Section 1 : L’encadrement normatif

50 Le consentement, c’est la volonté de chacune des parties de se lier envers l’autre en vertu d’un contrat61.Il n’y a donc pas de contrat de travail sans le consentement du salarié. En ce sens, le contrat de travail ne se distingue pas du contrat de droit de commun, la volonté du salarié doit s’accorder à celle de l’employeur.

Or, échappe au consentement du salarié et plus largement à la volonté des contractants, lors de la formation du contrat de travail, tout un ensemble de règles ordonnant les relations de travail, préexistantes, qui se suffisent à elles-mêmes et s’imposent à tous. Quelle que soit la position adoptée sur le caractère d’acte-condition du contrat de travail62, il faut reconnaître que sa conclusion déclenche la mise en œuvre d’un régime légal et conventionnel qui écarte pour l’essentiel la volonté des parties. Certes, le volume du corpus normatif n’est pas, en soi, un frein absolu à l’expression de la volonté. Mais, dès lors que les règles sont, pour la plupart, plus qu’impératives, mais d’ordre public63, il en va différemment. Elles deviennent de nature à contrôler et encadrer le contrat. Et si l’ordre public limite le contrat, il évince aussi la volonté individuelle.

51 Cette éviction touche ainsi une des composantes de la volonté juridique, la liberté contractuelle, et plus spécifiquement laliberté de déterminer le contenu du contrat, réduisant corrélativement l’espace d’action et de choix du salarié, comme de l’employeur, acteur de pouvoir. Au jeu des contraintes, se juxtapose la création d’exigences ou d’obligations nouvelles qui n’ont pas été stipulées, voire parfois, même pas envisagées par les cocontractants au moment de la formation du contrat de travail. Il en résulte que consentement et contrat de travail individuels font l’objet d’un encadrement normatif dont les bornes sont dressées, sous le double signe de la contrainte et de la protection de la loi ( §1 ).

52 Au surplus, le droit du travail a réservé une place prépondérante à la norme collective dans l’ordonnancement des relations de travail. Dès lors que l’acte collectif est produit dans les conditions fixées par la loi, il est doté d’un effet impératif et automatique. De telle sorte que la volonté des parties au contrat de travail devient indifférente. Ces effets se justifient d’autant plus fermement que la négociation collective s’inscrit, à l’origine, dans une logique acquisitive, visant à enrichir ou améliorer le dispositif légal, tout en préservant la faculté d’une dérogation contractuelleindividuelle en faveur du salarié.Ainsi, l’encadrement normatif de la volonté du salarié se révèle –t-il aussi par le biais de la protection et de la fonction acquisitive classique de la norme collective (§2).

Notes
61.

C. Larroumet, « Les obligations. Le contrat », Droit civil Tome 3, Ed. Economica 2007, 6ème éd, p 205.

62.

62 De la conception stricte conçue par G.Scelle ( « Le droit ouvrier »,2ème ed., A.Colin 1929) à la conception plus nuancée de P.Durand ( Traité du droit du travail, avec le concours de R.Jaussaud et A.Vitu, Tomes I et II, D. 1947), l’analyse du contrat de travail en tant qu’acte-condition a été largement renouvelée, notamment par l’approche du dualisme structurel du contrat de travail du professeur A. Jeammaud ( V. en particulier «Les polyvalences du contrat de travail» in Etudes offertes à G.Lyon-Caen, Les transformations du droit du travail , Dalloz 1989, p 299 et suiv).

63.

F.Gaudu, « L’ordre public en droit du travail», in Etudes offertes à J.Ghestin. LGDJ 2001, p 363.