259 La faculté de choix, telle que nous l’appréhendons dans ce chapitre, peut être définie comme la possibilité d’option reconnue au salarié, en cours d’exécution du contrat de travail et plus spécifiquement, en cas de proposition de modification du contrat de travail par l’employeur ou lorsque le recours à l’accord du salarié est imposé par stipulation de la loi ou d’une norme collective.
Dans ces situations, la faculté de choix du salarié ne peut être toutefois assimilée à une liberté totale de la volonté individuelle, ne serait-ce que parce que l’éventail de décisions possibles est limité, celui-ci étant ramené la plupart du temps à une alternative, l’acceptation ou le refus d’une situation juridique donnée. Une des caractéristiques de la faculté de choix du salarié est que la prérogative qu’elle renferme s’enserre dans un tissu de conditions précises (proposition écrite, délai de réflexion, modes de manifestation de l’acceptation ou du refus…).
Au demeurant, si la volonté du salarié est nécessaire à l’exercice de cette faculté, puisqu’elle se traduit par une décision individuelle, ses effets, même placés sous l’empire de la loi, n’en subissent pas moins l’influence du pouvoir de l’employeur. Enfin, il faut préciser que l’exercice de la faculté de choix n’est pas soumis, en tant que tel, au contrôle du juge. En effet, dès lors qu’il y a option, c’est que la décision appartient pleinement à son bénéficiaire. Celle-ci n’est donc pas contrôlée et n’a pas besoin d’être justifiée ou motivée. La faculté de choix se traduit par un acte volontaire et individuel dont le salarié est seul juge de l’opportunité 661.
260 A l’évidence, l’analyse de la faculté de choix du salarié en situation de modifications du contrat tend à privilégier la figure du refus, qui s’analyse comme un droit dont dispose le salarié.Refuser, c’est ne pas consentir à ce qui est demandé, ne pas accepter ce qui est offert ou présenté.662Dans un rapport contractuel de travail dominé par le lien de subordination et traversé par le pouvoir juridique de l’employeur, le « non » du salarié peut donc apparaître comme l’expression d’une volonté propre par rapport à celle d’autrui. Le refus n’est pas seulement l’opposé étymologique du consentement, il relève d’une manifestation de choix libérée de l’emprise de l’autre, permettant une prise de décision autonome et différenciée.
261 Il conviendra donc de prendre la mesure de l’ampleur réelle de la faculté de choix du salarié. Le contrat de travail, dans son rôle qualifié d’heuristique663, occupe ici une place cardinale. Il devient ainsi un outil juridique susceptible de conférer un rôle plus effectif à la volonté du salarié et de circonscrire l’unilatéralisme du pouvoir patronal. C’est sur le fondement de l’article 1134 du code civil que le salarié dispose, en effet, d’une faculté de choix, sa volonté devant être sollicitée lors de toute proposition de modification du contrat de travail sur initiative de l’employeur, quelle que soit sa nature (économique ou non, disciplinaire) et son importance (Section 1).
Cette faculté reconnue au salarié ouvre un terrain d’exercice nouveau à l’expression de sa volonté, d’autant plus que le recours à l’accord du salarié est fréquemment imposé par la loi, voire même par la convention ou l’accord collectif (Section2).
Retiennent enfin l’attention les manifestations d’accord ou de refus du salarié en contexte de modifications du contrat. Comment sont –elles accueillies par le droit positif ? Le salarié bénéficie-t-il d’une liberté d’expression accrue de sa volonté ? (Section3)
A l’opposé, tel ne sera pas le cas de la décision de l’employeur de licencier le salarié suite à son refus d’accepter la modification du contrat de travail. Les juges vérifieront les motifs invoqués à l’appui de la rupture du contrat de travail, lesquels doivent être ceux à l’origine de la proposition de modification et non le refus du salarié en tant que tel V. Partie II, Titre I, Chapitre préliminaire.
Dictionnaire Lexis Larousse de la langue française 2002.
V. A. Jeammaud, art. préc., notamment “Les polyvalence du contrat de travail”.