§ 2- Les formalités préalables à la formation du contrat

231 Avant même la formation du contrat de travail constatant la concordance des volontés des deux parties, le législateur impose fréquemment le respect de certaines formalités. Dès lors, celles-ci apparaissent nécessaires, voire même substantielles à la naissance de l’acte juridique et à la manifestation des volontés.

Le droit du travail y recourt sans ambages et plus spécifiquement lorsque le contrat de travail est saisi en tant qu’outil juridique d’une politique sociale d’insertion ou de réinsertion, d’aides à l’emploi ou à la formation. Tel est le cas lorsque la conclusion d’un contrat de travail est subordonnée à la signature préalable d’une convention entre l’employeur et les représentants de l’Etat ou l’ANPE612, s’agissant de contrats ouvrant droit à des aides ou avantages613 ou de demandes d’autorisation auprès des administrations territorialement compétentes614. L’expression de la volonté contractuelle des parties est alors conditionnée par l’entrée dans le dispositif juridique légal prévu. Le contrat de travail conclu sans respecter ces formalités substantielles sera sanctionné différemment selon les cas, soit en étant requalifié en contrat à durée indéterminée de droit commun, soit en faisant l’objet de sanctions pénales spécifiques prévues par la loi615. Il s’agit ici non seulement de garantir la volonté contractuelle de la partie la plus faible mais de s’assurer, par l’intervention d’une autorité ou d’une institution extérieure, du respect des conditions posées par la loi pour prétendre au dispositif considéré.

232 Plus classiquement, il peut s’agir d’une formalité davantage familière au droit général des contrats qu’au droit du travail, l’enregistrement du contrat.Cette formalité repose sur une analyse du contenu de l’acte et du respect des prescriptions légales616. Elle entérine et certifie en quelque sorte la manifestation de volontés des parties. D’une façon générale, l’enregistrement du contrat a pour effet de constater l’existence et la validité du contrat, pour des contrats de travail particuliers tels que les contrats d’apprentissage. Le rôle pédagogique dévolu à l’employeur cocontractant joue sans doute ici un rôle fondamental dans la solennité de la contrainte exigée.Se substituant à l’enseignement public assigné traditionnellement à l’Etat, l’employeur doit pouvoir fournir toute garantie nécessaire sur ses engagements contractuels et pédagogiques et l’enregistrement du contrat sert alors à protéger celui au bénéfice de qui l’engagement de formation est pris.

La diversité des textes imposant le respect de formalités à accomplir par les parties signataires d’un contrat de travail spécifique nécessiterait de multiplier encore les illustrations. Toutefois, ce qui semble se dégager communément de l’ensemble de ces formalités, c’est qu’elles sont essentiellement des obligations imposées au contractant dominant. Exigées pour la garantie de la volonté du salarié, elles apparaissent surtout comme des moyens de contrôle de tout éventuel détournement de l’objet du contrat en cause ou d’un recours abusif de la part de l’employeur.

233 L’analyse des règles de forme qui gouvernent la formation du contrat de travail laisse à voir de nombreuses exceptions au principe du consensualisme. Certes, ce mouvement n’est pas propre à la discipline travailliste. Néanmoins, il s’avère prégnant, recouvrant de façon originale et ample le rapport contractuel de travail. Ce phénomène participe au retour ou à la renaissance du formalisme dans la législation contemporaine617. Plus spécifiquement, l’exigence d’un écrit, l’insertion de mentions obligatoires dans le contrat de travail, les formalités diverses à respecter lors de sa formation traduisent la réaction du droit positif en vue de protéger l’expression du consentement du salarié et caractérisent aussi un évident souci de sécuriser le lien contractuel de travail.

Mais même singulier, le régime du consentement, en droit du travail, conserve le principe d’un échange de volontés des parties. Qui plus est, le consentement du salarié doit revêtir, dans ses qualités intrinsèques, certaines exigences propres. Ceci nous amène à rendre compte d’un renforcement des conditions de fond du régime du consentement.

Notes
612.

Devenue Le Pôle Emploi après fusion avec les Assedic.

613.

Citons, à titre d’exemples, le contrat initiative emploi (CIE),le contrat d’insertion –revenu minimum d’activité (CI-RMA).

614.

V.par exemple, la procédure d’autorisation pour faire travailler un étranger ( modifiée par la loi n°2006-911 du 24/07/2006).

615.

On citera, notamment, les sanctions pénales prévues à l’encontre de l’employeur au titre de l’emploi irrégulier d’étrangers.

616.

Il en est ainsi, en matière de contrat d’apprentissage ou de contrat de professionnalisation, par exemple.

617.

X.Lagarde, « Observations critiques sur la renaissance du formalisme »,JCP 1999 I p 170.