamment à la réactivation ou la redécouverte jurisprudentielle de la force obligatoire du contrat. Mettre en perspective les effets et les enjeux, souvent empreints d’ambiguïté, qui traversent ce nouvel espace d’exercice de la volonté du salarié, n’est pas aisé. Car, si la volonté affermie du salarié en cours d’exécution du contrat de travail (Titre II) introduit plus de liberté dans la gestion des effets du contrat, cette propension appelle corrélativement une intervention plus marquée du juge ou du législateur.

Le constat d’un certain renforcement de la volonté du salarié en cours d’exécution du contrat de travail ouvre la voie à une dernière interrogation sur le rôle de la volonté dans la rupture du contrat60.Doit être examinée plus particulièrement la place aujourd’hui accordée aux ruptures du contrat de travail à l’initiative du salarié, lesquelles sont significatives d’un acte volontaire fort de sa part. Cette reconnaissance est mêlée toutefois d’une certaine défiance. Ainsi, la volonté du salarié lors de la rupture du contrat apparaît-elle encore sous tutelle du droit et demeure-t-elle protégée (Titre III).

Notes
59.

Art. L.1221-1 du code du travail (ancien art. L. 121-1).

60.

Plus spécifiquement, il s’agira des situations de rupture où la volonté du salarié peut se manifester : transaction suite à une rupture du contrat, résiliation conventionnelle et démission .