166 La réflexion de la doctrine travailliste est alimentée, depuis de nombreuses années déjà, par le thème du renouveau ou de la réhabilitation du contrat de travail. Après une période de mise à l’écart364, le contrat de travail est revenu progressivement365 mais fermement au devant de la scène du rapport d’emploi. Ce retour, constaté,366 critiqué367 ou relativisé368, permet-il une redécouverte du rôle de la volonté individuelle du salarié en droit du travail ?
La réponse doit être mesurée et nuancée car le renouveau du contrat de travail apparaît comme un phénomène complexe dont les manifestations diverses doivent être identifiées pour mieux en appréhender les effets sur la volonté du salarié. Des analyses ont déjà été brillamment menées à ce sujet et notre apport ne peut être que modeste et complémentaire369.
Une première question a animé notre réflexion. Quel rôle ou quelles fonctions le droit positif attribue-t-il au contrat de travail au moment de sa formation ? A partir des vocations ainsi assignées au contrat de travail, une deuxième question s’est imposée fort logiquement. Le rôle et la place de la volonté individuelle du salarié sont-ils par là-même parallèlement accrus ?
La première tendance constatée au regard de l’évolution législative et jurisprudentielle tend d’abord à renforcer la fonction sociale du contrat de travail au moment de sa formation (A). C’est alors la figure juridique du contrat de travail qui est plus fortement mobilisée soit sur l’initiative du législateur, soit par le biais du mouvement d’objectivation du contrat qui anime la jurisprudence. Une seconde tendance est généralement observée qui consiste en une revalorisation du rôle instrumental du contrat de travail, c’est à dire du contrat en tant qu’instrument de gestion, de spécification ou de singularisation (B).
On entrevoit que le rôle de la volonté du salarié dans ces différents processus sera forcement différencié, dans la mesure où des logiques diverses entrent en ligne de compte.
V. notamment P.Durand, A. Vitu « Traité de droit du travail » D. 1950 Tome 2. G.Scelle « Précis élémentaire de législation industrielle » Chap.III Les contrats de travail. Paris Sirey 1927 p 173 et suiv. A. Brun « Le lien d’entreprise» , JCP Doctrine 1962 n°1719.
A.Lyon-Caen, « Actualité du contrat de travail », Dr. Soc. 1988 p 540 et suiv.
A . Jeammaud, «Les polyvalences du contrat de travail » in Etudes offertes à G.Lyon-Caen, Les transformations du droit du travail. D.1989 p 299 et suiv.
V. notamment A. Supiot « Homo Juridicus – Essai sur le fonction anthropologique du droit » - Seuil mars 2005- La couleur des idées. C.Radé, «La figure du contrat dans le rapport de travail » , Dr. Soc. 2001 p 802 et suiv. S.Erbès-Seguin «Le contrat de travail, une relation hybride » in Le contrat, Usages et abus d’une notion ; Sociologie Economique Desclée de Brouwer 1999.
A.Jeammaud, art. préc. «Le contrat de travail, une puissance moyenne ». P. Adam, thèse préc. « L’individualisation du droit du travail », P. Lockiec, « Contrat et pouvoir – Essai sur les transformations de droit privé des rapports contractuels » thèse Nanterre Paris X, soutenue le 7/12/2002.
On soulignera notamment l’apport du professeur A. Jeammaud, art. préc. «Le contrat de travail, une puissance moyenne ».